Ma relative réussite aux écrits l’année dernière m’a ouvert, le temps des oraux, les portes d’écoles que je ne visais même pas. Alors que j’osais à peine sérieusement rêver de l’emlyon ou de l’ESCP j’ai été l’année dernière admissible jusqu’à l’ESSEC (mais sans l’ESCP). J’ai littéralement sauté de joie à la publication des résultats d’admissibilité.

Tout ça pour se voir refuser l’ESSEC et l’emlyon aux oraux. Après hésitation, j’ai décidé de refaire une année et de retenter les concours, et j’attends aujourd’hui comme vous les résultats de cette année. Cette terrible déception guette chacun d’entre vous si vous ne faites pas attention et si vous commettez les mêmes erreurs que moi. L’objectif de cet article est de vous retracer ma préparation et de vous montrer ce qu’il ne faut pas faire.

Ne pas se reposer sur ses lauriers

Ce conseil est le plus évident, et on a dû vous le répéter des centaines de fois : les concours ne s’arrêtent pas aux écrits. Certes, vous pouvez, et vous devez même, relâcher un peu le rythme. Le travail que vous fournirez sera par ailleurs plus léger en termes d’intensité (regarder des interviews de chefs de produit pour savoir ce qu’ils font et comment ils en sont arrivés là est moins exigeant mentalement que d’apprendre toutes les dates du cours sur le SMI). Mais ce n’est pas pour autant qu’il ne faut pas le faire. A ce stade, vous devez vous être assez reposé, et vous devez vous remettre au travail le plus rapidement possible (désolé pour les vacances plus courtes, les ECS, mais ça vaut aussi pour vous, c’est pour votre bien). Je vous montre dans un premier temps en quoi il y a du travail à faire, mais cela n’ira pas au delà d’une vue d’ensemble très générale. Pour préparer les différentes épreuves que vous aurez à passer, je vous renvoie vers d’autres articles (listés à la fin de celui-ci).

La quantité de travail est la plus importante pour ceux qui peuvent prétendre à des parisiennes, car leurs oraux ne s’en tiennent pas aux langues et aux entretiens. Ici, je me contenterai de souligner qu’il ne faut pas hésiter à faire preuve d’ambition. Ne vous dites pas que vous “n’aurez jamais” l’ESCP ou HEC : dans bien des cas, ceux qui finissent admissibles ne s’y attendaient pas du tout, et il est impossible de tout rattraper une fois que l’on apprend que l’on est admissible. Après Ecricome et BCE, 1 à 2h d’ESH ou de maths par semaine devraient même suffire à garder le niveau. Vous pourrez toujours approfondir après les résultats.

La charge du travail est aussi importante en langues et en entretiens

En langues, en fonction des écoles, des connaissances en civilisation peuvent être très solicitées, et on peut très clairement vous interroger,  pendant la discussion, sur l’actualité récente, même si les documents n’en parlent pas (ils sont sélectionnés plusieurs mois à l’avance). On peut par ailleurs vous demander directement par quels sources vous suivez l’actualité espagnole ou allemande. Enfin, les oraux de langues prennent très souvent une dimension “entretien” que vous n’avez pas connue au cours de l’année, ou très peu : vous devrez pouvoir expliquer en italien ou en chinois que l’école vous intéresse pour sa chaire entrepreneuriat social, raconter ce que vous avez retenu de votre dernier voyage en Sicile, et expliquer que vous faîtes de la flûte traversière depuis vos 3 ans, ce qui nécessite bien évidemment une préparation particulière, ne serait-ce qu’au niveau de l’acquisition du vocabulaire adapté. Entraînez-vous à expliquer votre projet profesionnel en LV1 et LV2.

Pour ce qui est de l’entretien, certains pensent qu’il ne se prépare pas ou très peu. C’est tout le contraire et, ici, de bonnes notes à vos entretiens blancs ne doivent pas suffire à vous libérer de tout travail. Vous devez vous renseigner en profondeur sur le secteur qui vous intéresse, et sur les qualités attendues de la profession que vous voulez exercer. Ici, vous trouverez pléthore d’informations sur internet (exemple), donc passez du temps à faire des recherches, à guetter les “qualités” ou “savoirs-faire” qui reviennent souvent, et à vous entraîner à justifier, par vos expériences, en quoi vous possedez de telles qualités. Il vous faut plus globalement préparer des fiches sur vos expériences les plus riches et savoir ce que celles-ci vous ont appris ou ce qu’elles disent de vous. Un tel travail doit vous permettre d’aller en entretien non pas craintif.ve des terribles questions que l’on pourra vous poser (“faîtes nous rire”), mais désireux.se de partager votre personnalité et votre expérience (c’est cette attitude qui changera tout : vous avez des choses à dire, n’ayez pas peur !). Enfin, les écoles vous reprocheront de ne pas connaître leurs facteurs distinctifs. Aussi superficiel que cela puisse être, vous devrez pouvoir justifier que c’est cette école en particulier qui est seule capable de répondre à vos besoins en termes de parcours professionnels, parce qu’elle possède telle formation, telle particularité…

Dans tous les cas, vous voyez bien qu’il y a du travail à faire.

