Dans cet article, je vais te parler de la pièce maîtresse de Schopenhauer : Le Monde comme volonté et comme représentation (1819). L’ouvrage est divisé en quatre livres, qui traitent de diverses conceptions du monde, mais aussi de la nature de l’art, et de la morale. Il peut être très intéressant de connaitre cet ouvrage dans le cadre du thème “Le Monde”. En effet, Schopenhauer nous propose une vision du monde assez atypique. Il s’inspire aussi bien de la philosophie kantienne que de l’hindouisme, ce qui en fait un auteur singulier.

Volonté et représentation

Mais à quoi fait référence le titre de l’ouvrage ? En réalité, Schopenhauer part du constat que, grâce à nos 5 sens, nous avons accès à une représentation du monde, mais pas à son essence profonde. Il explique que cette essence profonde consiste à être sans but. En effet, elle est à l’origine de tout ce que nous nous représentons, mais reste méconnaissable : cela veut donc dire qu’elle n’a pas de raison d’être. Il nomme cette force “Volonté” et explique qu’elle pousse les individus à agir, indépendamment de la rationalité. 

Cet ouvrage s’inspire des Védas, anciens textes hindous, ainsi que de la philosophie kantienne. Schopenhauer reprend en effet de Kant l’idée de distinction entre les phénomènes d’une part (c’est-à-dire les choses telles qu’elles apparaissent) et la chose en soi d’autre part, c’est-à-dire la nature véritable de ces choses. Pour Kant comme pour Schopenhauer, croire en l’existence de la chose en soi est primordial, car cela nous permet d’imaginer qu’il existe une réalité en dehors de nous.

Pour Schopenhauer, on ne peut certes pas connaître la chose en soi, qu’il appelle “Volonté” ; mais on peut cependant penser sa nature.

Un monde absurde

Pour Schopenhauer, la Volonté, puisque sans but, est souffrance. Là où des philosophes comme Aristote considéraient que toute chose existe pour remplir une fonction, Schopenhauer se positionne, lui, comme un philosophe de l’absurde.

Nous n’avons en effet que des buts à court terme, qui nous sont dictés par nos désirs. Cela engendre de la souffrance, car la succession de ces buts ne peut pas nous cacher que le monde, lui, en est dénué. On se représente le monde comme régi par des règles obéissant à des buts variés, mais il n’en est rien : c’est ce décalage entre la représentation et la volonté qui est absurde.

Tu connais peut-être la citation de Schopenhauer selon laquelle “la vie oscille comme un pendule de la souffrance à l’ennui“. Cette phrase parle précisément de cela : elle signifie que nous balançons entre l’envie de fuir la souffrance que nous cause nos désirs, et l’envie de fuir l’ennui causé par l’absence de désir.

L’art et la représentation du monde

Sur ce sujet, la vision de Schopenhauer s’oppose ainsi à celle de Platon. Platon considère en effet que l’art est l’idée du Beau. Schopenhauer, lui, estime que l’art est au contraire une manière de voir les choses au-delà du principe de raison suffisante ; ce principe stipule que tout a une cause, une raison.

Pour Schopenhauer, l’art permet l’effacement du sujet, c’est-à-dire de l’artiste, ou du spectateur selon les cas. On se perd ainsi dans la contemplation ou dans la création artistique, et c’est en cela que l’on s’efface. Cet effacement est un soulagement, car une fois notre volonté endormie, le flot de désirs et de souffrances cesse. A noter également que pour Schopenhauer, si l’art fournit de belles représentations du monde, il y a un genre qui fait exception : la musique. Pour l’auteur, la musique donne un accès direct à la Volonté, en ce qu’elle bouleverse notre perception du temps.

La morale 

Dans le dernier livre, Schopenhauer évoque la question de la morale et de l’éthique. Il explique que la volonté vise sa propre satisfaction et qu’elle est donc une source d’égoïsme. La morale, visant à combattre l’égoïsme, est donc une négation de la volonté de vivre. Inspiré par le bouddhisme et les Védas, Schopenhauer prône l’ascétisme moral. Il vise à réduire l’emprise de la volonté, créatrice de désirs, sur l’individu.

Il explique qu’en revanche, le suicide n’est pas souhaitable, car il constitue un abandon de la vie, et non un abandon de la volonté de vivre. S’il veut arrêter d’être malheureux, l’homme n’a pas d’autre choix que de nier la volonté. Ainsi, selon l’auteur, on ne peut être épanoui qu’en niant la représentation, en sortant du monde phénoménal. C’est là la différence d’ailleurs avec Kant : chez Schopenhauer, il est possible de quitter le monde des phénomènes.

Conclusion

  • La représentation désigne le monde comme nous le voyons. La vraie nature du monde, la Volonté, nous est inaccessible.
  • Schopenhauer reprend les grandes lignes de la pensée de Kant, mais s’en différencie en s’interrogeant sur la Volonté.
  • Schopenhauer est un philosophe pessimiste : selon lui, nous serons condamnés à souffrir tant que nous ne verrons pas la Volonté telle qu’elle est.