dépassement culture générale

Le dépassement est l’un des moments les plus importants dans une dissertation de Lettres et Philosophie : il permet au correcteur de savoir différencier une copie bonne ou moyenne d’une copie réellement excellente. Ainsi, il est très difficile d’avoir une excellente note en Lettres et Philosophie avec un grand trois insipide.

À l’inverse, un correcteur n’hésitera pas à récompenser une copie qui a eu une troisième partie pertinente et cohérente avec les deux précédentes. Je vais donc te donner dans cet article dix façons simples de trouver un grand trois tout à fait recevable, voire excellent. On dit souvent qu’il n’y a pas vraiment de méthode pour obtenir un dépassement : toutefois, les sujet du concours ont tous les mêmes caractéristiques, si bien qu’avec de l’expérience, on peut relever des similarités entre les dépassements des uns et des autres.

Je vais donc partager avec toi mes astuces pour trouver aisément un dépassement, et ce, quelque soit le sujet. Bonne lecture !

1. Le fameux dépassement “oui, mais, donc”

Tu le connais certainement : la façon ultra classique de terminer sa dissertation est de trouver la troisième partie comme conséquence des deux premières. C’est le plan de la majorité des candidats au concours.  On doit trouver la conséquence des deux premières parties, il faut trouver une solution au problème intellectuel. Il faut se répéter  « so what ? »/ «  que peut-on conclure ? » / « que dire face à ce fait paradoxal ? », etc.  Ce dépassement se construit avec le temps, et est le plus sûr de tous : cependant, il peut être difficile à formuler. De plus, comme beaucoup de candidats et candidates l’utilisent, il faut essayer d’être original, ou du moins intéressant, sans pour autant tomber dans le hors-sujet.

Prenons quelques exemples :

  • Peut-on ne rien aimer ? (Ecricome 2022) : Un dépassement simple aurait pu constituer en une des contradictions du sujet si on n’aime rien, c’est qu’on aime plus ou moins le « fait » de ne rien aimer. On aime ce « rien » en quelque sorte.  Et si ce n’est pas le cas, on aime alors quelque chose !
  • Dire l’animal (HEC 2021) : le III aurait pu être la dimension anthropocentriste, voire zoocentriste du sujet.

Dans tous les cas, il faut chercher une sorte de conséquence, de conclusion, de mot de la fin. D’où l’importance des transitions : toute ta copie doit servir à préparer le dépassement ; ainsi, le correcteur aura une sensation de cohérence, qui sera très certainement récompensée.

2. Le dépassement concept

Le dépassement “concept” est souvent très apprécié, et est, à notre avis, le plus original. C’est une petite prise de risque, car si le concept n’a rien à voir avec le sujet ou si ce dernier est mal maîtrisé, il donne l’effet inverse. Mais en général, ceux qui le tentent le réussissent.

  • Il peut s’agir d’un concept plutôt simple, comme celui de « bullshit » chez Harry Frankfurt, qui aurait pu donner une note respectable pour le “Crépuscule de la vérité” (2015), si on ne connaissait pas le livre de Nietzsche. Pour les plus littéraires, le mentir-vrai d’Aragon pouvait également fonctionner.
  • Pour ce sujet (EDHEC 2022), on aurait pu proposer le presque-rien de Jankélévitch.

Il n’est pas nécessaire d’être (très) fort en philosophie pour utiliser des concepts. Il suffit d’en connaître quelques-uns, et d’être attentifs aux mots-clés en cours ! Encore une fois, il faut que tu orientes ta copie vers son dépassement. Tu dois faire en sorte que ce soit la cerise sur le gâteau.

3. Le dépassement  nouveau sens

On te l’a sans doute dit, mais je préfère le répéter : il faut chercher tous les sens possibles et imaginables du sujet. S’il le faut, tourne ta feuille et secoue-la sur ta table de DS ! Tu dois absolument décortiquer le sujet, et pas juste pour la forme, mais vraiment pour « creuser ». Au bout de 40 minutes, pose-toi les questions suivantes : « ai-je vu tous les sens du sujet ? », « est-ce j’ai oublié un sens important ? ». Si c’est le cas, creuse encore et encore.

Il est d’ailleurs important que tu mettes cette analyse dans ta copie. C’est important de surjouer l’analyse dans l’intro, tu gagneras de précieux points ! Attention cependant à garder une cohérence d’ensemble. Même si le sujet a 10 sens, si tu en as utilisé 3 de façon extrêmement cohérente, tu seras rarement déçu de ta note.

