La mémoire collective, Halbwachs

Nous nous intéresserons ici à la réflexion philosophique de Maurice Halbwachs dans son texte La mémoire collective. Il est en effet important d’avoir de bonnes références en sociologie pour réussir les épreuves de culture générale.

Quelques mots sur Halbwachs et son ouvrage

Nous allons nous intéresser à un texte de Maurice HALBWACHS, sociologue du XXème siècle et héritier de la sociologie durkheimienne. C’est un texte qui se trouve dans son ouvrage Les Cadres sociaux de la mémoire aux pp. 289-290.

Nous nous sommes appuyés sur l’extrait proposé par le GF Corpus sur la Mémoire : toutefois, nous n’avons retenu que les deux premiers paragraphes, directement en lien avec la notion de mémoire collective.

Ainsi, nous allons analyser cet extrait de la ligne 1 « L’individu évoque ses souvenirs en s’aidant des cadres de la mémoire sociale.« à la ligne 54  » Quand une société abandonne ou modifie ses traditions, n’est-ce point pour satisfaire à des exigences rationnelles, et au moment même où elles se font jour ? Seulement, pourquoi les traditions céderaient-elles ? »  où il expose sa thèse sur la déformation du souvenir individuel par la société. Vous pouvez facilement trouvez le texte en question sur Internet ou dans le GF Corpus dirigé par Alexandre ABENSOUR.

Le thème de ce texte 

L’auteur interroge la notion de mémoire collective qu’il met en lien avec celle de la mémoire individuelle.

Ainsi, il s’agit d’un texte qui s’inscrit dans votre programme de CG et porte plus particulièrement sur le rapport entre la mémoire et la société.

La question philosophique posée dans ce texte

Maurice HALBWACHS pose la question suivante : en quoi la société influe-t-elle sur la mémoire des individus ? 

La thèse défendue par Maurice HALBWACHS

D’après lui, le souvenir est toujours influencé par la société : il y a une déformation opérée par la société sur la mémoire individuelle, ce qui permet de constituer une mémoire collective.

Ainsi, il s’agira de comprendre quelles sont ces forces qui opèrent sur le passé et qui construisent une mémoire collective.

Le plan du texte

1) La société a un besoin d’unité pour se conserver

2) Ainsi, elle a un besoin d’une mémoire unifiée : la mémoire collective

3) C’est pourquoi elle modèle le souvenir des individus pour leur donner une unité

La thèse de l’auteur 

Celle-ci est affirmée au début du texte, à la première ligne : le souvenir d’un individu est influencé par la société.

L’individu évoque ses souvenirs en s’aidant des cadres de la mémoire sociale.

Halbwachs complète ensuite sa thèse en expliquant que cette influence de la société sur le souvenir de l’individu va entraîner une déformation du passé. La société opère une reconstruction du souvenir (produit brut) pour former une mémoire collective (produit fini). Mais en reconstruisant le souvenir pour former une mémoire collective, la société n’est pas fidèle à l’exactitude historique de ce souvenir : elle le déforme. Ainsi, Halbwachs distingue la notion de reconstruction (rassembler des unités éparses de souvenirs bruts) et de déformation (reconstruire selon une exigence de cohérence, sans viser la fidélité au passé). Autrement dit, aucune mémoire collective n’est exactement fidèle aux faits passés puisqu’en les reconstruisant, la société les déforme.

En d’autres termes les divers groupes en lesquels se décompose la société sont capables à chaque instant de reconstruire leur passé. Mais, nous l’avons vu, le plus souvent, en même temps qu’ils le reconstruisent, ils le déforment

En résumé, de la ligne 2 à la ligne 6, Halbwachs affirme que le souvenir est une reconstruction déformante du passé.

1) Le besoin d’unité de la société 

Dans la première partie du texte, Halbwachs va expliquer que la société est composée d’une multitude de groupes d’individus de petites tailles, dont les intérêts divergent : la famille, le groupe religieux, les amis, etc. Il affirme que la multiplicité de ces sous-groupes provient d’une multiplication des besoins de l’homme, et qu’il est nécessaire aux hommes de « s’enfermer » dans un de ces sous-groupes.

Le problème est qu’à mesure que la société se parcellise en une multitude de sous-groupe, l’unité de la société est mise en péril ! 

