Certaines œuvres dans l’art contemporain se nourrissent de la violence : ses œuvres présentent une cruauté plus réaliste, rendant de fait la violence plus poignante, voire traumatisante. Mais si la portée de la violence dans l’art semble s’être accrue avec l’émergence de l’art contemporain, il ne faut pas oublier que la violence a toujours été un leitmotiv dans l’histoire de l’art. Grand nombre d’œuvres dépeignent en effet des scènes d’une grande violence, qui est un moteur bien connu de la création artistique : exhiber la violence permet aux artistes de dépeindre la réalité humaine et de représenter l’ineffable.

Mais l’art n’a pas que servit à condamner la violence. Celle-ci a aussi souvent inspiré l’art et le beau, dans le sens où il ne s’agit plus de représenter la violence grâce à l’art en vue de l’exterminer, mais plutôt de cultiver ce culte de la violence, de la sublimer, pour en faire naitre une beauté plus authentique, plus poignante, plus humaine, par une transformation quasi baudelairienne. Ainsi, la violence peut être source du beau et de l’art.

La représentation de la violence par l’art comme source d’une émotion forte

Dépeindre la violence dans l’art pour susciter l’intérêt de la société

Véhiculant une idée de transgression, par sa brutalité et son intensité, la violence peut être une source d’inspiration encore plus forte que le bien, la douceur ou la bienveillance : la violence est dotée d’une efficacité transgressive qui marque la société, avide de sensationnel.

L’esthétique de la violence par l’art bouleverse l’Homme

L’esthétique peut relever soit du beau, soit du sublime. Le beau a trait à l’harmonie des choses, alors que le sublime renvoie au point d’extrême tension, où l’émotion et l’approche de la violence donnent lieu à un bouleversement. Ainsi, alors que le beau est une émotion calme, le sublime est douloureux car il nous confronte à notre finitude ; il dépasse absolument l’esprit humain, mais la jouissance qu’on en tire est incommensurablement plus grande que celle liée au beau.

Ainsi, l’esthétique qui s’appuie sur notre pathos et qui relève du sublime suscite une émotion plus forte : l’esthétique de la violence, de la démesure et de la cruauté décuple ainsi la force de l’œuvre. Par ce que l’Homme est intrinsèquement violent, que la violence l’habite par nature, tout ce qui l’émeut est souvent fruit de la violence, car il reconnait ce sentiment en lui, ce qui suscite une réaction d’autant plus forte.

Quelques exemples d’oeuvres d’art et d’esthétisation de la violence

Judith et Holopherne (Le Caravage, 1598)

Judith et Holopherne (Le Caravage) — Wikipédia 

Le Caravage dépeint ici une scène violente issue de l’Ancien Testament. Le général Holopherne, envoyé par le roi d’Assyrie, y assiège la ville juive de Béthulie. Judith, une riche veuve, le séduit, puis se rend avec sa servante dans la tente du général : il l’enivre et lui tranche la tête. Les soldats s’enfuient le lendemain : la ville est ainsi libérée.

La violence de la scène est évidente : Holopherne se contorsionne pour se débattre, et lutte pour survivre. Par sa bouche ouverte et ses yeux révulsés, l’artiste laisse alors notre imagination entendre le hurlement et l’agonie du général. L’usage du clair-obscur renforce l’intensité dramatique de la scène : l’œuvre saisit le spectateur par sa cruauté, et semble symboliser le triomphe de la vertu sur le mal.

Le Caravage est un habitué des têtes tranchées : il a aussi peint deux têtes de Méduse décapitée, deux versions de David tenant la tête de Goliath, ainsi que Salomé avec la tête de Jean-Baptiste et une Décollation de saint Jean-Baptiste. D’une scène violente et repoussante, l’artiste fait donc naitre un tableau saisissant, qui a des vertus cathartiques sur le spectateur.

Le Futurisme (1910-1920) : l’art de l’extrême violence

Le Manifeste du futurisme : prôner un art violent

Le Futurisme est un mouvement artistique et politique du début du XXe. Révolutionnaire et violent, il est fondé sur l’exaltation du monde moderne. Il nait en Italie, autour du poète Filippo Tommaso Marinetti, qui écrit le Manifeste du futurisme en 1909, dont voici quelques extraits :

La littérature ayant jusqu’ici magnifié l’immobilité pensive, l’extase et le sommeil, nous voulons exalter le mouvement agressif, l’insomnie fiévreuse (…), la gifle et le coup de poing.

Il n’y a plus de beauté que dans la lutte. Pas de chef-d’œuvre sans un caractère agressif. La poésie doit être un assaut violent contre les forces inconnues, pour les sommer de se coucher devant l’homme.

Nous voulons glorifier la guerre – seule hygiène du monde -, le militarisme, le patriotisme, le geste destructeur des anarchistes, les belles idées qui tuent, et le mépris de la femme.

Ce mouvement esthétique italien fit ainsi l’apologie de la violence, et inspira notamment le régime fasciste de Mussolini. Le futurisme prône en effet la nécessité de la violence en vue de débarrasser l’Italie du culte archaïque du passé. Les artistes souhaitent donc résorber les problèmes de l’époque par la violence et la guerre. Leur art était provocateur, et leur but était de mener à la polémique en choquant par leurs idées et leur positions intellectuelles violentes.

L’exemple de La Charge des lanciers (Boccioni, 1915)

Umberto Boccioni, une des principales figures du futurisme, a notamment peint Rixe dans la galerie, qui représente une foule attirée par un attrapage entre deux femmes. Il a également réalisé La Charge des lanciers, véritable hymne à la violence et à la guerre :

La Charge des lanciers — Wikipédia 

Cette œuvre dépeint une scène de bataille, des cavaliers en armure chargeant l’armée ennemie. La “charge des lanciers” renvoie ainsi à une tactique militaire datant des guerres napoléoniennes, qui consiste à envoyer des cavaliers attaquer l’ennemi avec des lances en position verticale.

Le futurisme assume donc l’usage de la violence, et prône la guerre pour renouveler l’Italie : l’usage de la force et de la violence, pour ce movement, est un moyen d’arriver à ses fins.

Shoot, Chris Burden

Chris Burden est un amateur de l’art performatif : il réalise des présentations artistiques situées. Shoot est une performance réalisée en 1971, dans laquelle il demande à son ami de lui tirer dessus, de manière non léthale, avec un rifle, à 15m de distance. Cela donne lieu à une courte vidéo de huit secondes. Il dit ainsi avoir voulu représenter le leitmotiv américain des fusillades aux États-Unis.

On voit donc que Burden se saisit de la violence pour la transformer en art : il considère la violence et le danger comme une expérience artistique, en banalisant, pour un moment, l’horreur.

Conclusion

L’art permet de représenter la violence des passions humaines en vue de susciter une émotion plus forte chez l’homme par la transformation de cette violence en une forme de beauté. Cette esthétique – voire esthétisation – de la violence mène ainsi à un bouleversement cathartique chez le spectateur.

Nous espérons que cet article t’aura donné des outils pour traiter les sujets sur “La violence” : consulte également toutes nos autres fiches pour l’épreuve de Culture Générale 2024.