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L’Inde est une puissance à part sur l’échiquier international. Jean-Claude Carrière parle d’ailleurs dans son Dictionnaire amoureux de l’Inde d’une « chimère en exercice » tant l’Inde s’attache à équilibrer les contraires. Zoom sur le tigre indien.

L’Inde, un géant asiatique qui a connu une forte ascension

Si l’Inde est un géant, c’est d’abord tout simplement par son poids démographique et géographique. L’Inde représente avec les 1.3 milliards d’habitants environ 30% de la population asiatique. Elle se place ainsi au deuxième rang derrière la Chine en termes de population. Cependant, alors que la Chine a achevé sa transition démographique il y a bien longtemps, l’Inde n’est qu’en passe de l’achever. Avec un Indice Synthétique de Fécondité (ISF) de 2.3, elle ne devrait pas tarder à être la 1ère puissance démographique mondiale.

D’un point de vue économique, l’Inde est aussi une puissance non négligeable. Après la seconde guerre mondiale, l’Inde avait choisi un modèle proche du modèle soviétique. Elle est demeurée très fermée au monde en s’axant principalement sur l’industrie lourde. Ce n’est qu’en 1991 que l’Inde prend finalement le tournant de l’ouverture sous l’impulsion de Manmohan Singh. Le PIB bondit alors. L’Inde est aujourd’hui le 3ème PIB d’Asie derrière la Chine et le Japon. Son PIB nominal est aujourd’hui le 7ème mondial. Ses partenaires commerciaux traditionnels sont l’Union Européenne et l’Amérique du Nord mais l’Inde se réoriente progressivement vers l’Asie. Pékin est d’ailleurs devenu son 1er partenaire commercial. La croissance du « tigre » indien est portée par les services (informatiques, services médicaux, secteur R et D) et les industries à forte valeur ajoutée : le cinéma avec Bollywood, l’industrie pharmaceutique, l’industrie spatiale. Cet essor bénéficie essentiellement au « quadrilatère d’or », c’est-à-dire Bombay, Delhi, Calcutta et Chennai. Les grands groupes indiens sont des fers de lance dans cette mondialisation du pays. On pourra citer Tata, Infosys, Wipro, Cipla ou Ranbaxy par exemple.

L’Inde fait partie de ces pays d’Asie qui ont connu une croissance très forte depuis 3 décennies. L’Inde observe même le développement relativement rapide d’une classe moyenne. Selon Goldman Sachs : « Il est possible que le pays s’impose comme le plus important marché de consommateurs du monde » à moyen terme. L’inde attire en conséquence de plus en plus d’investissements étrangers. A titre d’exemple, le 1er Ikea indien a ouvert ses portes en 2018. Le pays est passé très rapidement d’une économie du 1/3 monde à une économie tertiarisée.

Une politique volontariste

Narendra Modi mène depuis 2014 une politique très volontariste. Traditionnellement orientée vers le monde occidental, l’Inde opère une « Go East Policy ». Elle s’insère à grande vitesse dans les réseaux asiatiques. Cela passe par un rapprochement avec la Birmanie, en pleine transition politique et économique. L’inde a aussi aidé les pays voisins touchés par des catastrophes naturelles depuis 2004. L’Inde s’est en outre rapprochée de la Chine et de la Russie au sein des BRICS. Elle a également intégré l’OCS avec le Pakistan en 2016. Tournant important quand on sait combien la relation indo-pakistanaise est source de conflits.

Ce volontarisme indien s’exprime aussi dans l’économie. L’Inde fait résolument le choix de la modernité. Elle devance légèrement la Chine dans la lutte pour l’espace. L’ISRO (agence spatiale indienne) concurrence sérieusement les USA et l’Union Européenne. En 2017, l’ISRO a envoyé simultanément 104 satellites. Dans la défense aussi, l’Inde a fait le choix de la modernité. Il est bien loin le credo de la non-violence. L’Inde est le 1er pays importateur d’armes, la France lui a d’ailleurs fournit 36 rafales en 2016. Le budget de la défense de l’Inde est d’environ 50 milliards, soit 4 fois moins que la Chine mais à peu près équivalent au budget français. L’Inde est une puissance nucléaire.  Enfin, le gouvernement de Narendra Modi fait de gros efforts sur les infrastructures pour mieux insérer la plus grande démocratie du monde dans la mondialisation.

Un pays pluriel qui a encore des lacunes réelles qui entravent son développement

L’Inde est un pays aux multiples visages. Elle s’unit toutefois autour d’une tradition forte. Mahatma Gandhi, Tagore ou encore Nehru sont parmi les visages proéminents de cet héritage. L’Inde capitalise d’ailleurs sur cet héritage et fait du nation branding autour de ses traditions. Cependant, l’Inde demeure extrêmement divisée. Tout d’abord d’un point de vue économique. L’Inde participe à l’APD mais a encore 1/5ème de sa population qui souffre de malnutrition. On parle pour le cas indien d’une « archipellisation du développement ». Le développement en Inde est sélectif. L’espérance de vie en Inde n’est que de 68 ans, et 1/3 des indiens vivent sous le seuil de pauvreté. La région de l’Uttar Pradesh a un niveau de développement comparable à celui de l’Afrique subsaharienne. Les écarts sociaux sont très conséquents, la tour Antilla côtoie le bidonville de Dharavi à Bombay par exemple.

Ces divisions sont aussi sociales. Malgré l’interdiction du système des castes par Nehru, le système demeure. L’appartenance à une caste détermine la position des citoyens. 15% de la population n’appartient à aucune caste. Ces intouchables ou dalits sont surreprésentés chez les paysans sans terre.

Enfin, les divisions religieuses doivent être évoquées. L’Inde compte environ 14% de musulmans. La violence religieuse est omniprésente en Inde. Indira Gandhi et Rajiv Gandhi ont par exemple été assassinés pour des raisons religieuses. Les violences chez les hindous comme chez les musulmans se multiplient, plus encore depuis l’arrivée au pouvoir du BJP en 2014.

Pour conclure, l’Inde est un pays aux multiples facettes. Entre richesse et pauvreté, tradition et modernité, héritage pacifique et impératifs de puissance, l’Inde réalise un grand écart permanent. Elle est véritablement à part sur l’échiquier international.