Pour ma part, j’avais trop négligé ces différents aspects de la préparation. Comme l’indique le titre de cette section, je m’étais clairement reposé sur mes lauriers. J’avais d’excellentes notes en anglais durant l’année (j’étais premier de ma classe tant à l’oral qu’à l’écrit sur l’année, avec presque tout le temps des 18 ou des 19 en colle). J’étais moins bon en espagnol, mais je trouvais que j’avais un bon accent et que je savais improviser. En entretien, j’étais très mauvais en première année, mais j’avais progressé continuellement pour monter à 15 puis 16 à mes deux derniers oraux blancs. J’avais préparé deux trois questions ici et là (qualités/défauts, ce genre de choses), et j’avais une petite idée de mes expériences les plus intéressantes (j’avais organisé le week-end d’intégration presque tout seul, je faisais de la photographie, un peu de guitare, j’avais une chaîne youtube). Vu que je n’étais pas admissible à l’ESCP (à… 0.08 point en dessous de la barre d’admissibilité) ni à HEC, je n’avais pas eu à finir de préparer d’ESH ni de maths, mais il est clair que ma préparation pré-résultats aurait été insuffisante si j’avais eu à passer ces oraux.

Il est clair que cet hybris m’a coûté cher. Mes notes en anglais ont été bien plus basses que mes notes durant l’année : 13 à Grenoble, 10 à Lyon, 8 à l’ESSEC. En espagnol, elles ont été mieux qu’espérées (14,3 à Grenoble par exemple), sans que je ne l’explique vraiment (sûrement que beaucoup avaient dû négliger la LV2 encore plus que moi). En entretien, mes notes étaient plus ou moins catastrophiques : 10 à Grenoble, 5 à Lyon et 8 à l’ESSEC. Seuls les tests psychotechniques de l’ESSEC étaient corrects (12) relativement aux notes en moyenne assez basses. Ah, oui, vous remarquerez aussi une autre de mes erreurs : je n’ai passé que 3 oraux, sous pretexte que “ça passera” pour l’ESSEC ou pour lyon, et que “en vrai, l’EDHEC ne me tente pas plus que ça, et si j’y vais pas je suis en vacances là”. Il est à peu près certain que je n’aurais pas cubé si j’avais eu l’EDHEC, d’autant plus que beaucoup de mes amis ont fini là bas et que j’y aurais sûrement été très heureux, mais il s’agissait là d’une excuse nourrie d’un optimisme démesuré. Peut-être qu’en fin de compte, je pourrai dire que ça aura été le bon choix, en fonction de ce que j’ai cette année. Mais le risque reste clairement énorme, donc ne le faites pas.

Ainsi, d’assez bonnes notes durant année ne sont absolument pas une excuse pour se la couler douce ensuite. Les oraux sont des épreuves assez compétitives, et certains arriveront très préparés, beaucoup plus que vous. Le seul moyen de vous assurer de bonnes notes et d’éviter la déception qui fut la mienne est de vous préparer sérieusement et méthodiquement.

Zoom sur mes erreurs en entretien

C’est sûrement la partie qui vous intéressera le plus et où j’ai le plus à partager. Mais, en même temps, elle reste difficile à exposer car, étant donné que l’on n’a pas réellement de retour du jury, on ne peut que spéculer sur ce qui ne s’est pas bien passé.

  • Soyez “fun”

Je n’irai pas jusqu’à dire que je n’étais pas du tout préparé aux entretiens, même si j’aurais évidemment pu faire beaucoup plus. Mais ce qu’il me manquait ne venait pas tellement de la théorie (ce qu’il faut dire) mais plus de mon attitude en entretien. Nous sommes beaucoup à être quelque peu stressés en entretien, en particulier lorsque l’on s’approche des écoles que l’on désire le plus intégrer. Certes, l’exercice doit revêtir un certain sérieux : ne rentrez pas en checkant le jury et en lui demandant si “ça va la mif ?“. Mais il faut tout de même garder en tête que les jurys passent des dizaines et des dizaines d’entretiens dans la semaine, et qu’ils finissent par s’ennuyer. Pour sortir du lot et leur paraître agréable, il faut donc chercher à se distinguer avec des éléments originaux autres que “j’ai fait mon stage de 3ème à Rothschild“. Si possible, intégrez-en quelques-un dès votre présentation pour ne pas paraître trop conventionnel.le. Plus globalement, il s’agit aussi de paraître détendu, souriant, voire d’instaurer une certaine complicité avec le jury (être capable de rigoler ensemble, par exemple, pour que celui-ci se dise à la fin de la journée : “il était des barres, je l’aimais bien ce p’tit”).

