synthèse

La synthèse de documents est un très bon exercice pour parfaire tes compétences analytiques. Pour que tu puisses t’entraîner, cet article te propose un sujet et un corrigé détaillé de synthèse de documents en prépa scientifique.

 

Sujet

Pour commencer, tu trouveras ci-dessous le sujet. Il est composé d’une question de synthèse et de trois documents, nommément deux images et un texte.

Rédiger en anglais et en 500 mots une synthèse des documents proposés, qui devra obligatoirement comporter un titre. Indiquer avec précision, à la fin du travail, le nombre de mots utilisés (titre inclus), un écart de 10 % en plus ou en moins sera accepté. L’ordre dans lequel se présentent les documents est aléatoire.

 

Document 1: Grant Wood, American Gothic (1930)

Grant Wood, American Gothic

 

Document 2: Justin Main, American Gothic 2020 (2020), photo manipulation

Justin Main, American Gothic 2020

 

Document 3: Laurie Clarke, “When AI can make art – what does it mean for creativity?” The Guardian, 2022

The tool DALL-E, released by the AI research company OpenAI, showed a marked improvement and was quickly followed by rivals such as Stable Diffusion and Midjourney. Type in any surreal prompt, from Kermit the frog in the style of Edvard Munch, to Gollum from The Lord of the Rings feasting on a slice of watermelon, and these tools will return a startlingly accurate depiction moments later.

Some are outraged at what they consider theft of their artistic trademark. Greg Rutkowski, a concept artist and illustrator well known for his golden-light infused epic fantasy scenes, has already been mentioned in hundreds of thousands of prompts used across Midjourney and Stable Diffusion. “It’s been just a month. What about in a year? I probably won’t be able to find my work out there because [the internet] will be flooded with AI art,” Rutkowski told MIT Technology Review. “That’s concerning.”

The Concept Art Association (CAA) stresses that damage has already been done, because the tools have already been trained on artists’ work without their consent. “It’s like someone who already robbed you saying, ‘Do you want to opt out of me robbing you?’” says Karla Ortiz, an illustrator, and board member of CAA.

What can be done about this beyond relying on the beneficence of the companies behind these tools is still in question. Beyond copycatting, there are even bigger issues: do these tools put an entire class of creatives at risk? The owners of AI image generators tend to argue that on the contrary, these tools democratise art. “So much of the world is creatively constipated,” the founder of Stability AI, Emad Mostaque, said at a recent event to celebrate a $101m fundraising round, “and we’re going to make it so that they can poop rainbows.” But if everyone can harness AI to create technically masterful images, what does it say about the essence of creativity?

 

Analyse du sujet

En découvrant cette synthèse, tu peux être un peu déstabilisé(e), car le premier document est une œuvre qui a marqué l’histoire des États-Unis et est un symbole de la Grande Dépression. Néanmoins, les documents suivants ne mentionnent aucunement cette période.

En réalité, ce premier document ne prend sens qu’à la découverte du deuxième, qui est une modification du tableau si connu de Grant Wood. Ainsi, la Grande Dépression est une information secondaire qui ne constitue pas le cœur du sujet. Bien sûr, ce tableau symbolique de la Grande Dépression n’a pas été choisi au hasard par Justin Main, nous y reviendrons.

Pour l’instant, retiens que le thème principal de la synthèse de documents est plutôt la relation entre l’art et l’innovation. Tu te poseras donc des questions sur la définition de l’art, son éventuelle mise en danger par l’innovation, ou encore sur la propriété culturelle et intellectuelle.

Ce premier coup d’œil au dossier te permet donc d’établir ton angle d’attaque et de sélectionner un thème à explorer au sein des trois documents. Cela apportera une certaine cohérence à ta synthèse et facilitera sa structuration.

Dans un second temps, tu vas pouvoir analyser chaque document à la lumière des idées que tu as dégagées. Bien que la synthèse soit relativement courte, cela ne signifie pas qu’il ne faut pas analyser les documents de manière détaillée et précise. Au contraire, plus tu auras décortiqué ces documents, plus tu seras capable de synthétiser tes analyses tout en sélectionnant les exemples qui illustrent le plus pertinemment tes idées.

Voici donc une petite analyse de chaque document séparément.

 

Document 1

Comme dit précédemment, il s’agit du fameux tableau de Grant Wood intitulé American Gothic. Le tableau porte ce nom non pas parce que les personnages sont habillés en noir, mais parce que la maison qui se trouve en arrière-plan (background) a une architecture qui appartient au style gothique. Cela se reconnaît principalement grâce à la fenêtre en ogive (lancet window) qui apparaît sur la façade.

