notion éternité

Cet article est le premier d’une série de trois articles consacrés au thème de l’éternité. Ce thème n’est pas des plus classiques en culture générale mais il soulève en réalité des problématiques profondes et intéressantes. Ces articles proposeront une approche philosophique, littéraire et artistique ainsi qu’une étude de cette notion sous le prisme de références clés.

Dans un premier temps nous poserons les bases de cette notion, la définition, et analyserons les problèmes qu’elle soulève. Dans un second temps nous verrons en quoi cette notion est éminemment paradoxale, nous nous demanderons alors comment la penser de façon concrète et nous aborderons les auteurs clés de la notion. Enfin nous parleront de l’expérience de l’éternité, en prenant une approche plus originale et davantage basée sur la littérature et l’art.

Définition de la notion d’éternité

Si l’on se réfère au dictionnaire Larousse l’éternité est un nom féminin désignant “la qualité de ce qui est éternel”, c’est-à-dire :

« Une durée sans commencement ni fin  »

L’éternité se différencie donc de l’infini de deux manières. Premièrement, elle qualifie uniquement une durée, à l’inverse de l’infini qui peut caractériser différentes choses (quantité, qualité, mesure, durée). Deuxièmement, elle désigne une durée certes infinie (qui n’admet pas de fin) mais qui n’admet pas non plus de début. La notion d’éternité est donc autrement et plus que l’infini, elle n’est absolument pas quantifiable, ni mesurable, puisqu’on ne peut ni la caractériser par un début, ni par une fin.

La notion d’éternité peut également renvoyer à une durée qui nous paraît extrêmement longue, ainsi dira-t-on dans le langage courant “cela fait une éternité que je n’ai pas fait ceci ou cela”. Cette définition ne désigne donc non pas quelque chose d’objectivement éternelle mais plutôt comme une chose qui nous paraît éternelle. Ainsi elle nous pousse à réfléchir sur le côté subjectif de la notion. Dans la mesure où notre vie, admet un début et une fin, il paraît difficile de penser et encore plus (et on y reviendra) d’expérimenter l’éternité, dès lors ne doit-on pas davantage considérer cette notion à l’échelle humaine comme quelque chose de subjectif ?

Enfin, le dernier sens que l’on peut donner à ce mot est un sens plus littéraire : « immortalité assurée par la gloire ». (Larousse) Ainsi définie l’éternité renverrait à une forme de reconnaissance illimité dans le temps et assurée par la gloire.

Quelques écueils à éviter

L’éternité n’est pas la notion de temps : L’éternité n’est pas le temps, il faut donc absolument éviter de disserter sur la notion de temps lorsque l’on parle d’éternité. Bien que les notions soit proches et infiniment liées, elles ne sont pas les mêmes. Réfléchir sur l’éternité, c’est réfléchir sur une durée qui, comme  nous l’avons vu, n’admet ni début, ni fin. L’éternité n’est pas le temps, elle est une mesure ; elle est paradoxalement la mesure d’un temps, qui précisément, ne se mesure pas puisqu’il n’admet pas de limite. L’éternité se situe d’une certaine manière au delà et en deca de la notion de temps. Est-éternel ce qui est précisément hors du temps.

Ne pas réduire l’éternité à l’infinité d’une durée. On l’a vu dans la définition, la notion d’éternité est la fois plus l’infinité du temps mais elle est plus et autrement que cette infini. Elle ne qualifie pas seulement ce qui n’admet pas de fin, mais ce qui a toujours existé, existe et existera toujours.

Ne pas faire d’opposition dialectique entre le côté scientifique et métaphysique de la notion : je reviendrai plus en détaille sur ce point dans le second article de cette série. Lorsque tu aborderas un sujet sur l’éternité, il ne faut pas se contenter d’opposer dialectiquement l’impossibilité scientifique de l’éternité (puisque non mesurable ni expérimentable) à son aspect métaphysique (qu’on ne peut expérimenter mais penser).

Ne pas oublier les différents sens et travailler le sujet à différentes échelles. Le mot admet plusieurs sens : on peut très bien, d’un point de vue individuel, considérer quelque chose qui dure plusieurs centaines d’années comme éternelle puisque cette chose n’admettrait pas de début ni de fin si l’on considère notre propre échelle spatio-temporelle. La définition de l’éternité varie selon la temporalité considérée : parle-t-on de l’éternité à l’échelle d’une vie, de l’humanité, de l’univers ?

Analyse de la notion d’éternité

Premièrement, l’éternité est une notion polysémique qui renvoie à une durée c’est à dire une mesure du temps qui n’admet pas de début ni de fin. Il semble paradoxal de qualifier l’éternité comme une mesure du temps puisque précisément quelque chose d’éternelle est en réalité au-delà du temps. D’une certaine manière l’éternité n’admet pas de durée : c’est un absolu, un tout. Dès lors comment penser cette notion ? Est-ce possible d’expérimenter ce qui semble être au-delà même de ce qui régit la vie de chacun d’entre nous : le temps ?

En effet, considérer l’éternité comme ce qui n’admet ni un début ni une fin nous pousse à nous poser la question de son existence même. A défaut d’admettre une fin certaine (la fin du monde est par exemple incertaine) toute chose semble admettre a minima un début. De fait, les scientifiques ont théorisé le début de l’univers (le Big Bang il y a environs 13 milliards d’années) : bien qu’on ait évidemment aucune certitude, cela remet en cause la notion même d’éternité puisqu’il s’agit de poser un début à ce tout qu’est l’univers. Tel est le problème soulevé par la notion d’éternité. L’esprit humain a du mal à la conceptualiser dans son entièreté car on ne peut imaginer quelque chose qui ne commence jamais et qui pourtant, ne s’arrête pas.

Dès lors il convient de distinguer plusieurs sens : premièrement à l’échelle humaine, on peut considérer qu’est éternel ce qui traverse les générations et semble durée indéfiniment. Ne peut-on pas ainsi considérer les paroles d’Homère dans l’Odyssée comme éternelles ? Cependant, si elle se perpétuent depuis des siècles elles admettent un début, on peut penser l’éternité à l’échelle de l’humanité : est éternel ce qui est en deca de l’humanité. Ainsi, la planète terre par exemple peut être considérée comme éternelle. Enfin, au-delà de l’humanité, au-delà même du temps on peut penser l’éternité comme quelque chose de métaphysique qui n’admet ni début, ni fin, qui était la avant l’univers et qui sera là après : Dieu.

Remarque : L’analyse de la notion découle assez naturellement car le travail de définition précédent est exhaustif et précis. (cf. Les étapes d’une bonne analyse de sujet)

La notion d’éternité fait-elle véritablement sens ?

Ce dernier sens semble cependant priver l’homme de tout expérience de l’éternité. Il ne peut que tenter de théoriser, de façon abstraite, cette notion. Cela nous amène même à douter purement et tout simplement de cette notion : peut-on véritablement penser, expérimenter et théoriser quelque chose qui est au-delà même du temps ? Cette notion fait-elle réellement sens pour nous, qui vivons dans un espace temporellement fini ?

Finalement, si l’on considère l’éternité comme un absolu au-delà même de la notion de temps, il paraît difficile de le conceptualiser ; ce qui la réduit à une notion métaphysique dont on ne peut et ne pourra jamais faire l’expérience. Pourtant, nous le verrons dans le prochain article, cette notion, aussi abstraite soit-elle, fait bel et bien sens et l’homme, peut paradoxalement l’expérimenter dans une infinité de moments.