La structure de ta dissertation sera la suivante :

  • I/ L’évidence : “À première vue…”
  • II/ La limite : “Cependant…
  • III/ Deuxième ou troisième sens du sujet : “À y regarder de plus près…”

4. Le dépassement stratégique

On arrive dans le dur cette fois. Il est possible de bloquer sur certains sujets : on arrive pas à trouver une troisième partie, et aucune méthode ne fonctionne. À ce moment-là, le dépassement stratégique nous sauve la vie (ou la moyenne, plus exactement). Il suffit de réfléchir différemment. Si on ne trouve qu’une seule contradiction dans un sujet – il faudra en rechercher une au minimum  – ou un seul enjeu dans le sujet, il nous suffit de prendre cet enjeu comme dépassement. À ce moment-là, on aura QUE deux parties, à savoir le grand trois, qui est l’enjeu ou la contradiction, et le grand un qui est grosso-modo l’explication naïve du sujet. On devra donc trouver un grand deux cohérent.

Cette stratégie m’a souvent permis donner une copie extrêmement cohérente. La copie ne sera pas folle, soyons honnêtes ; mais en tout cas, elle sera recevable.  Le correcteur pourrait même être tenté de donner une très bonne note s’il a lu des dizaines de dépassements abracadabrantesques. L’essentiel, c’est la cohérence générale.

Le plan serait dans ce cas :

  • I/ explication 1 du sujet
  • II/ explication 2 du sujet
  • III / limite du sujet. Attention cependant à la formulation pour ne pas laisser penser au correcteur que tu estimes le sujet non pertinent.

5. Le dépassement  littéraire

Pour les mordus de lecture, il y a le dépassement littéraire, c’est à dire faire d’une œuvre le noyau de la copie. Ici, le dépassement importe peu, car c’est toute la copie qui tourne autour d’une seule et même œuvre. Les autres références ne serviront qu’à éclairer la référence principale.

Le dépassement sera le plus souvent la conclusion du livre. Même si une copie a utilisé une œuvre noyau qui ne correspond pas tout à fait au sens principal du sujet, si ce n’est pas hors-sujet, alors le correcteur saluera l’originalité et appréciera une accroche, qui – pour une fois – n’est pas décorative. Il faut bien montrer qu’on maîtrise l’œuvre en question.

Attention, ça ne peut pas être une œuvre trop classique ! Donc pas de copie sur Platon ou Merleau-Ponty : le correcteur sait très bien qu’il y a peu de chance pour que tu aies lu ces œuvres-là.  Par contre, une copie qui tourne autour de Foucault ou Kundera est tout de suite plus crédible, surtout si elle est très précise. Le plus intéressant avec cette façon de faire, c’est qu’en maîtrisant une ou plusieurs œuvres, on peut traiter un nombre élevé de sujets différents.

Évite cependant les auteurs polémiques ou catalogués d’extrémistes ; les auteurs contemporains trop impliqués dans le débat public sont à exclure, par prudence.

6. Le dépassement tonalité

On a le droit de (re)lire un sujet en fonction du ton. Quelques exemples :

  • “Dire l’animal”: les tons possibles sont le pédagogique, le socratique, le méprisant, l’ironique… Le ton nous donne des dépassements quasiment infinis. On opte souvent trop vite pour une seule et même tonalité : celle du sujet ; or, un correcteur pourrait être séduit par la simplicité et l’originalité d’une interprétation du sujet dans un ton différent, surtout s’il n’y avait pas pensé lui-même.
  • Prenons encore « Peut-on ne rien aimer ? ». Le sujet a tout de suite une tonalité sérieuse, pédagogique, philosophique, etc. Pourtant,  à y regarder de plus près, il pourrait avoir une tonalité tragique, ou encore comique. Il pourrait s’agir d’un doute, d’une résignation, d’une peur, une plaisanterie, etc.

D’autres sujets offrent encore plus de possibilités. Il faut néanmoins, comme dans tous les dépassements, éviter le hors-sujet : pas de tonalité trop exotique !

7. Le dépassement paradigme

Une des solutions pour trouver un bon dépassement est de changer de paradigme. Le sujet a toujours un paradigme bien défini, et ce dernier nous enferme quelque peu. Le sujet induit en effet souvent un contexte intellectuel, historique ou émotionnel. Le changement de paradigme nous permet donc de réinterroger le sujet.

Pour ce faire, on peut se poser les questions suivantes  :

  • Est-ce humainement souhaitable/ acceptable/ possible ?
  • Qu’en est-il si on opte pour la sphère scientifique, psychanalytique, sociologique, etc. ?
  • Dans le futur, que pourrait-on dire du sujet ?