Regarder les dates des documents peut être intéressant pour savoir si ton analyse va être synchronique ou anachronique. Ici, la date du premier document dénote par rapport aux deux autres documents puisque le tableau a été peint en 1930. C’est l’époque de la Grande Dépression qui suit le krach boursier de 1929 aux États-Unis. Cette période arrive juste après les Roaring Twenties, décennie de croissance économique sans précédent.

Les années 1930 plongent les États-Unis dans la pauvreté, ce qui explique certainement les joues creusées de l’homme sur le tableau. À ce propos, on pense souvent que cette œuvre représente un couple. En réalité, il s’agit d’un père et de sa fille. Leur air austère, au même titre que les couleurs saturées de l’image, montre que la période des Roaring Twenties est bien terminée.

Un élément surprenant du tableau est la tenue des personnages représentés. Si le père a une fourche à la main (fork) et une salopette (overalls) sur lui, la veste de costume noire qu’il porte par-dessus indique qu’il ne va pas travailler dans sa ferme, mais s’apprête à sortir pour assister à un événement important.

La fille, elle aussi, semble s’être mise sur son trente-et-un puisqu’elle porte une robe ornementée d’un camée (cameo). Les deux personnages portent des couleurs sombres, indiquant qu’ils se rendent peut-être à un enterrement. Il peut s’agir de l’enterrement symbolique d’une Amérique perdue à la suite de la crise de 1929.

Enfin, la fourche symbolise le secret. Elle nous bloque l’entrée dans le tableau, et encore plus dans cette maison gothique où les rideaux sont fermés… Quelque chose semble donc se dissimuler dans ce tableau et le mystère reste entier !

 

Document 2

Le deuxième document n’est pas un tableau, mais un montage photo réalisé à l’aide d’un logiciel. Il reprend ce premier tableau de Grant Wood, mais en en changeant quelques éléments.

Le visage austère des deux personnages est partiellement caché par des masques, tandis que la fourche est remplacée par du papier toilette. Ces éléments s’interprètent conjointement avec la date de réalisation de ce montage photo, 2020, l’année de la Covid et du confinement.

Il s’agit donc également d’une période de crise, non plus tellement économique mais sanitaire. Ici, Justin Main crée donc un parallèle entre le sentiment d’incertitude causé par le krach de 1929 et celui provoqué par l’apparition du coronavirus. En effet, dans les deux cas, on ne savait pas à quoi s’attendre, les deux événements étaient soudains et ont eu des répercussions mondiales.

Cette œuvre érige donc au rang d’allégorie les deux personnages initialement peints par Grant Wood. Ils représentent la classe moyenne américaine qui, dans le doute, dévalise le papier toilette comme tout bon consumériste le ferait…

Réutiliser un œuvre du passé signale aussi que les Américains n’ont pas appris de leur histoire. Le sentiment de panique qui a empiré la crise de 1929 est en tous points similaire à l’affolement qui a suivi l’annonce du confinement.

 

Document 3

Le troisième document est, quant à lui, un article de presse très court issu du quotidien The Guardian, plutôt orienté centre gauche. La date de publication de l’article est intéressante, car il a été rédigé à une période où les intelligences artificielles telles que DALL-E commençaient tout juste à se populariser. C’est donc un article relativement pionnier en termes de questionnements moraux et éthiques sur le sujet.

En parlant de contextualisation, les deux documents précédents marquaient des périodes de crises et d’incertitudes, et cet article ne fait pas exception à la règle. Il est produit pendant une période de mutation et d’incertitude quant au rôle et aux régulations des IA, comme en témoigne le ton majoritairement interrogatif de la journaliste dans le dernier paragraphe.

Il faut également prendre en compte le fait que l’article, bien qu’il évoque l’art, parle particulièrement de l’intelligence artificielle. Or, aucun des documents présentés dans le dossier n’est une œuvre d’art créée de toutes pièces par l’intelligence artificielle. Pour éviter de se fourvoyer, gardons donc bien à l’esprit que le montage photo de Justin Main n’a pas été fait par l’intelligence artificielle.

Si l’on fait une analyse détaillée de l’article, on peut dire qu’il est divisé en trois parties. Un premier paragraphe présente brièvement les intelligences artificielles capables de créer des œuvres d’art, les deuxième et troisième paragraphes critiquent cette innovation, tandis qu’un dernier paragraphe s’attache à se questionner sur « l’essence de la créativité » à l’ère des intelligences artificielles.

