Cet article se concentre sur les grandes affaires que la République Française a connu depuis 1958, et qui l’ont mise dans l’embarras à l’international. Évidemment, il en existe bien d’autres, dont celles de la Françafrique…

L’affaire du Rainbow warrior

Origines 

Ce qui ne devait être au départ qu’une simple expédition de sabotage finit par tourner au drame. « Le Rainbow warrior », un bateau de Greenpeace, est frappé par deux explosions et coulé le 10 juillet 1985 aux abords de la Nouvelle-Zélande. La DGSE (les services secrets français) est mise en cause par la justice néozélandaise. Certains responsables du crime ont en effet été arrêtés, reconnus comme des agents de la DGSE, et accusés de complicité de meurtre (un photographe est mort), de destruction par explosifs et d’usage de fausses identités. Une vingtaine d’agents de la DGSE aurait participé à l’opération. Deux journalistes de l’Express relatent, dans un article publié le 16 août 1985, comment cette opération s’est organisée dans un secret absolu. Ils parviennent également à obtenir les noms de certains des agents de la DGSE comme Dominique Prieur.

Réactions de l’Etat français 

Il est ici question de morale politique, le gouvernement ne peut pas rester inactif devant des accusations de terrorisme d’une telle gravité. Une enquête est ordonnée par le Président Mitterrand et son Premier Ministre Laurent Fabius pour faire la lumière sur cette histoire. Une coopération est engagée avec la Nouvelle-Zélande. Le pouvoir nie bien sûr toute implication de la DGSE.

Qu’est-ce qui pourrait justifier une telle attaque sur Greenpeace de la part de l’Etat français ?

Dès 1966, l’Etat français, alors qu’il installe un centre d’expérimentation nucléaire en Polynésie, commence à s’inquiéter des agissements de l’ONG, notamment en lien avec la vive campagne anti-nucléaire que cette dernière mène. Déjà lors de cette installation, l’Etat français neutralise des bateaux gênants appartenant à des organisations pacifistes, dont Greenpeace, au moyen de méthodes musclées. La DGSE aurait également obtenu des informations indiquant que les services secrets soviétiques auraient intégré Greenpeace. Par la suite, la nouvelle campagne antinucléaire de l’ONG a inquiété de plus en plus. Celle-ci a usé d’un espionnage technologique fort et a menacé d’organiser un spectaculaire débarquement à Mururoa en Polynésie.

Dénouement

Le journal Le Monde, notamment Edwy Plenel, a joué un rôle majeur dans l’inculpation de la DGSE en publiant un nouvel article démontrant la culpabilité dans le drame de deux nageurs de combat de la DGSE. L’enquête de L’Express complète ces révélations et l’Etat ne peut plus nier la responsabilité des services secrets. Laurent Fabius finit par déclarer à la télévision : « la vérité est cruelle, mais c’est la vérité : ce sont bien les membres de la DGSE qui ont coulé le bateau de Greenpeace ». Charles Hernu, ministre de la Défense, pose sa démission et quitte le gouvernement le 20 septembre 1985. Il assume ainsi la responsabilité de l’affaire. Il faut ici mentionner que le plus haut sommet de l’Etat n’avait pas été mis au courant de cette opération ou avait entendu une version bien plus “soft” que ce qui s’est en réalité déroulé.

Conclusion

Le dossier a fait l’objet de lourdes négociations financières et diplomatiques entre la France et la Nouvelle-Zélande. L’image de la France en est ressortie ternie.

Bonus

Un des acteurs de l’opération, celui qui a surveillé le bateau pendant que les poseurs de bombes faisaient leur travail, est Gérard Royal, le frère de Ségolène Royal.

L’affaire Luchaire

Origines

Le quotidien régional « La Presse de la Manche » révèle en 1986 la vente d’armes françaises à l’Iran. La société d’armement Luchaire a en effet, entre 1982 et 1986, exporté illégalement 450000 obus vers l’Iran pour l’aider dans sa guerre contre l’Irak. Il est important de rappeler que la France est un allié privilégié de l’Irak, ce qui est contradictoire. Luchaire prétendait exporter des armes vers d’autres pays comme le Brésil, la Thaïlande ou le Pakistan entre autres. Elle a ainsi usé d’un système complexe de faux cachets, d’une société écran et de complices pour accomplir ses méfaits. En 1987, L’Express apporte des précisions importantes sur le rôle des responsables politiques dans ce scandale. Une enquête du journal montre que la DGSE et le ministre de la Défense Charles Hernu étaient au courant de ce trafic orchestré par Luchaire, rapportant à cette dernière 700 millions de francs. Un tel trafic d’une durée aussi importante n’aurait en effet pas pu se faire sans que les plus hautes autorités de l’Etat ne soient mises au courant ou ne s’en rendent compte à un moment donné.

