Inverser une matrice

On se retrouve aujourd’hui pour revoir l’inversion des matrices carrées. Savoir inverser une matrice est nécessaire pour toute une gamme d’exercices sur ce sujet, en particulier lorsque l’on veut aborder la diagonalisation des matrices sereinement.
C’est un chapitre central du programme des deux années de prépa qui est présent dans une grande majorité des épreuves de concours.
Il faut donc avoir les idées claires dès qu’il s’agit de répondre à une question portant sur l’inversibilité d’une matrice.

Dans cet article nous vous montrerons les critères d’inversibilité d’une matrice, puis nous vous expliquerons les différentes méthodes pour inverser une matrice. Le tout accompagné d’exemples et d’exercices types.

Définition d’une matrice inversible

Déterminer si une matrice carrée \(A \in \mathcal{M}_n(\mathbb{R})\) est inversible,
c’est déterminer s’il existe une matrice \(B \in \mathcal{M}_n(\mathbb{R}) \) telle que \(AB = BA = I_n \).
Dans ce cas, la matrice \( B \) est l’inverse de \( A \), et on note \( B = A^{-1} \).

On peut alors examiner les points suivants :

L’énoncé donne ou fait apparaître la relation \( AB = I_n \) pour une certaine matrice \( B \) de même format que \( A \)

Alors dans ce cas on conclut directement que \( A \) est inversible et \( A^{-1} = B \).

Remarque : par rapport à la définition, l’égalité dans un seul sens suffit (\( AB = I_n \) ou \( BA = I_n \)) pour pouvoir conclure (l’égalité dans l’autre sens est alors forcément vraie).

Exemples de matrices inversibles

  1. L’énoncé donne \( Q =\begin{pmatrix}1 & 0 & -1 \\ -2 & 2 & 5 \\ 2 & -1 & -3 \end{pmatrix} \) et demande le calcul de \( Q^3 \).
    On obtient :    \( Q^2 = \begin{pmatrix}-1 & 1 & 2 \\ 4 & -1 & -3 \\ -2 & 1 & 2 \end{pmatrix} \),
    et \( Q^3 = Q^2 \times Q = \begin{pmatrix}1 & 0 & 0 \\ 0 & 1 & 0 \\ 0 & 0 & 1 \end{pmatrix} \).On peut donc écrire :    \( Q^2 \times Q = I_3 \),
    ce qui suffit pour conclure que \( Q \) est inversible, d’inverse \(Q^{-1} = Q^2\).
  2. On définit la matrice \( A = \begin{pmatrix} 3 & 0 & 0 \\ 1 & 2 & -1 \\ 1 & -1 & 2 \end{pmatrix} \) et l’énoncé demande innocemment le calcul
    de \( A^2-4A \)…
    Or \(A^2 – 4A =\begin{pmatrix} 9 & 0 & 0 \\ 4 & 5 & -4 \\ 4 & -4 & 5 \end{pmatrix} – \begin{pmatrix} 12 & 0 & 0 \\ 4 & 8 & -4 \\ 4 & -4 & 8 \end{pmatrix} \)
    Soit : \( A^2-4A = \begin{pmatrix} -3 & 0 & 0 \\ 0 & -3 & 0 \\ 0 & 0 & -3 \end{pmatrix}, \)
    relation dont il faut remarquer qu’elle s’écrit aussi :\( A^2-4.A = -3.I_3 \iff -\frac{1}{3}.A^2+\frac{4}{3}.A = I_3 \iff A\big(-\frac{1}{3}.A+\frac{4}{3}.I_3\big) = I_3, \)
    ce qui prouve alors que \( A \) est inversible, d’inverse \(A^{-1} = -\frac{1}{3}.A+\frac{4}{3}.I_3\).

Cas où une relation vérifiée par \( A \) prouve qu’elle n’est Pas inversible

Dès que \( A \) n’est pas la matrice nulle, et qu’il existe \( B \) non nulle également telle que \( AB = 0_n \), alors ni \( A\), ni \( B \) n’est inversible. (la preuve de cette propriété se fait par l’absurde : si \( A \) par exemple était inversible et \( A^{-1} \) son inverse, alors on pourrait écrire :
\( AB = 0_n \Longrightarrow A^{-1}AB = A^{-1}0_n \Longrightarrow B = 0_n \)

ce qui contredit l’hypothèse faite sur \( B \) !

Exemple : \( A = \begin{pmatrix}0 & -3 & 1 \\ -3 & 0 & 2 \\ 3 & -6 & 0 \end{pmatrix} \) et \( B = \begin{pmatrix}4 & -2 & -2 \\ 2 & -1 & -1 \\ 6 & -3 & -3 \end{pmatrix} \)

\( A \neq 0_3,\ B \neq 0_3 \) et on vérifie pourtant que \( AB = 0_3 \) : aucune de ces deux matrices n’est donc inversible.

Cas typique : une matrice nilpotente (dont l’une des puissances est nulle) n’est jamais inversible.
Vérifier par exemple que dans le cas précédent, on a aussi \( A^3 = 0_3 \), et en déduire une nouvelle preuve que \( A \) n’est pas inversible.