On peut noter quelques points intéressants au regard des autres documents :

  • Dans le premier paragraphe, la journaliste souligne l’absurdité des œuvres créées par DALL-E (« type in any surreal prompt »). Ce qui peut être mis en parallèle avec le côté absurde et impertinent du montage photo de Justin Main.
  • Il est mentionné que des artistes se sentent volés dans le deuxième paragraphe (« Some are outraged at what they consider theft of their artistic trademark »). Et, en effet, on peut se demander si Justin Main n’a pas, lui aussi, volé l’œuvre de Grant Wood. Ce qui signifierait que, même sans IA, le vol existe.
  • On peut noter que, contrairement à Grant Wood qui n’est plus en vie, des artistes ont été interrogés quant à leurs avis à propos de l’IA. On peut alors s’interroger sur le mot que les artistes ont à dire (ou non) sur leur œuvre après leur mort.
  • Enfin, on note que ces outils permettent, dans une certaine mesure, de démocratiser l’art (« democratise art »). Néanmoins, comme le montre la popularité du tableau de Grant Wood et sa réutilisation par Justin Main, il n’y a pas forcément besoin des IA pour faire connaître certaines œuvres ou inspirer des artistes.

 

Voilà, après cette analyse détaillée des documents, tu as plusieurs pistes de réflexion quant à leur mise en relation et leur comparaison. Il est maintenant temps de structurer ta synthèse et de la rédiger.

 

Proposition de corrigé

Ci-dessous, tu trouveras une proposition de corrigé en trois parties thématiques. Une première partie sera plutôt contextuelle, expliquant que les trois documents ont été produits dans un contexte de mutations. Une deuxième partie portera sur l’innovation et comparera le traditionalisme du premier document aux constatations faites sur l’utilisation des nouvelles technologies dans l’art dans les documents 2 et 3. Une dernière partie reprendra enfin le questionnement de la journaliste quant à l’essence de la créativité et sera donc plus définitionnelle puisqu’elle se demandera si l’art doit être créatif.

 

Corrigé

Artistic Uncertainties

DALL-E has been the source of numerous contemporary controversies: should an artificial intelligence create art? Isn’t it plagiarism? The set of documents under study offers an interesting perspective on this hot topic as it shows that such considerations date back to a period when creative AI was not in use as one can consider Justin Main’s adaptation of Grant Wood’s painting as plagiarism, even if the artist did not resort to DALL-E or any other equivalent.

Firstly, the three documents show that art is a refuge in periods of indeterminacy. Grant Wood’s famous painting was created at the very beginning of the Great Depression, a moment of uncertainty that followed a financial crisis. Similarly, Justin Main’s photomontage echoes the Covid lockdown as illustrated by the toilet paper handed by the male character on the picture. It shows that art is used to represent and make sense of reality in times of doubt. By the way, even the article illustrates this idea as the journalist questions art at a period of unpredictability as IA had just started to be popularized in 2022 and were therefore barely known.

It consequently suggests that interrogations come with innovation. If the first document is rather traditional as the painter resorted to the ancestral technique of oil on canvas, the second document relies on new technologies as it is a montage and therefore constitutes digital art. With such techniques, new questions emerge such as that of plagiarism. The same is true of AI art in the article as the journalist declares that “some are outraged at what they consider theft of their artistic trademark.” Yet, borrowing from other artists is not always stealing as a detailed analysis of Justin Main’s work shows: the artist precisely used Grant Wood’s painting so as to work on two characters that were stereotypical Americans and he paid a tribute to him in the title of his painting, namely American Gothic 2020 which is a direct reference to Grant’s artwork.

But drawing inspiration from as well as reworking others’ paintings conveys a deeper question: is artistic innovation synonymous with the disappearance of “the essence of creativity” mentioned by the journalist? Actually, the essence of creativity lies in the artists’ ability to express their emotions, and experiences authentically. This is what Justin Main has done in American Gothic 2020 as he expressed the specificity of the Covid lockdown: the masks and toilet paper reflect the consumerist panic that contaminated many Americans in 2020 while he also conveys a more profound message, namely that history has not taught us anything. Indeed, Grant Wood’s portrait represents the social distress that followed the 1929 crash, and Main shows that the same feeling has pervaded the population in 2020. Here lies his creativity: it is specifically by using Wood’s work that the artist manages to convey his message and perception of the crisis. As for artificial intelligence, it is said to steal “artistic trademark[s].” However, artists have always drawn inspiration from others to create artistic movements: Grant Wood was not the only social realist as illustrated by Edward Hopper’s works. All in all, the ideas and controversies evoked by the documents emerge from the same feeling of uncertainty and art constitutes a means to grasp a constantly mutating society.

545 words

 

J’espère que tu as apprécié cette synthèse de documents. Si tu souhaites continuer à t’entraîner en anglais, voici un article contenant un sujet d’entraînement.