Pour étudier le thème de CG 2024, « La violence », il est indispensable d’analyser également la non-violence. Cet article te propose donc de comprendre cette notion et ses origines, ainsi que ses mécanismes et déclinaisons.

La définition de la non-violence

L’un des synonymes les plus courants de la non-violence est le pacifisme. Par définition, la non-violence renonce à tout recours à la violence en tentant de la délégitimer. Elle constitue un moyen de résister ou de protester, tout en restant fidèle à des principes éthiques. Sa fin reste cependant bel et bien de provoquer des transformations sociales, économiques ou politiques.

Jean-Marie Muller, philosophe et directeur des études à l’institut de recherche sur la résolution non-violente des conflits (IRNC) combine clairement ces deux aspects dans sa vision de la non-violence. Il affirme ainsi, dans son Dictionnaire de la non-violence en 2005 :

En tant que principe philosophique, la non-violence est une requête de sens, en tant que méthode d’action, elle est une recherche d’efficacité.

Contrairement aux idées reçues, la non-violence s’oppose donc à toute forme de fatalisme ou d’apathie. Le politologue américain Gene Sharp, surnommé parfois « le Machiavel de la non-violence », proposait déjà en 1973 une définition assez précise de la notion dans son ouvrage The Politics of nonviolent action :

L’action non-violente est une technique grâce à laquelle ceux qui rejettent la passivité et la soumission, et qui considèrent que la lutte est essentielle, peuvent livrer leur combat sans recourir à la violence. L’action non-violente ne cherche pas à éviter ou à ignorer les conflits. C’est une façon de répondre à la question de savoir comment mener une action politique efficace, et de savoir en particulier comment utiliser ses pouvoirs avec efficacité.

La non-violence recherche donc une forme d’efficacité. Sa force a par ailleurs été progressivement reconnue par les institutions internationales. Par une résolution de l’assemblée générale de 2007, l’ONU confirme clairement la « pertinence universelle du principe de non-violence » . Elle institue ainsi la Journée Internationale de la non-violence le 2 octobre, afin de prôner ce principe par des actions de sensibilisation. Cette date du 2 octobre n’a évidemment pas été choisie au hasard par l’ONU : il s’agit de la date d’anniversaire de Gandhi.

Gandhi, pionnier des politiques non-violentes

La recherche d’une force spirituelle

Gandhi est l’initiateur de la résistance à l’oppression par la désobéissance civile dans le combat pour l’indépendance de l’Inde. Communément appelé Mahatma Gandhi, qui signifie « grande âme » , il refusait ce titre, pourtant révélateur de sa philosophie.

En effet, l’idée de non-violence repose, dans la perspective de Gandhi, sur le principe hindou de l’ahimsa, qui signifie littéralement « contre la nocivité » ou « respect de la vie » en sanskrit. Dans la pensée indienne, ce principe correspond à la bienveillance. Gandhi s’inspire ainsi de la pensée chrétienne, selon laquelle il faut s’attacher à respecter voire aimer son ennemi.

Cependant, il ne faut pas oublier que Gandhi pense avant tout la non-violence comme une voie pour atteindre la vérité. La désobéissance civile qu’il pratique prend donc le nom de satyagraha, qui signifie en sanskrit « attachement ferme à la vérité » ou « force de la vérité ». Gandhi prône donc la recherche d’une force spirituelle, déroutante pour son adversaire, et le rendant finalement presque invincible par rapport à lui :

Je cherche à émousser complètement l’épée du tyran, non pas en la heurtant avec un acier mieux effilé, mais en trompant son attente de me voir lui offrir une résistance physique. Il trouvera chez moi une résistance de l’âme qui échappera à son étreinte. Cette résistance d’abord l’aveuglera et ensuite l’obligera à s’incliner.