Les critères “évidents” d’inversibilité ou de non-inversibilité d’une matrice

Il y a plusieurs cas particuliers qu’il faut tous connaître : en repérer un permet généralement de directement conclure, au moins sur le fait que la matrice est inversible ou pas!

  1. \( A \) est-elle une matrice de format 2 x 2  (\( A \in \mathcal{M}_n(\mathbb{R})\))?Penser absolument dans ce cas au critère du déterminant,  et la formule associée pour l’inverse :\( A = \begin{pmatrix} a & b \\ c & d \end{pmatrix} \) est inversible si et seulement si  \( \det(A) = ad-bc \neq 0 \),
    et dans ce cas \( A^{-1} = \frac{1}{\det(A)} \begin{pmatrix} d & -b \\ -c & a \end{pmatrix} \).Exemple : \( A = \begin{pmatrix}1 & -2 \\ 3 & -1 \end{pmatrix} \) a pour déterminant :
    \( \det(A) = 1 \times (-1) – 3 \times (-2) = 5 \neq 0 \), donc \( A \) est inversible et a pour inverse :
    \( A^{-1} = \frac{1}{5} \begin{pmatrix}-1 & 2 \\ -3 & 1 \end{pmatrix} \)
  2. \( A \) est-elle une matrice diagonale ?Dans ce cas : \( A \)  est inversible si et seulement si ses coefficients diagonaux sont tous non nuls, et son inverse est la matrice diagonale dont les coefficients diagonaux sont les inverses de ceux de \( A \).
  3. \( A \) est-elle une matrice triangulaire?Dans ce cas : \( A \) est inversible si et seulement si ses coefficients diagonaux sont tous non nuls, et son inverse \( A^{-1} \) est encore une matrice triangulaire.
    Par contre l’inverse n’est pas immédiat dans ce cas, on le calcule généralement avec le point 3.
  4. Ne pas oublier non plus que le produit de matrices inversibles, est inversible.
  5. Les lignes ou les colonnes de\( A \) présentent-elles un critère “évident” de non-inversibilité?Il figure dans ce cas parmi la liste suivante (tous ces critères s’appliquent également aux lignes de \( A \) ) :
    -→ \( A \)  possède une colonne nulle
    -→ \( A \)  possède deux colonnes égales
    -→ \( A \)  possède deux colonnes proportionnelles.
    -→ les colonnes de \( A \) présentent une relation de dépendance linéaire :
    par exemple dans  \( A = \begin{pmatrix}5 & -2 & -3 \\ 1 & 2 & -3 \\ 1 & -2 & 1 \end{pmatrix} \),
    la somme des colonnes de \( A \)  est nulle :  \( C_1+C_2+C_3 = 0_{3,1} \iff C_1 = -C_2-C_3 \).
    Si le moindre de ces critères est vérifié, alors on peut conclure sans calcul supplémentaire que \( A \) n’est pas inversible.
  • Critères valables uniquement lorsque le cours sur les espaces vectoriels a été fait (exigible en deuxième année) : \( A \)  est inversible si et seulement si
    -→ Les colonnes de \( A \)  forment ou représentent, une famille libre (et même une base de l’espace considéré).
    -→ Le réel 0 (zéro) n’est pas valeur propre de \( A \)
    -→ \( A \)  représente un endomorphisme bijectif (isomorphisme ou automorphisme).

En dernier recours : méthode du système linéaire

Si aucun des critères précédents ne s’applique (et seulement dans ce cas!) il reste toujours la méthode basée sur la résolution d’un système linéaire :

\( A \in \mathcal{M}_n(\mathbb{R}) \)  est inversible si et seulement si le système \( AX=Y \) d’inconnue \( X \in \mathcal{M}_{n,1}(\mathbb{R}) \) et de second membre \( Y \in \mathcal{M}_{n,1}(\mathbb{R})\), est de Cramer; on peut alors écrire :
\( AX = Y \iff X = A^{-1}Y \).

Exemple :  la matrice \( A = \begin{pmatrix}4 & 1 & 2 \\ 2 & 1 & 1 \\ 1 & 1 & 0 \end{pmatrix} \) est inversible si et seulement si le système \( AX = Y \) d’inconnue \( X = \begin{pmatrix} x \\ y \\ z \end{pmatrix} \) est de Camer pour tout \( Y = \begin{pmatrix} a \\ b \\ c \end{pmatrix}\)  :

\( AX = Y \iff \left\{ \begin{array}{r c r c r c l} 4x & + & y & + & 2z & = & a \\ 2x & + & y & + & z & = & b \\ x & + & y & \ & \ & = & c \end{array} \right. \)

La résolution rigoureuse du système le fait apparaître comme un système de Cramer : \( A \) est inversible,
et en finissant la résolution on obtient :     \( \begin{cases} x & = \phantom{-} a-2b+c \\ y & = -a+2b \\ z & = -a+3b-2c \end{cases}  \),

soit : \( \begin{pmatrix} x \\ y \\ z \end{pmatrix} = \underbrace{\begin{pmatrix} 1 & -2 & 1 \\ -1 & 2 & 0 \\ -1 & 3 & -2 \end{pmatrix}}_{=A^{-1}} \begin{pmatrix} a \\ b \\ c \end{pmatrix} \)