Quels sont les motifs qui pourraient justifier une telle aide de l’Etat français à l’Iran ?

Il n’y a pas de réponse avérée mais différentes pistes ont été envisagées :

  • Une volonté de se rapprocher du régime de l’Ayatollah
  • Une affaire de corruption
  • Une aide à Luchaire, entreprise française en grave difficulté financière à l’époque

Suite et fin

Pour approfondir les investigations, le juge doit attendre que le ministère de la Défense déclassifie certains documents, ce que n’a pas fait ni le remplaçant de Charles Hernu, André Giraud (ministre de droite) ni son successeur Chevènement (ministre de gauche) qui y ont opposé un veto. En 1989, le juge prononce un non-lieu pour les principaux collaborateurs de Charles Hernu et l’affaire retombe.

L’affaire Elf-Rolland Dumas

La carrière de Loïk Le Floch-Prigent

Pour bien comprendre l’affaire Elf, une compagnie pétrolière française, il faut d’abord retracer la carrière d’un de ses Présidents, Monsieur Loïk Le Floch-Prigent. Ce dernier est arrêté le 5 juillet 1996 pour graves écarts de gestion de la compagnie. Après son arrestation, il écrit un rapport de 10 pages de confessions sur les dessous d’Elf, notamment sur son emprise sur les réseaux gaullistes en Afrique, son rôle diplomatique sur la scène internationale (au sein même de l’ONU) et ses diverses activités de renseignement. Mais avant de poursuivre, reprenons depuis le début la carrière de cet homme. En 1989, il est nommé Président d’Elf. Aussitôt, il va chercher à nouer des contacts avec de nombreux chefs d’Etat (Gabon, Congo, Moyen-Orient). Son deuxième objectif est de diversifier les activités de la compagnie : en 1991, il rachète des gisements en mer du Nord, puis il prend le contrôle du raffineur Ertoil en Espagne, avant d’essayer d’obtenir des permis d’exploitation en Asie centrale (Ouzbékistan, Turkménistan, Azerbaïdjan) contre le consentement de ses associés qui jugent l’affaire trop risquée par rapport aux coûts qu’elle engendre. Pour cette opération, Floch-Prigent fait appel à André Guelfi, un proche du Président ouzbek, et lui promet la construction d’hôtels dans le pays en échange des précieux permis d’exploitation.

Dans les années 1991-1992, l’argent est abondant au sein d’Elf, profitant à de nombreuses personnes pour assouvir les objectifs du Président mais aussi à ses proches.

Eclatement de l’affaire

Le 18 août 1994, après la publication d’un rapport de la COB (commission des opérations boursières), une enquête est ouverte par le parquet de Paris contre X pour abus de biens sociaux et présentations de faux comptes. L’affaire n’éclate vraiment qu’en décembre 1995 après une perquisition commandée par la magistrate Eva Joly au domicile de Bidermann, un ami de Floch-Prigent et ancien ministre de l’industrie, qui s’avère avoir reçu une aide de 787 millions de francs de 1989 à 1993. Les charges s’accumulent contre Floch-Prigent qui aurait également utilisé personnellement avec sa femme l’argent de la compagnie à hauteur de 1,7 million de francs entre 1990 et 1991. L’affaire Elf est un dossier très complexe où des commissions colossales coulent par millions de dollars. L’instruction menée par Eva Joly met en lumière un vaste réseau de corruption mêlant à la fois des grands patrons et des hommes politiques comme Rolland Dumas. La compagnie aurait bénéficié de la protection du pouvoir exécutif en raison de l’aspect stratégique de son activité.

Une affaire d’Etat

En janvier 1998, Rolland Dumas, ancien ministre des Affaires Etrangères et Président du Conseil Constitutionnel, est inculpé dans l’histoire. Rolland Dumas est une personne très influente de la sphère du Président Mitterrand, tournant l’affaire en l’un des plus gros scandales de la Vème République si son inculpation était avérée. Des perquisitions sont ordonnées à son domicile suite à la découverte sur son compte bancaire de mouvements de fonds en liquide douteux au bénéfice d’une de ses amies et maitresse, Christine Deviers-Joncour. Le but des perquisitions étant d’établir s’il existe des liens d’intérêts entre les deux protagonistes. Les motifs d’accusation sont les suivants : Christine Deviers-Joncour aurait bénéficié, grâce à Rolland Dumas, d’un emploi de complaisance et d’une aide pour financer son appartement, ainsi que d’autres cadeaux comme une paire de chaussures payée 11000 francs avec une carte bleue Elf. Sa culpabilité n’a pas été avérée et il a été reconnu innocent après son deuxième procès. L’affaire reste tout de même décrite comme « le plus gros scandale politico-financier et de détournements de fonds dans une démocratie occidentale depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale » selon le journal anglais The Guardian.