Union européenne

Dans cet article, on te propose d’analyser un sujet sur l’Union européenne et sa vision géopolitique. Il peut tomber à l’oral de HEC ou de l’ESCP, mais peut aussi constituer un sujet de dissertation au concours. Tu retrouveras une introduction et une conclusion entièrement rédigées, un plan détaillé et une carte. À la fin de chaque grande partie, tu pourras lire un petit résumé pour bien comprendre la réflexion et l’articulation des arguments.

 

Sujet

L’Union européenne a-t-elle une vision géopolitique ?

Introduction

En 1985, lors de son discours au Luxembourg, le Président de la Commission européenne Jacques Delors déclare : « On ne peut pas écarter que dans 30 ans, l’Europe formera un OPNI : une sorte d’objet politique non identifié. » Dès son origine, le projet européen peine à définir une vision claire et commune. On trouvait à ce titre, d’un côté, les partisans d’une simple union et, de l’autre, les défenseurs d’un projet fédéral. Et trente ans après, la déclaration de Jacques Delors ne s’éloigne pas tellement de la vérité. Le Brexit au nord et la crise migratoire au sud consacrent le retour à l’individualisme des États européens. L’Union européenne présente ainsi des difficultés à établir une vision géopolitique commune en son sein. Il apparaît alors d’autant plus difficile d’en imaginer une hors de ses frontières. Avoir une vision géopolitique commune, c’est donc tant avoir un projet politique commun que des volontés géopolitiques communes dans les relations internationales. 

Pour autant, l’Union européenne, qui est née du traité de Maastricht signé en 1992 et qui succède à la Communauté économique européenne, représente aujourd’hui une union politico-économique de 27 États européens, dont la structure est à la fois supranationale et intergouvernementale. L’Union européenne, qui incarne la forme de régionalisation la plus développée du monde, fonde son identité dans des valeurs bien définies : liberté, égalité, État de droit, démocratie et respect des droits de l’homme. C’est sur la base de ces valeurs que le projet européen s’est développé et que la vision géopolitique de l’Union européenne tente de se définir. Par ailleurs, à l’heure de la guerre en Ukraine, les États européens ont bien compris que l’union faisait la force. La défense d’intérêts devenus communs les oblige à coopérer et à prendre position ensemble pour être plus forts. 

Ainsi, entre convergence et divergence, dans quelle mesure les États européens parviennent-ils à définir conjointement une vision géopolitique ? La primauté de l’intérêt individuel des États implique-t-elle une multitude de visions géopolitiques au sein de l’Union européenne ? D’abord, la définition d’un projet européen stable et précis entraîne mécaniquement l’émergence d’une vision géopolitique commune. Toutefois, quand les intérêts nationaux refont surface, la vision géopolitique européenne se multiplie en des visions géopolitiques. Enfin, face aux désordres d’un monde « affolé », les visions géopolitiques ne redeviennent qu’une.

Si tu veux avoir des idées d’accroche ou simplement enrichir tes dissertations et colles, tu peux retrouver ici une fiche références sur l’Union européenne.

 

I. Le projet européen entraîne mécaniquement une vision géopolitique commune

A) Un espace intra-européen uni aux intérêts devenus communs 

– Le projet européen s’est donné une mission dès sa création, résumée par Robert Schuman lors de son discours de l’horloge : « Rendre la guerre non seulement impensable, mais matériellement impossible. »

– La CEE puis l’Union européenne se sont dotées d’institutions qui permettent d’avoir des intérêts politiques, économiques et géopolitiques communs : Commission européenne, Parlement européen, Conseil de l’Union européenne, Conseil européen, BCE, Cour des comptes européenne et CJUE.

– Dans les institutions internationales comme à l’OMC, l’Union européenne est parfois un membre à part entière : les intérêts sont donc communs.

Les intérêts en commun permettent d’avoir des objectifs communs et donc une vision géopolitique commune. 