Lettre à l’Ashram

Radicalité et non-violence

Avec l’exemple de Gandhi, on comprend qu’être radical et non-violent n’est pas incompatible. En effet, ce dernier est prêt à accepter d’être puni pour avoir désobéi à la loi, en vue de rester fidèle à son idéal de justice. Il explique donc dans un discours :

La non-violence demande qu’on se soumette volontairement à la peine encourue pour ne pas avoir coopéré avec le mal. Je suis donc ici prêt à me soumettre d’un cœur joyeux au châtiment le plus sévère qui puisse m’être infligé pour ce qui est selon la loi un crime délibéré et qui me paraît à moi le premier devoir du citoyen.

Si tu veux en apprendre davantage sur l’action de Gandhi, n’hésite pas à regarder le film biographique Gandhi, de Richard Attenborough. L’impact de la non-violence pensée et pratiquée par Gandhi court encore jusqu’à nos jours.

Le recours à la non-violence, de Gandhi à aujourd’hui

L’importance de la non-violence dans les mouvements civiques

La résistance non-violente de Gandhi a été une source d’inspiration pour de nombreux mouvements civiques dans le monde entier. Historiquement, on peut citer entre autres les actions de Rosa Parks ou de Martin Luther King, qui ont permis de mettre fin à la ségrégation raciale aux Etats-Unis ; celles de Lech Walesa en Pologne, de Nelson Mandela en Afrique du Sud, ou encore d’Ibrahim Rugova au Kosovo.

Mais vers la fin du XXe siècle et ces dernières années, la non-violence est davantage utilisée pour la défense de l’environnement. On peut ainsi prendre l’exemple de l’ONG Greenpeace, qui présente son action selon ce principe. En effet, le dialogue avec les différents acteurs, comme les entreprises ou les gouvernements, est privilégié pour initier le changement. Dans le cas où le dialogue n’est pas suffisant, des actions directes non violentes sont organisées. Sont-elles efficaces ?

L’efficience de la non-violence

Erica Chenoweth et Maria J. Stephan, deux chercheuses américaines, publient ensemble en 2011 l’ouvrage Why Civil Resistance works. Réalisant une étude quantitative, elles répertorient plus de 320 campagnes armées et non armées de 1900 à 2006. Leurs résultats sont assez significatifs.

En effet, elles arrivent à la conclusion que le taux de succès pour les campagnes armées est de moins de 30%, alors qu’il est de plus de 50% pour les campagnes pacifiques. Avec les chiffres exacts, les campagnes non armées sont deux fois plus efficaces que les campagnes armées. Cette étude est donc très importante, puisqu’elle nie l’idée ancestrale que la violence est le seul moyen pour se défendre.

Le politologue Glenn D. Page imagine quant à lui des sociétés non-meurtrières dans son ouvrage Nonkilling Global Political Science en 2002. Selon lui, la violence est davantage construite socialement et culturellement qu’innée. Dès lors, il est possible de l’éradiquer totalement, en déconstruisant les idées pré-établies qui fondent son acceptation. Il introduit par là le concept de « non-meurtre » selon lequel aucun meurtre, menace de meurtre ou conditions conduisant au meurtre n’adviendraient dans les sociétés.

Conclusion

Le pouvoir de la non-violence repose finalement sur son caractère davantage réfléchi qu’impulsif. Il s’appuie également sur la force du nombre, soutenu par l’opinion publique. Face à ce pouvoir de la non-violence, la difficulté d’enrayer la violence elle-même semble provenir du cercle vicieux par lequel la violence entraine la violence.

Ainsi, dans son essai d’anthropologie La violence et le sacré de 1972, René Girard commence à exposer sa théorie du désir mimétique, à l’origine de la perpétuation des conflits. Il y propose la religion comme moyen de réguler cette violence sociale.

Nous espérons que cet article t’a permis de mieux comprendre la notion de non-violence, et de découvrir des références sur le sujet à utiliser en dissertation. N’hésite pas à consulter nos autres articles sur le thème de “La violence” en cliquant ici.