Notez que cela commence dès les choix vestimentaires. A moins que cela ne soit parfaitement cohérent avec votre projet profesionnel et votre personnalité, évitez les tenues trop “sérieuses”. Pour les filles, vous avez le choix d’intégrer quelques couleurs, par exemple en haut, si cela vous va. Pour les hommes, le choix est plus restreint, mais vous pouvez éviter le combo costume noir-cravate bleue ou bordeaux, surtout si vous êtes quelqu’un d’assez créatif (par exemple si vous voulez travailler dans le marketing) : mettez de la couleur, soit par la cravate, soit en choisissant un costume bleu ou gris. Evidemment, cela ne convient pas à tout le monde ; cherchez la cohérence. Ah, et, les gars, apprennez à faire un noeud de cravate, ça prend 20 minutes max de tutos youtubes.

Pour ma part, j’ai toujours eu beaucoup de mal à paraître “fun” en entretien, car je suis souvent écrasé par la pression de l’importance de l’épreuve. Entraînez-vous avec vos amis à paraître sympathique et dynamique, à parler d’une voix assurée et surtout pas monocorde. Ne vous braquez jamais et rentrez plutôt dans le jeu du jury s’il vous pose une question “méchante”. Il ne faut jamais être sur la défensive. Si, malgré tout, vous n’arrivez pas à vous défaire de votre sérieux, n’évitez pas le problème, et essayez d’en parler en jury (par exemple si on vous demande vos défauts) pour montrer en quoi cela n’est pas réellement un problème dans vos expériences, ou en quoi vous le surmontez.

  • Le bon candidat mène le jury où il veut

Comme je l’ai déjà dit, j’avais préparé quelques expériences, que je trouvais d’ailleurs très intéressantes et dont je me pensais qu’elles me permettraient de me distinguer au vu de leur richesse. Mais cela ne sert à rien si le jury ne vous interroge pas dessus. Il est d’une importance capitale de connaître vos messages nécessaires, que vous devrez à chaque fois essayer de caser : “je suis déterminé et je pense que cela m’aidera à atteindre mes objectifs profesionnels”, “j’ai eu telle expérience qui m’a beaucoup appris”, etc. Si vous voyez que le jury ne vous interroge pas dessus, saisissez l’occasion d’une question pour dévier dessus à l’aide d’un “d’ailleurs,” bien placé.

L’erreur que j’ai commise à Lyon était justement de ne pas chercher à rediriger l’entretien. Le jury m’a coupé au bout de 30 secondes de présentation pour très rapidement en venir à mon projet professionnel. Je disais que je voulais travailler dans le secteur des jeux vidéos. Un des membres du jury, qui était un ancien gamer, m’a interrogé sur le secteur pendant environ 15 ou 20 minutes sur les 25 disponibles. Résultat, je n’ai que très peu parlé de moi, de mes qualités et de mes expériences. Avec le recul, le 5 que j’ai obtenu n’est pas une grande surprise : comment voulez-vous que le jury se souvienne de vous et vous donne une bonne note si vous n’avez pas cherché à vous mettre en valeur ? Il ne s’agit pourtant pas là forcément d’un piège tendu par le jury : il pose ses questions à mesure qu’elles lui viennent à l’esprit. Au contraire, il est de votre responsabilité de vous assurer que le jury a toutes les clés en main pour vous évaluer correctement. La dernière minute (“concluez.”) peut servir à mentionner des points que vous n’avez pas eu l’occasion d’aborder et à dire rapidement au jury en quoi elles montraient aussi telle ou telle qualité.

  • Cherchez la profondeur plutôt que la quantité

Qui veut trop embrasser mal étreint, dit le proverbe, et cela est parfaitement vérifié en entretien (guette la rhyme). Vous avez beau avoir une dizaine d’expériences impresionnantes en surface, si elles n’apprennent rien au jury, elles sont inutiles. Par ailleurs, celui-ci voit passer des dizaines de candidats dans la journée, donc n’espérez pas qu’il se souvienne de vos trois stages à Microsoft en 2010, 2013 et 2014, des deux associations dont vous faites partie, des quatre instruments que vous jouez depuis vos 6 ans et des quatre sports que vous pratiquez, ni de vos deux projets profesionnels entre lesquels vous n’arrivez pas à choisir. Voyez lesquelles en disent le plus sur vous, puis cherchez à en tirer le maximum (on veut de la précision). Pour cela, il faut partir de questions simples : qu’est-ce qui, parmi ces expériences ou centres d’intérêt, m’a le plus forgé ? A le plus déterminé ma personnalité, mes goûts, mes compétences, mes qualités ? Qu’est-ce qui m’a amené à choisir tel ou tel projet professionnel ? Ne retenez que les 3 ou 4 expériences ou centres d’intérêt les plus importants, idéalement ceux qui sont les plus récents, et insistez le plus sur ceux-ci.