 

B) Un projet et une vision : élargissement et intégration

– Les élargissements de l’Union européenne font tant partie de son ADN que de sa vision géopolitique. En effet, l’objectif est de pacifier son étranger proche en intégrant de nouveaux membres. On peut prendre l’exemple des élargissements de 1981 (Grèce) et 1986 (Espagne et Portugal), dont l’objectif n’était pas tellement économique mais plutôt politique : assurer de manière pérenne la démocratie dans ces anciennes dictatures (les colonels en Grèce, Franco en Espagne et Salazar au Portugal).

– Les élargissements se sont multipliés dans les années 2000, avec celui de 2004-2005 et celui de 2007. L’objectif était ici d’intégrer les anciennes Républiques soviétiques dans l’Union et de développer économiquement ces pays. Par exemple, en 2007, la Bulgarie était 20 fois plus pauvre que le Luxembourg. La vision géopolitique de l’Union européenne est donc bien définie.

– Ces élargissements s’établissent avec le respect des critères de Copenhague pour que le projet européen demeure cohérent. Pour rappel, les critères de Copenhague instaurés en 1993 sont les suivants : économie de marché, État de droit et démocratie, reprise de l’acquis communautaire.

Les élargissements sont à évoquer, car ils reposent sur les valeurs européennes et démontrent l’essence du projet européen et son objectif : sécuriser et développer son étranger proche.

 

C) Une vision géopolitique qui a pour but de sécuriser son étranger proche 

– On peut d’abord penser au partenariat euroméditerranéen, aussi appelé le Processus de Barcelone (1995). L’objectif est de créer des liens durables entre les deux rives de la Méditerranée pour diffuser la paix, la stabilité et la prospérité au Proche-Orient et dans les pays du Maghreb. Le partenariat a été élargi et approfondi en 2005 avec EuroMed.

– Les Politiques européennes de voisinage (PEV) doivent impérativement apparaître dans ce sujet. Les PEV sont créées en 2004 par l’Union européenne et s’étendent aussi bien aux pays d’Europe de l’Est (le partenariat oriental) qu’aux pays méditerranéens. L’objectif de ces PEV est d’améliorer les relations avec les pays riverains à l’est et au sud des frontières européennes et n’entrant pas dans une procédure d’adhésion. Les PEV sont dotées de l’Instrument européen de voisinage (IEV), dont les fonds s’élèvent à 14 milliards d’euros sur le cadre financier pluriannuel européen 2014-2021.

– Enfin, le processus d’intégration fait lui aussi partie intégrante de la vision géopolitique de l’Union européenne et plusieurs pays sont dans le processus : Monténégro, Moldavie, Ukraine, etc.

La vision géopolitique de l’Union européenne est donc clairement définie : diffuser ses valeurs dans le monde.

 

Pour résumer, dans cette première partie, on part du projet politique européen pour démontrer qu’il génère des intérêts communs entre les États (A). Puis on s’intéresse à la politique d’élargissement de l’Union européenne, qui fait partie à la fois de son projet politique et de sa vision géopolitique (B). Enfin, on s’intéresse à la vision géopolitique de l’Union européenne : diffuser la paix, la démocratie et aider les pays à se développer (C). Tu peux retrouver ici un article sur l’identité européenne.

 

II. Mais les intérêts nationaux refont surface : des visions géopolitiques ?

A) Des divergences sur la vision géopolitique dès la création du projet européen 

Divergences entre les partisans d’une union d’États et ceux souhaitant une Europe fédérale dans les années 1950 (en particulier France vs Royaume-Uni).

Échec de la CED de 1954 : l’objectif de la Communauté européenne de défense était de créer un état-major européen et une armée de défense commune. Le 27 mai 1952, le traité est signé et il faut alors le ratifier. Mais la France semble extrêmement divisée sur ce sujet et ne ratifie pas le projet à l’Assemblée nationale. Le projet est alors abandonné. La question de la défense européenne divise toujours les États : certains États de l’Union européenne souhaitent s’appuyer pleinement sur la défense des États-Unis, et donc sur l’OTAN, quand d’autres aimeraient approfondir l’Europe de la défense.

Échec de la Constitution européenne de 2005 : ce projet est signé par les pays membres après plusieurs années de négociations, mais non ratifié en France et aux Pays-Bas par référendum. Le projet de Constitution européenne est alors un échec en 2005.

