L’épreuve de géopolitique ESSEC 2023 marque le coup d’envoie des concours BCE de cette année. Ce sujet, parfois redouté par les candidats peut parfois s’avérer déroutant comme le montre celui de l’année dernière : Le contrôle des routes stratégiques depuis 1913, vecteur de domination des Etats dans le monde. On te propose, comme tous les ans d’analyser le sujet tombé cette année. Tu peux retrouver le sujet de géopo ESSEC 2023 ici !

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Tu peux consulter les coefficients détaillés de cette épreuve et voir pour quelles écoles elle compte !

L’analyse du sujet de géopolitique ESSEC 2023

Sujet : La France, puissance d’influence mondiale ?

Un sujet-débat, clair et classique, mais très largement centré sur la fin du programme de première année. C’est sans doute la capacité des étudiants à bien maîtriser l’entièreté du programme qui permettra de discriminer les copies, ainsi, bien sûr, que la structuration de l’argumentation et la clarté du propos.

Définitions et analyse des termes

La France : pas de difficulté majeur sur ce terme. Il s’agit évidemment de notre pays, la France, avec en creux son territoire (métropolitain, ultra-marin, éventuellement ses marges maritimes), sa population, ses ressources, ses organes décisionnels, son armée, son réseau diplomatique, etc.

Puissance : On attend déjà des candidats qu’ils définissent la puissance. La citation, très connue de Serge Sur, peut convenir (capacité de faire, faire faire, refuser de faire et empêcher de faire) car elle est adaptée à la réflexion sur la capacité d’influence.

Influence : en politique, l’influence s’entend par la capacité à modifier le comportement d’un acteur tiers sans contrainte ni coercition. Influencer qui ? Comment ? Grâce à quels ressorts de la puissance ? Avec quelles limites ?
Voilà quelques questions que le candidat devait se poser.

Mondiale : Là aussi, c’est très clair : ce mot précise que la France aurait pour terrain de jeu l’ensemble du monde, que son aura ne connaitrait pas de réelles limites géographique. A noter que le sujet pose la question sans l’affirmer ; il y a un point d’interrogation à la fin du libellé.

Bornes historiques et géographiques

Il fallait raisonner à l’échelle mondiale mais quelques changements d’échelle seront indispensables (la France est surtout une puissance européenne). Territorialiser le propos est également impératif. La France est notamment une grande puissance maritime et il ne faudra pas oublier l’Outre-mer (même si le sujet ne doit pas être confondu avec « la France et la mer »).

Concernant la dimension historique, elle doit aider à la problématique. En effet, la question ne se posait pas il y a un peu plus d’un siècle. Avant la première guerre mondiale, la France était l’une des grandes puissances, si ce n’est la grande puissance de ce monde. Les choses sont évidemment beaucoup plus complexes aujourd’hui.

Problématiques possibles

Le plan chronologique est exclu mais la France ayant été une grande puissance mondiale, il s’agit de montrer les héritages qui demeurent et les remises en question qui sont intervenues. On pourrait donc se demander si « la France est en voie de déclassement parmi les puissances mondiales? ». Dans quelle mesure est-elle une puissance moyenne, avec une influence plus spécifiquement européenne que mondiale ?

On pouvait dans cette optique raisonner sur les différentes formes de puissance qu’on associe à la France depuis le XXe siècle. La France n’est plus une « grande puissance » ni une « grande puissance moyenne » (Valéry Giscard d’Estaing) mais tout du moins une « puissance d’équilibre » (Hubert Védrine) ou encore une « puissance moyenne à capacité mondiale » (Régis Debray).

Proposition de plan

On pouvait aussi penser au plan suivant, à condition de ne pas se contenter de décrire (il faut proposer des analyses explicatives) et d’avoir un propos nuancé.

– Une puissance politique et militaire en repli (une influence qui recule dans certaines régions du monde), malgré des héritages préservés.

– Malgré un certain nombre de points forts, une puissance économique qui résiste mal à la montée des émergents et au maintien de la domination américaine

– Un soft power qui reste important mais qui est inégal.

Les correcteurs trouveront sans doute dans les copies le plan « aspects – facteurs – limites » qui est possible même si le risque de devoir revenir sur les mêmes thèmes d’une partie à une autre est important.

Autrement, on pouvait proposer une première partie historique qui mettait en exergue le déclin relatif de la France dans le concert des nations depuis la seconde guerre mondiale, et qui a débuté pour les Français par une cuisante défaite militaire contre l’Allemagne. La nuance était là primordiale : dans la seconde moitié du XXe siècle, la France est du côté des vainqueurs, siège au conseil de sécurité de l’ONU, etc.

Néanmoins, on ne peut occulter un certain déclassement : la Guerre Froide la relègue au second plan géopolitique, son empire colonial se délite, les Américains volent au secours de l’économie française exsangue après la guerre…

De l’autre côté, la France a su réinventer sa puissance pour conserver une influence importante au détriment de tous ces facteurs. De puissance impériale, la France est devenue une puissance européenne. Avec son partenaire allemand, elle est le moteur de la construction européenne qui aboutira à l’UE. Elle renaît économiquement pendant les Trente Glorieuses (4e PIB en 1970), développe des pôles d’excellence dans le luxe, l’aéronautique, la chimie, l’énergie, etc. Elle conserve une influence très forte sur le continent africain malgré la décolonisation, bien quelle celle-ci tende à s’éroder depuis la fin du XXe siècle. Son soft power est aussi incontestable : francophonie, tourisme, cinéma, réseau d’ambassades… les exemples étaient légion.

Pourtant, indéniablement, malgré tous ces efforts, l’écart entre les prétentions de puissance d’influence mondiale et la réalité de la situation se creuse inexorablement. L’avènement de la mondialisation a entériné le déclassement économique de la France (il fallait nuancer mais le constat est sans appel), l’autonomie stratégique de la France est limitée (cf la situation actuelle en Ukraine ou la récente sortie de Macron sur Taïwan), elle est critiquée par ses partenaires européens et occidentaux, mal considérée par les émergents qui la voient comme l’une des têtes de proue d’une civilisation sur le déclin. Quant aux pays du Sud, ils cherchent aussi à s’émanciper de son influence en tendant la main aux Chinois, aux Russes, etc. Le sentiment anti-français a ainsi sans conteste grandi ces dernières années sur le continent africain.

En somme, il existe désormais un fossé visible entre l’influence de la France, toujours réelle bien que mise à mal, et son poids économique qui ne cesse de s’éroder à mesure que les pays émergents se développent. Combien de temps pourra-t-elle bénéficier de cet héritage ?

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