Il n’en est pas moins vrai que la nécessité où sont les hommes de s’enfermer dans des groupes limités, famille, groupe religieux, classe sociale (pour ne parler que de ceux-ci)[…] s’oppose au besoin social d’unité.

En effet, il y a un besoin social d’unité : s’il n’y a pas d’unité au sein de la société, « une cohérence de vues », celle-ci est menacée de disparaître ! 

La société ne peut vivre qui si, entre les individus et les groupes qui la composent, il existe une suffisante unité de vues.

2) La nécessité de constituer une mémoire collective

Comme l’unité de la société ne peut se produire spontanément, la société doit intervenir pour mettre en oeuvre cette unité, sans quoi elle risque de disparaître. Or, une pluralité de mémoire remet en cause l’unité de la société : ainsi, des mémoires individuelles plurielles, propres à chaque sous-groupe de la société, constituent une menace à la pérennité de la société.

C’est pourquoi, d’après Halbwachs, il est nécessaire que la société constitue une mémoire collective, qui répond aux exigences de son époque, c’est-à-dire à l’idéologie de son temps, afin de se conserver. 

C’est pourquoi la société tend à écarter de sa mémoire tout ce qui pourrait séparer les individus, éloigner les groupes les uns des autres, et qu’à chaque époque elle remanie ses souvenirs de manière à les mettre en accord avec les conditions variables de son équilibre

Exemple : Quelques années après la Révolution française, sous la Monarchie de juillet, la société était royaliste et constituée de groupes de royalistes et de révolutionnaires (c’est-à-dire qu’il y avait une pluralité de vues qui pouvaient menacer la pérennité de la société…). La mémoire de la Révolution française n’était pas la même que celle que nous avons aujourd’hui : la société royaliste de cette époque traitait cet événement d’un point de vue royaliste, c’est-à-dire qu’elle le percevait comme quelque chose de négatif. Traiter de cette manière la Révolution française permettait, sous la Monarchie de Juillet, de réunir les éléments disparates qui composaient la société. La mémoire de cet événement à cette époque diffère de la mémoire que nous en avons aujourd’hui. 

3) La déformation de la mémoire individuelle

De la ligne 27 à 38, Halbwachs s’attache à nous offrir une description du mécanisme de la mémoire individuelle : la raison déforme le souvenir pour y introduire de la cohérence. 

La déformation rationnelle désigne ici le processus cognitif selon lequel notre cerveau traite des données bruts (les souvenirs) pour leur donner une cohérence, car d’après Halbwachs notre esprit a un besoin de cohérence.

Le mécanisme de la mémoire individuelle s’il n’y avait pas de société qui déformait nos souvenirs…

Prenons un exemple : en absence de société, il n’y aurait que des mémoires individuelles toutes très différentes car nous n’opérons pas tous une déformation rationnelle similaire. Autrement dit, si nous assistions tous à un accident de voiture, nous aurions tous une mémoire individuelle très différente de cet événement.

Toutefois, il explique que ce résultat final, la mémoire individuelle, va à son tour être déformée par la société.

De la ligne 38 à la ligne 54, Halbwachs nous propose une description du mécanisme de la mémoire collective : mon souvenir individuel – ou le souvenir d’un sous-groupe, comme celui des Révolutionnaires dans notre exemple -,  est déformé par la société.

Cette déformation opérée par la société se réalise dans le but de conserver la société et empêcher que l’unité de celle-ci soit rompue. Cette fois-ci, c’est la raison collective qui va déformer la mémoire individuelle (le produit brut) pour former une unité la mémoire collective, et cela en cohérence avec les idées de son époque. 

Nos souvenirs sont toujours déformés par la société, ce qui permet entraîne la constitution d’une « mémoire collective »

Pour résumer :

1) Une société est composée d’une multitude de groupes, qui peuvent avoir des mémoires plurielles. Cependant, une société a besoin pour survivre de former une unité cohérence. Cette multiplicité de mémoires met donc en péril l’unité de la société.

2) C’est pourquoi une société, pour survivre, doit créer une unité de la mémoire collective. Ainsi, tous les souvenirs individuels sont influencés par la société, qui déforme le passé pour répondre aux exigences du présent. 

  N’hésitez pas à lire nos autres analyses ICI 😉