Ces divergences, soit entre les chefs d’État, soit entre les citoyens européens eux-mêmes, affaiblissent l’établissement d’une vision géopolitique commune. Par ailleurs, la faiblesse de la défense européenne autonome entraîne pour l’Union européenne un manque de moyens pour appliquer sa vision géopolitique.

 

B) De la remise en cause du projet européen par ses membres à l’aveuglement de sa vision géopolitique

– À l’intérieur même de l’Union européenne, le projet européen est parfois remis en cause (on peut faire le lien avec la sous-partie précédente).

– Le projet européen a tellement été remis en cause par certains pays que le Royaume-Uni est sorti de l’Union européenne en votant le Brexit en 2016.

– Enfin, certaines valeurs sont remises en cause : la Pologne et la Hongrie remettent en cause les valeurs et principes européens (État de droit notamment).

Ainsi, le projet européen a été lui-même remis en cause. Tu peux retrouver une analyse de sujet et une carte ici.

 

C) Avec des divergences dans sa politique extérieure 

– Concernant sa politique extérieure, la vision géopolitique européenne peut diviser les États. Par exemple, la France s’était opposée à l’intervention américaine en Irak en 2003 (discours de Dominique de Villepin à l’ONU). Certains pays avaient suivi la position française (Allemagne et Belgique), quand d’autres s’étaient rangés derrière les États-Unis (les Dix de Vilnius, le Royaume-Uni et les Pays-Bas).

– Une Europe à géométrie variable aux intérêts divergents : certains pays sont membres de l’OTAN et d’autres non, certains sont membres de la zone euro et d’autres non, etc. On peut même prendre l’exemple d’une « régionalisation dans la régionalisation », avec le groupe de Visegrad. Par conséquent, les positions des États peuvent différer et la vision géopolitique commune peut se transformer en des visions géopolitiques.

– Enfin, il est difficile de définir le réel leader de l’Union européenne. La France ? L’Allemagne ? Il arrive par ailleurs qu’une vision géopolitique soit appliquée sans qu’elle ne soit approuvée par les autres. On peut prendre l’exemple du projet de l’Union pour la Méditerranée (UpM) de Nicolas Sarkozy en 2008, non abouti car plusieurs pays s’y étaient opposés. On peut aussi évoquer le cas de l’Allemagne qui avait choisi d’accueillir un million de migrants en 2015, alors que l’Europe fermait ses frontières pendant la crise migratoire. Un nouvel exemple de visions géopolitiques divergentes concernant la politique extérieure de l’Union européenne.

Par conséquent, il existe bien des visions géopolitiques distinctes au sein de l’Union européenne, traduisant les intérêts divergents des États.

 

Cette partie a donc pour objectif de démontrer que les pays de l’Union européenne ont dès le début eu des positions différentes concernant la définition d’un projet commun et d’une même vision géopolitique (A). Le projet européen en vient même à se déliter (Brexit), pouvant nous amener à parler d’une désunion européenne (B). On retrouve une nouvelle fois ces divergences en ce qui concerne la politique extérieure de l’Union européenne (C).

 

III. Face aux désordres d’un monde « affolé », les Européens adoptent une même vision géopolitique

A) Quand la Russie vient rassembler l’Union européenne

– Robert Schuman affirme dans ses mémoires que : « L’Europe se fera dans les crises et sera la somme des solutions apportées à ces crises. » Et quand on regarde la vision géopolitique de l’Union européenne, elle a tendance à devenir commune en cas de crise. Face à la guerre en Ukraine, les 27 États sont unis. Tu peux lire ici un article qui recense les crises majeures traversées par l’Union européenne.

– L’Union européenne a même innové par l’intermédiaire d’Emmanuel Macron, en créant la Communauté politique européenne (CPE). La CPE a été lancée dans le contexte de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022. Elle a pour objectif de favoriser le dialogue politique et la coopération afin de répondre aux questions d’intérêt commun, de manière à renforcer la sécurité, la stabilité et la prospérité du continent européen. La CPE regroupe tous les pays européens (44), à l’exception de la Russie et de la Biélorussie.

