Voici maintenant sept années que nous réalisons notre traditionnelle enquête des frais de scolarité des écoles post-prépa pour leur Programme Grande École (PGE). Un constat perdure : la tendance haussière caractérise la quasi-totalité des écoles. Elle atteint 4% en 2022, un rythme désormais habituel pour les écoles post-prépa… le tout dans un contexte d’inflation qui – fait peu commun – a poussé HEC Paris à augmenter les frais de scolarité des étudiants qui avaient intégré l’école l’an passé.

La raison de ces hausses effrénées tient en plusieurs facteurs que nous répétons inlassablement depuis quelques années déjà : baisse voire fin des subventions des CCI et concurrence internationale et nationale accrue qui entraîne de lourds investissements pour ces établissements.

Cette année, afin de compléter l’étude traditionnelle, nous proposons également de nous mettre un instant à la place de ces écoles et d’analyser leurs recettes inhérentes aux frais de scolarité, mais aussi les limites d’un tel modèle.

L’évolution des frais de scolarité des écoles de commerce depuis 2009 (pondérés puis non pondérés)

Moyenne pondérée
Moyenne non pondérée

Frais de scolarité 2022 des écoles de management post-prépa (en euros)

wdt_ID École 2022 2021 2020 2019 2018 2017 2016 2015
1 HEC Paris 57.750 54.450 53.920 49.950 46.050 45.150 42.450 41.250
2 ESSEC BS 58.440 52.985 51.100 47.400 45.000 43.500 41.700 40.500
3 ESCP BS 56.630 52.730 51.450 49.150 47.400 43.200 41.400 39.000
4 EDHEC BS 51.405 50.880 49.200 47.300 46.800 45.000 45.000 45.000
5 emlyon bs 51.200 48.200 48.200 44.500 44.500 44.000 44.000 37.500
6 SKEMA BS 46.000 46.000 43.000 42.500 42.500 36.500 33.500 31.690
7 Audencia BS 46.200 46.200 45.850 45.100 41.450 41.350 36.000 34.000
8 NEOMA BS 46.000 44.250 40.500 37.600 35.500 34.380 32.640 32.640
9 Grenoble EM 46.505 44.360 43.470 41.400 37.528 37.528 34.118 33.573
10 KEDGE BS 40.400 40.100 39.200 38.850 36.000 35.640 34.950 34.200
11 TBS 40.450 39.750 39.700 36.700 35.700 32.150 30.800 30.700
12 Rennes SB 41.550 39.800 37.200 35.500 33.600 32.400 31.200 28.800
13 Montpellier BS 39.800 38.500 36.900 36.000 32.700 32.700 31.500 31.125
14 BSB 38.200 35.200 34.500 33.700 31.500 27.600 27.600 25.500
15 ICN BS 37.100 35.650 32.700 32.200 31.600 30.700 28.700 27.800
16 IMT-BS 23.550 24.350 24.350 22.250 22.250 19.650 18.750 16.950
17 Excelia BS 39.700 35.690 33.250 33.200 31.100 29.700 28.350 28.350
18 EM Strasbourg 26.300 26.300 26.700 26.700 26.928 26.928 26.828 22.500
19 EM Normandie 37.000 34.575 34.575 32.325 30.400 29.100 27.370 26.770
20 ISC Paris 36.850 37.150 36.300 37.300 34.300 34.300 32.850 32.340
21 INSEEC GE 36.000 34.350 34.400 34.400 32.850 32.850 31.850 31.850
22 ESC Clermont 30.650 28.550 28.850 28.550 28.550 24.750 24.750 24.750
23 SCBS 27.745 26.400 27.150 26.850 25.500 25.000 25.200 24.500
24 Brest BS 33.500 32.300 30.500 29.000 27.500 27.500 25.500 25.500
25 Moyenne 41.205 39.530 38.457 37.018 35.300 33.816 32.375 31.116
École 2022 2021 2020 2019 2018 2017 2016 2015

Pour estimer ces frais totaux, nous avons sommé les frais de scolarité facturés pour la L3 (année de pré-master), la M1, la M2 et enfin l’année de césure. Évidemment, d’autres frais annexes à la charge des étudiants peuvent s’ajouter au cours de la scolarité (cotisations associatives, rattrapages, programmes spécifiques, etc.)

Depuis 2015, la progression moyenne des frais est de 33%. Cette hausse est concentrée sur les écoles du haut du classement. Les frais de scolarité du top 3 SIGEM ont crû de 43% sur la même période, soit 11 points de plus que la moyenne. Pour autant, le reste du top 15 n’est pas en reste. On peut ainsi relever d’autres évolutions assez importantes comme, entre autres, 45% de hausse pour SKEMA BS, 44% pour TBS et 50% pour BSB.

