Dans cet article, Major-Prépa te propose une analyse d’une œuvre d’art incontournable pour traiter le thème « Aimer ». Cette analyse d’une œuvre du Caravage te permettra de proposer une illustration d’un mythe connu et d’illustrer tes raisonnements philosophiques, ce qui est très valorisé en dissertation de culture générale en prépa ECG !

Présentation de l’œuvre 

Narcisse est une huile sur toile fréquemment attribuée au Caravage et peinte à la fin du XVIᵉ siècle, plus précisément en 1598. Cette œuvre – une des plus connues du peintre italien de la Renaissance – illustre le génie du Caravage ainsi que sa maîtrise de la technique du clair-obscur. Le clair-obscur désigne l’art de distribuer dans un tableau les nuances de la lumière contrastant avec un fond sombre. L’œuvre est désormais conservée à la galerie nationale d’Art ancien de Rome, au palais Barberini. La date précise de réalisation ainsi que le commanditaire du tableau font encore débat chez les historiens de l’art. 

Que représente ce tableau ? 

Sur cette toile, on observe un jeune garçon qui demeure éclairé dans un environnement à dominante sombre. Il est agenouillé au bord d’une étendue d’eau et s’appuie sur ses mains. Il contemple son propre reflet qui apparaît à la surface de l’eau alors qu’il se désaltère. Il s’agit, comme tu l’as compris, de Narcisse. Étudions maintenant son histoire. 

Petit rappel du mythe de Narcisse 

Dans la mythologie grecque, Narcisse est un jeune homme d’une grande beauté. Dans Métamorphoses d’Ovide, il est le fils du dieu du fleuve Céphise et de la nymphe Liriope. À sa naissance, Tirésias révèle à la mère de Narcisse que ce dernier vivrait longtemps s’il ne voyait jamais son propre visage. Néanmoins, son rejet de l’amour de la nymphe Écho lui attire la colère des dieux qui cherchent alors à le punir. Tandis qu’un jour, assoiffé, Narcisse se désaltère à une source, il aperçoit son reflet dans l’eau et en tombe amoureux, puis meurt en contemplant son image. Il donne son nom à la fleur qui pousse à l’endroit où il est mort. 

Selon une autre version, contée par Pausanias, Narcisse, pour se consoler de la mort de sa sœur jumelle, qu’il adorait et qui avait été créée à son image, passait du temps à se contempler dans l’eau de la source, car son visage ressemblait à celui de sa sœur.

Quelle question pose ce tableau sur le thème de l’amour ?

Finalement avec sa représentation de Narcisse, Le Caravage nous invite à nous poser la question suivante : dans quelle mesure l’amour de soi peut-il être toxique ?

Analyse – L’amour nocif de Narcisse pour lui-même

Le Caravage propose ici une représentation des excès de l’amour de soi et de ses potentielles conséquences. Le peintre met en exergue le piège dans lequel tombe Narcisse, celui d’un amour autocentré qui le mène à sa perte. Étudions ensemble les modalités de cet amour toxique.

I. Un amour, mais quel amour ?

A. Un amour passionnel poussé à son paroxysme

Narcisse du Caravage est une représentation d’une passion, une passion soudaine, inattendue. Narcisse aime éperdument ce qu’il découvre dans l’eau. Ce sentiment, que l’on peut définir comme de l’amour propre, devient capital et prend le pas sur toutes les autres émotions.

Le Caravage représente dans ce tableau un jeune homme transi par l’amour, dont la posture témoigne d’une forme de surprise et d’admiration face à son propre reflet. Ainsi, le Narcisse du Caravage a la bouche entrouverte, il est ébahi, fasciné par l’image qu’il découvre à la surface de l’eau. De plus, la position de Narcisse est ambiguë : il est à la fois ancré au bord de l’eau et comme prêt à plonger pour étreindre l’objet de cet amour.

B. Un amour envahissant

Le Caravage donne l’impression que le sentiment qu’éprouve Narcisse devient toxique et envahit son esprit ainsi que tout l’environnement du jeune homme. Tout s’assombrit autour de Narcisse ; Le Caravage donne ainsi l’impression que cette obscurité, symbolisant un amour de soi poussé à l’extrême, menace de causer la perte de Narcisse .

II. Les pièges de cet amour

A. Un amour illusoire

En réalité, Narcisse est prisonnier d’une illusion. Plus précisément, il est victime d’une double illusion : d’abord une illusion d’optique face au miroir que constitue l’étendue d’eau dans laquelle il se regarde. Mais il est surtout victime d’une illusion amoureuse qui lui fait ignorer qu’il tombe amoureux de sa propre image. Cette illusion, qui fait croire à un amour sincère envers un autre que soi, et qui efface toute autre réalité comme le signale la noirceur au second plan du tableau, plonge Narcisse dans un état tel qu’il perd conscience de lui-même et du monde qui l’entoure, jusqu’à se noyer dans son propre reflet.

Narcisse est donc victime d’un amour de soi illusoire, un amour qui l’enferme et fait peu à peu disparaître tout ce qui l’entoure.

B. Un amour qui prive Narcisse de sa conscience

L’amour peut se définir comme un lien fort qui lie les individus entre eux, un lien qui établit donc une relation entre des personnes distinctes. Mais Narcisse est seul, amoureux de lui-même. Il ne sait plus qui se trouve dans le reflet qu’il contemple. Alors que le lien amoureux permet normalement, grâce à la discussion et à l’échange, de prendre conscience de soi, Narcisse est ici enfermé dans un amour toxique qui le prive de la distance et du contact de l’altérité, tous deux nécessaires à une véritable prise de conscience de soi et du monde.

C. Narcisse ou le prisonnier de ses sentiments 

En outre, le cercle formé par le corps de Narcisse et son propre reflet témoigne de l’enfermement dans lequel se trouve Narcisse, prisonnier d’une situation qu’il subit, étreint par des sentiments qu’il ne maîtrise pas. Narcisse aime, il s’aime lui-même, mais cet amour, qui habituellement rapproche deux êtres différents, fait perdre ses repères à Narcisse : il ne sait plus qui il est, il est happé par ses sentiments. Narcisse est donc prisonnier de cet amour toxique qu’il éprouve pour lui-même. 

Que retenir ?

Avec Narcisse, on se rend compte que l’amour de soi peut être toxique, qu’il n’est parfois qu’une chimère qui enferme l’homme et qui le prive de sa conscience. Le Caravage, à travers la figure mythologique de Narcisse, met en lumière les pièges d’une telle forme d’amour. Il montre ainsi que l’amour implique, pour être bénéfique à l’homme, une mise à distance entre le sujet aimant et l’objet aimé. Aimer oui, mais aimer autrui, car s’aimer trop condamne. Si celui qui aime est à la fois sujet et objet, alors l’amour enferme, il prive l’homme de sa liberté et le conduit à sa perte.