Pour ma part, j’ai toujours ma chaîne youtube, mais je poste une vidéo dessus tous les 10 mois, et la plupart du temps ce sont de simples vidéos de vacances : elle est clairement à l’abandon. Ce n’était pas l’expérience la plus intéressante dont j’aurais pû parler, d’autant plus que l’étudiant de mon jury de l’ESSEC est allé vérifier, pendant l’entretien, dans quel état elle était : “ouais, vous postez une vidéo dessus tous les 4 mois quoi…” m’a-t-il dit. Bonne première impression, Yann, bravo… De même, je fais de la guitare depuis 8 ans maintenant, mais j’en ai très peu fait durant ces deux ou trois dernières années (et je suppose que vous avez vous aussi dû mettre de côté certaines occupations, que vous ne comptez pas forcément reprendre). Ne parlez que de ce qui a encore une importance aujourd’hui (à travers ce que cela vous a apporté et vous apporte encore), ou en aura à l’avenir. A la limite, si vous comptez vraiment vous y remettre en école (ou commencer autre chose en école), cela peut être intéressant (par exemple, pour justifier que vous voulez intégrer l’asso de musique de l’école). Pour ma part, j’ai clairement dû mettre de côté les jeux vidéos pendant mes années de prépa, mais il est hyper cohérent d’en parler (en mentionnant tout de même ce point), car cela justifie mon projet profesionnel, et parce que je ne les ai pas mis de côté définitivement

Dernier point, si vous avez une passion créative, n’hésitez pas à apporter vos créations (bijoux, photos, dessins, etc.), cela a souvent une vertu “fun” ou “original” qui vous distingue des autres candidats, comme dit plus haut.

Si je suis bon aux oraux de langues, c’est bon, non ?

Bah non. Vous n’avez pas lu ce que j’ai écrit plus haut ? 😡.

Les oraux de langues sont assez exigeants en écoles, et on peut avoir des surprises (regardez la différence entre mes notes à l’année en anglais et mes notes aux vrais oraux). J’avoue que je n’explique pas entièrement mes échecs en anglais (par exemple à Lyon), mais il est clair que les langues doivent encore être travaillées après les écrits. Je n’ai pas eu le problème aux trois écoles que j’ai passées, mais mal connaître un point important de la civilisation peut être très mal perçu par le jury, surtout si c’est un natif. Ils demandent par ailleurs des connaissances très globales au niveau des débats contemporains (à l’ESSEC, le jury m’avait posé des questions sur l’utilité des agriculteurs, ce qui est plutôt un débat économique, et, vous vous rappelez, pas admissible à l’ESCP…). Le fait d’exposer en langue étrangère ne doit pas être une excuse pour réduire la qualité de vos analyses, qui doivent rester précises et s’appuyer sur des exemples clairs (évitez les raisonnements trop philosophiques et privilégiez les exemples concrets, en particulier dans le ou les pays de la langue concernée, ça montre que vous avez travaillé). Pour cela, rien de plus simple que de continuer à suivre l’actualité à travers quelques minutes de radio/podcasts/vidéos tous les jours. Cela maintient également votre niveau de compréhension orale pour bien comprendre ce que dit le jury. Si vous pouvez parler en langue étrangère avec vos camarades pendant la préparation, un peu tous les jours ou toutes les semaines, vous serez le roi ou la reine du monde.

Evitez aussi les expressions clichés (“a burning issue”, “high on the agenda”, “every cloud has a silver lining”, “in a nutshell”), qui sonnent très peu naturelles et que les jurys entendent à longueur de journée… Privilégiez un langage très oral (mais pas famillier), posé et naturel. Pas la peine d’apprendre des listes de vocabulaires orales : on veut juste vous entendre construire des phrases correctes et bien construires, et déployer un raisonnement qui tient la route. Donc pratiquez.

La dernière chose que je peux souligner, c’est que les oraux sont forcément soumis au facteur chance, peut-être encore plus que les écrits. Face à cela, la meilleure chose que vous puissiez faire reste de vous préparer le plus exhaustivement possible, de vous entraîner régulièrement, et de passer beaucoup d’oraux (idéalement entre 4 et 6) pour éviter la catastrophe. Mais de toute façon, vous ne la connaîtrez pas. Je vous souhaite bonne chance pour la suite ! (mais moins qu’à moi, laissez-moi intégrer cette année svp)

Les ressources Major-Prépa pour préparer les oraux