Tu trouveras dans cet article une analyse du sujet « Politique monétaire et inégalités », le sujet 0 d’ESH ESCP/SKEMA. C’est un sujet qui peut paraître intimidant car, a priori, la politique monétaire n’est pas un outil de lutte contre les inégalités. Toutefois, si le sujet est posé, c’est qu’il a un intérêt et qu’on dispose de suffisamment d’arguments scientifiques pour y répondre. Il s’agira ici d’analyser comment les différents canaux de la politique monétaire agissent positivement ou bien négativement sur la distribution des richesses.

 

Quelques points clés pour mieux saisir le sujet

Les différents canaux de la politique monétaire

Le canal des taux d’intérêt

Il permet d’influer sur les taux d’intérêt de l’économie, notamment ceux des crédits bancaires. Lorsque la Banque centrale augmente son taux directeur, les banques commerciales répercutent cette augmentation sur les taux d’intérêt des crédits qu’elles accordent à leurs clients.

Le coût de l’emprunt s’accroissant, les agents économiques empruntent moins, ce qui freine leur consommation et leurs investissements. L’activité économique ralentit, l’inflation diminue. Le mécanisme inverse est bien entendu possible et conduit à une stimulation de l’activité économique.

 

Le canal des prix d’actifs

Il consiste en l’effet d’une variation des taux d’intérêt sur le prix de certains actifs. Par exemple, une baisse du taux directeur rend les produits financiers dont l’évolution est liée aux taux d’intérêt (comme les obligations) moins attractifs.

Les investisseurs vont alors se rabattre sur d’autres actifs, comme les actions, dont le cours va alors monter. Les détenteurs de ce type de titres financiers vont donc voir leur richesse s’accroître.

 

Le canal des anticipations

Il permet, grâce à une action claire et crédible de la Banque centrale, d’aider les entreprises et les ménages à anticiper correctement les évolutions futures des taux d’intérêt et à adapter en conséquence leurs décisions économiques.

 

Le canal du taux de change

C’est le prix d’une monnaie par rapport aux monnaies étrangères. Dans le cas d’une baisse du taux directeur, donc des taux d’intérêt, les dépôts dans cette monnaie deviennent moins attractifs pour les investisseurs étrangers. Ce qui entraîne une baisse du taux de change.

Le prix des produits importés augmente alors, ce qui tend à accroître l’inflation.

Note : Les deux derniers canaux ont été donnés à titre indicatif. Pour ce sujet, on mobilisera plutôt les deux premiers.

 

Focus sur les termes du sujet

De manière générale, les inégalités se définissent comme des différences d’accès aux ressources rares et socialement valorisées (revenus, patrimoine, pouvoir, prestige, diplôme, etc.) entre groupes sociaux ou individus. Ces différences sont commensurables, hiérarchisées et se traduisent en termes d’avantages ou de handicaps.

Dans le cadre de notre sujet, on se limitera plutôt aux inégalités de revenus et de patrimoine. La définition de la « politique monétaire » ne t’est sûrement pas étrangère, mais la rappeler ne fera pas de mal. Here you go : la politique monétaire est l’ensemble des moyens mis en œuvre par un État ou une autorité monétaire pour agir sur l’activité économique par la régulation de sa monnaie.

 

Quelques pistes de réflexion pour répondre au sujet

Tout d’abord, il faut souligner que le mandat de la Banque centrale n’a pas une visée « sociale » de réduction des inégalités. Aujourd’hui encore, les banques centrales orientent leur politique monétaire uniquement de manière à assurer la stabilité des prix, d’une part, et la stabilité financière, d’autre part.

Ainsi, la réduction des inégalités n’est à ce jour pas un objectif inscrit dans le mandat de la Banque centrale et il est peut-être là le cœur du débat. La Banque centrale doit-elle réagir face à un potentiel accroissement des inégalités ? Si oui, de quelle manière ?

D’autre part, il faut analyser les effets indirects de la politique monétaire selon les canaux mobilisés, notamment les effets sur la distribution des richesses.

 

Mise en évidence de quelques mécanismes

Commençons par une situation où la politique monétaire est « trop » laxiste et ne permet pas de lutter efficacement contre l’inflation. Dans ce cas de figure, l’inflation grignote « l’épargne » (livrets A…). Or, empiriquement, on constate que les livrets A sont principalement détenus par les ménages les plus modestes qui n’ont pas accès à d’autres outils financiers/patrimoine.

Parallèlement, l’inflation va souvent de pair avec une valorisation des propriétés foncières, mais aussi de certains actifs financiers. On notera l’exemple des options sur l’or. Ces derniers actifs sont majoritairement détenus par les ménages les plus aisés. Et pour cause, ayant un accès plus large au crédit, l’achat de telles propriétés leur est facilité.

Lucas Chancel développe très bien cette idée d’inégalités consécutives à la détention d’actifs différenciés dans Insoutenables inégalités.

Par ailleurs, lorsque l’inflation augmente fortement, les effets redistributifs deviennent plus importants et persistent dans le temps. Par le passé, les périodes d’hyperinflation ont eu des conséquences particulièrement dévastatrices pour les salariés et les détenteurs d’actifs libellés en monnaie (physique ou fiduciaire). Éviter ce type de risques est une motivation importante des mandats de stabilité de prix.

Lorsque la Banque centrale opère une baisse conjoncturelle de ses taux directeurs, cela se répercute sur les taux d’intérêt affichés par les banques commerciales. Dès lors, les ménages qui empruntent bénéficient d’une baisse du coût du crédit. Parallèlement, les épargnants connaissent, eux, une baisse de la rémunération de leur épargne. Cette baisse est plus ou moins importante selon les montants épargnés. Ainsi, les gros épargnants (les acteurs les plus aisés) sont ceux qui connaissent la perte de rémunération la plus significative.

Dans ce cas de figure, la politique monétaire peut mener à une réduction à la fois « par le bas » et « par le haut » des inégalités.

 

Un plan pour synthétiser ta réflexion

Voici un plan proposé par le rédacteur en chef du pôle ESH : Clément Mallordy.

I. Si une politique monétaire accommodante permet de favoriser l’activité et la demande et de desserrer la contrainte financière de l’État pour aider les politiques sociales, donc de lutter contre le chômage…

II. … Elle affecte cependant la redistribution des revenus en faveur des ménages les plus riches par d’autres biais.

III. Ainsi, la seule manière pour la politique monétaire d’avoir un effet redistributif positif est de supporter une politique budgétaire redistributive, tout en limitant les canaux de transmission aux marchés d’actifs (des taux d’intérêt différentiels entre les prêts de l’État et ceux des agents financiers).

 

On ne le dit jamais assez, mais si les plans proposés par les rédacteurs de Major-Prépa sont (toujours) excellents, ils ne font pas autorité. Pour un seul sujet, de nombreux plans sont possibles, dont des plans en deux parties.