– Face à la Russie, plusieurs États européens ont mis en commun leurs forces. En 2015, face aux menaces russes en Baltique, la Finlande et la Suède ont fondé la SFNTF (Swedish Finnish Naval Task Force).

On le voit, face au voisin russe, l’Union européenne est capable d’adopter une unique vision géopolitique et reste unie, comme le projet de la CPE le démontre.

 

B) Médiateur dans la résolution de tensions internationales

– L’Union européenne a créé la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) en 1992. Une intervention contre la piraterie au large de la Somalie a été menée dans ce cadre entre 2008 et 2017 (opération Atalante), qui fut un réel succès.

– L’Union européenne a des valeurs qui la poussent à agir en cas de crise. Lors des tensions entre l’Ukraine et la Russie dans les années 2010, elle a réagi en 2015 par l’intermédiaire de la France et de l’Allemagne avec la signature des accords de Minsk II.

– Un exemple peut être plus marquant : la présence directe de l’Union européenne dans l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien. L’objectif était de contrôler le programme nucléaire iranien pour éviter que son projet ne comporte un volet militaire.

Ainsi, l’Union européenne tient à diffuser ses valeurs dans le monde en participant à des discussions internationales. Cela démontre bien qu’elle a une vision géopolitique clairement définie et appliquée.

 

C) Une vision géopolitique en lien avec des valeurs européennes : aider les plus démunis

– La vision géopolitique de l’Union européenne se fonde aussi sur une mission : aider les plus démunis. On peut d’abord penser à sa volonté d’intégrer les pays les moins développés (PMA) et les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) à la mondialisation. Tu peux citer les accords de Yaoundé (1963), de Lomé (1975), de Cotonou (2000). 

– L’Union européenne a également une enveloppe consacrée à l’aide humanitaire pour gagner la paix dans les régions touchées, notamment par le terrorisme. Par exemple, depuis 2015, plus de 900 millions d’euros ont été distribués au Yémen, en Irak ou encore en Jordanie.

– Dans l’Aide publique au développement (APD), l’Union européenne est la première puissance du monde en matière de contribution.

La volonté de l’Union européenne de venir en aide aux plus démunis est clairement ancrée dans les valeurs des États européens et se traduit de différentes manières : accords ACP, aides humanitaires d’urgence, APD.

 

Cette partie a donc permis de voir qu’à l’aune des crises, les États européens ont tendance à adopter la même vision. On est partis de l’exemple de la Russie (A), pour ensuite montrer de quelle manière l’Union européenne agit sur la scène internationale pour appliquer concrètement sa vision géopolitique. Elle joue parfois les médiateurs dans les résolutions de tensions internationales (B) et aide économiquement les pays en difficulté (C).

 

Conclusion

En définitive, l’Union européenne, si elle veut une vision géopolitique plutôt que plusieurs, doit nécessairement et avant toute chose se définir elle-même. Difficilement identifiable, il est toutefois clair que l’Europe est porteuse de valeurs qui résonnent à travers le monde et dont les membres ne cessent de s’assurer de leur respect. Dès lors, le bloc européen, « uni dans la diversité », est en mesure de diffuser ses valeurs pacifiques à travers le monde : aide financière, accords de libre-échange ou médiateur dans la résolution des tensions internationales. De fait, lorsque sa propre intégrité territoriale est menacée, c’est une Europe unie, donc forte, qui surgit. 

Dès lors, on peut faire un constat : l’Union européenne a des visions géopolitiques par nature en ce qu’elle est une « fédération d’États-nations », selon Jacques Delors. Mais ces visions s’unissent et convergent en temps de crises, appuyant l’idée de Jean Monnet selon laquelle « l’Europe se fera dans les crises et sera la somme des solutions apportées à ces crises ». Ainsi, peut-on paradoxalement penser que l’unité européenne à travers une vision géopolitique commune ne se révèle que pendant les crises ?

 

Cartographie

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J’espère que tu as aimé cet article. N’hésite pas à consulter toutes nos ressources en géopolitique.