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La violence résulte-t-elle d’un instinct naturel, ou provient-elle davantage d’une construction sociale ? Associée à un comportement agressif pouvant s’avérer destructeur, la violence rythme nos sociétés, en dépit de la menace de condamnations physiques et morales. Pouvant se présenter de diverses façons, elle semble par ailleurs se manifester relativement tôt chez les individus.

En effet, si la violence renvoie de façon évidente aux agressions physiques ou aux insultes verbales, elle se manifeste également dans des comportements du quotidien et touche l’ensemble des individus : caprice, énervement face à un interdit… Face à l’omniprésence de la violence dans les rapports sociaux, il est donc pertinent de se questionner sur l’origine d’une telle violence, que la psychanalyse étudie particulièrement. 

Freud : La violence est inhérente à la nature humaine

Comment expliquer l’omniprésence de la violence, parfois inhumaine malgré la pression morale du monde extérieur ? La seconde topique de Freud nous aide à répondre à cela.

En effet, selon Freud, les règles morales de respect d’autrui et la prise de conscience de l’existence de l’autre ne sont possibles que grâce à la médiation du réel. Sans relation et prise de conscience de l’existence de l’autre, l’individu est dans l’incapacité de construire un Surmoi, source d’apaisement des pulsions naturelles du Ça

A l’état pré-social, l’individu est donc exempt de conscience morale et de la réalité d’autrui : il n’est mu que par les pulsions animales de son Ça. La violence est donc inhérente à la nature humaine, car fondamentalement constitutive du psychisme. Dans Malaise dans la civilisation, Freud écrit donc ceci :

L’homme n’est point cet être débonnaire, au cœur assoiffé d’amour, dont on dit qu’il se défend quand on l’attaque, mais un être au contraire qui doit porter au compte de ses données instinctives une bonne somme d’agressivité.

L’Homme est ses actes sont donc conditionnés par un duel intérieur permanent entre la conscience morale (le Surmoi) et les motions pulsionnelles (le Ça). La violence naît de l’échec de ces deux instances à trouver un compromis. Le sujet est alors en incapacité de se représenter son désir.

Cette absence de représentation conduit nécessairement à l’absence de jugement, positif ou négatif, sur l’acte visé : elle masque donc la violence potentielle de l’acte. En dépit de la censure imposée par le Surmoi et le monde réel, l’homme reste donc dirigé par ses pulsions, la « pulsion de mort » (thanatos) et la « pulsion de vie » (Eros). L’être humain semble donc condamné à vivre sous l’influence permanente de pulsions potentiellement violentes : il est donc, selon Freud, instinctivement violent. Mais d’autres psychanalystes défendent que la violence, loin d’être instinctive, est au contraire un produit social.

Aulagnier et Laplanche : la violence comme construction sociale

Aulagnier : la violence s’apprend par mimétisme durant l’éducation

Le psychanalste français Aulagnier fait en effet le constat suivant : privé de rapport avec autrui, l’individu ne semble pas être en mesure de développer un comportement violent. La violence ne peut donc qu’être le fruit d’un rapport social, dans la mesure où elle est un moyen d’expression alternatif à la communication.

En effet, selon Aulagnier, les interdits et les punitions infligés à l’enfant sont responsables de son apprentissage de la violence. Durant l’éducation, les premiers rapport avec les parents sont régis par des règles ; or, elles incluent des interdits auxquels l’enfant ne peut se soustraireAulagnier écrit donc, dans La violence de l’interprétation, que l’enfant ne peut

refuser la violence pour se retrouver face à un vide sans désir et sans parole.

Il se voit donc contraint de répliquer, de façon mimétique, par une attitude violente. Ici, l’acte violent est donc compris comme un comportement qui n’est pas nécessairement violent dans les faits, mais qui est perçu comme tel par l’interlocuteur. La notion de violence semble donc naître de la menace potentielle que représente autrui, et plus généralement le collectif, pour la liberté d’un individu.

Laplanche : la société est productrice de violence

La violence émerge en effet du rapport à l’autre, c’est-à-dire de l’incompréhension ou de la discorde provoqués chez autrui par un acte qui représente une potentielle perte de son autonomie. Elle naît donc de l’affront que l’autre me fait lorsqu’il s’interpose entre ma volonté et moi. Puisqu’elle apparaît comme une réponse qui anticipe la violence potentielle de l’autre, la violence est donc constituante des relations humaines.

Selon Laplanche, la violence émerge ainsi de l’échec du processus d’implantation, qui donne lieu au processus d’intromission. Il définit ainsi ces deux processus, qui décrivent en fait deux types de refoulement :

L’implantation est un procès commun, quotidien, normal ou névrotique. A côté de lui, comme sa variante violente, il faut faire place à l’intromission.  Alors que l’implantation permet à l’individu une reprise active, avec sa double face traductive-refoulante, il faut tenter de concevoir un processus qui fait obstacle à cette reprise, court-circuite les différenciations des instances en voie de formation, et met à l’intérieur un élément rebelle à toute métabole.

Tu trouveras ici une analyse plus approfondie des concepts d’implantation et d’intromission de Laplanche. Ce qu’il faut retenir, c’est que pour ce psychanalyste, la violence est une conséquence d’un mauvais refoulement (l’intromission), qui conduit le sujet à considérer autrui comme une menace. La violence vient donc du rapport à autrui, et non pas d’une pré-disposition innée.

Conclusion

Si certains psychanalystes, comme Freud, défendent une pré-disposition de l’Homme à la violence, qui serait donc innée et naturellement présente en nous, tu peux également te tourner vers d’autres psychanalystes pour défendre l’idée selon laquelle la violence vient d’abord de notre rapport à autrui, que ce soit par l’éducation parentale (Aulagnier), ou dans la relation à tout autre que moi en général (Laplanche). Ces trois exemples te permettront donc de traiter nombre de sujets sur “La violence” : retrouve tous nos autres exemples analysés et détaillés ici.