8. Le dépassement artistique

Je n’aime pas trop celui-ci à titre personnel, mais certains profs le trouvent assez original. Il est également question de musique, et pourquoi pas, de cinéma. Contrairement au dépassement littéraire, il vaut mieux utiliser des classiques, sauf si tu es un vrai passionné de cinéma ou de peinture. Dans le second cas, n’hésite pas à donner des détails, pour que même un débutant puisse te suivre sans peine. Ce dépassement montre une certaine culture générale, mais attention à ne pas tomber dans l’érudition ; ce n’est absolument pas l’objectif de l’exercice.

Le dépassement artistique peut se focaliser sur une œuvre classique : ce sera (normalement) apprécié. Par contre, il ne doit pas arriver comme un cheveu sur la soupe : il faut que ta dissertation ait un aspect un peu artistique dès l’introduction. Cela semble plus cohérent : il serait bizarre de faire un dépassement sur Beethoven alors que la copie ne parlait que de Platon jusque là !

Par contre, si dans le II, tu évoques par exemple de la sonate de Vinteuil, cela semblerait un peu plus cohérent. Dans tous les cas, tu comprends donc que la cohérence est absolument indispensable !

9. Le dépassement « eurêka »

Celui-là est souvent magnifique, mais il est dangereux ; c’est donc à tenter au moins une fois en DS.

Si au bout d’1h, tu sèches, laisse un blanc dans le plan détaillé et dans l’introduction. Une fois les deux premières parties rédigées, commence par réfléchir : souvent, après 1h de rédaction, on comprend mieux le sujet. En général, j’utilisais ce dépassement quand mon III initial au brouillon ne me plaisait pas trop. Je laissais donc l’introduction inachevée, et je revenais la compléter 1h plus tard. Cela dépend aussi de ta manière de gérer le temps;

Une fois le II achevé, demande-toi si tu peux aller plus loin. Si la réponse est oui, c’est gagné ! Il est donc possible de modifier le III pour obtenir une copie cohérente et pertinente. Évidemment, le correcteur ne sait pas comment on a géré notre temps : il verra simplement une copie qui a une belle cohérence, et dont les parties s’appellent les unes les autres.

Ce dépassement n’est clairement pas celui qu’il faut prioriser, car il est risqué. Mais les sujets sont imprévisibles, et il possible de bloquer sur un sujet, même le jour du concours. Le dépassement eurêka est donc une solution d’urgence.

10. Le dépassement hétérodoxe

Il s’agit des dépassements inclassables. C’est le dépassement qu’utilisent nos professeurs, et qu’on a souvent du mal à expliquer. Prenons un exemple

  • J’avais eu comme sujet en classe : “Ecrire l’animal“. Le plan du prof était
    • I/ l’animal peut être un pré-texte
    • II/ l’animal peut être un texte
    • III/ l’animal peut être un prétexte.

Ce genre de plan est difficile pour l’élève moyen ou pour n’importe quel candidat face à un sujet difficile, surtout en période de stress. Le dépassement hétérodoxe peut donc prendre la forme d’un plan thématique.  Tu peux aussi passer par un jeu de mots, ou par une inspiration d’un moment. L’idée, c’est de construire un plan qui progresse, et qui donne une vision globale du sujet. Par contre, vu que ce plan étant très original, il nécessitera des références plus précises !

Petit bonus : comment savoir qu’on est pas hors-sujet ?

D’abord, le hors-sujet est toujours tiré par les cheveux ! En général, on est allé trop loin, ou on s’est mal exprimé.

Ensuite, une des caractéristiques classiques du hors-sujet, c’est qu’on ne répète plus le sujet. C’est une grave erreur ! Quel que soit le dépassement, il faut toujours répéter le sujet, pour montrer au correcteur qu’on l’approfondit encore et toujours. L’idée, c’est simplement d’être original, sans pour autant être trop atypique.

Pour ce faire, tu devras être capable de développer une belle capacité à argumenter : on t’explique ici comment le faire. Tout est une question de degré. Une bonne idée bien expliquée en des termes simples séduira le correcteur, quand la même idée mal exprimée sera considérée hors-sujet dans la copie suivante. Le dépassement réellement excellent est toujours hors-sujet sans vraiment l’être !

Conclusion

Je t’ai montré dans cet article dix façons assez simples de trouver un bon dépassement. Cela te permettra de trouver une solution rapidement au brouillon dans tes prochaines dissertations. Il existe évidemment de très nombreuses autres manières de trouver un III, et c’est justement ça qui fait toute la beauté de cette discipline !