Si le chiffre avancé, 41 205€, correspond à la moyenne arithmétique des 24 écoles de management post-prépa, l’analyse s’avère plus fine si l’on met en rapport les frais de scolarité de chaque école avec le nombre d’étudiants post-prépa qu’elle accueille. Dans ce cas-ci, la moyenne pondérée s’élève à 45 786€ : l’écart de plus de 4000€ s’explique par le fait que les écoles du top 11, dont les frais de scolarité moyens sont nettement plus élevés que ses 13 poursuivantes, se partagent à elles seules plus de 70% des effectifs totaux des intégrés.

Il est également intéressant de constater que la hausse moyenne des frais de scolarité est un peu plus élevée en 2022 que l’année passé. On peut y voir notamment un effet de rattrapage, après une année 2020-2021 marquée par la pandémie où la gronde des étudiants vis-à-vis des frais pratiqués par les écoles, qui avaient dû très rapidement basculé leurs cours en distanciel, s’était faite sentir.

évolution des frais de scolarité entre 2022 et…
évolution des frais de scolarité d’une année à l’autre

Le top 3 SIGEM s’élève au-dessus de la mêlée

HEC Paris, l’école la plus chère de l’année 2021, perd son titre en 2022. Elle augmente ses frais de scolarité de “seulement” 6%, soit le taux de croissance le plus bas du top 3 SIGEM. C’est l’ESSEC BS qui s’arroge la palme d’école post-prépa la plus chère, avec un total de 58 440€ à débourser sur la scolarité.

Bien que l’emlyon et l’EDHEC ait franchi la barre symbolique des 50 000€ (cf point suivant), les Parisiennes restent nettement plus chères que les autres écoles du top 5. Amorcé en 2017, l’écart tarifaire entre les Parisiennes et les deux “grandes provinciales” se creuse inexorablement, et 2022 est à ce titre une année particulièrement marquante.

Un top 5 SIGEM désormais à plus de 50 000 €

L’emlyon bs suit l’exemple du top 3 SIGEM avec une hausse de 37% depuis 2015. En 2022, les droits de scolarité de l’école lyonnaise augmentent de 6%. Désormais, l’ensemble du top 5 SIGEM se trouve au-dessus des 50k.

À l’inverse, pour l’EDHEC BS, on constate une croissance très faible de ses frais, à hauteur de 1% depuis 2021 et au total 14% depuis 2015. Il faut néanmoins se souvenir qu’en 2015, l’EDHEC était (de loin !) l’école de commerce post-prépa la plus chère de France, avec des frais à 45 000€, contre 40 500€ pour l’ESSEC et HEC. C’est ainsi que l’EDHEC reste encore aujourd’hui légèrement plus onéreuse que sa consœur lyonnaise.

Les écoles du top 10 SIGEM tiennent la cadence

SKEMA BS, Audencia BS, GEM et NEOMA BS sont au coude à coude avec des frais allant de 46 000 € à 46 500 €. On distingue ici plusieurs cas de figure : d’abord Audencia BS et SKEMA BS, pour qui l’augmentation des frais de scolarité est nulle cette année, après des hausses conséquentes sur les quatre dernières années.

GEM et NEOMA BS font elles grimper leurs frais respectivement à hauteur de 5% et 4%. Les fees de NEOMA BS étaient en constante augmentation lors des trois dernières années, et c’est donc un ralentissement de cette hausse qui permet à l’école de rester sous la barre des 46k€.

Enfin, du côté de KEDGE BS, la hausse est plus modérée. L’école bordo-marseillaise se maintient légèrement au-dessus des 40 000€.

Des situations plus diverses à partir du 11e rang SIGEM

TBS et Rennes SB rejoignent le clan des écoles à 40 000€ de frais de scolarité. Le top 12 constituent de fait un groupe d’écoles à part, qui se détachent aussi bien au SIGEM qu’au niveau des tarifs pratiqués.

À lire : TBS module ses frais de scolarité en fonction des ressources des familles des étudiants

En bas du classement SIGEM, on remarque une baisse inédite pour l’ISC Paris BS, qui avait connu l’an passé une année compliquée en termes de remplissage. Il est en effet rarissime de voir une école diminuer ses frais de scolarité d’une année à l’autre.

À lire aussi : Une école place ses frais de scolarité à 2500€ en 1A pour les boursiers !

Cette hausse globale limitée des frais de scolarité est donc partie pour durer ?

On peut le craindre en effet : les besoins financiers des écoles ne vont cesser de croître. Bien que les écoles de management post-prépa soient à but non-lucratif pour l’immense majorité d’entre elles, la pression concurrentielle inédite à laquelle elles font face les poussent à investir toujours plus dans l’immobilier, la pédagogie, le corps professoral et la recherche, etc.

La question qui se pose est donc celle de l’acceptabilité de ces hausses par les étudiants. Force est de constater que pour le moment, la corrélation (positive !) entre le prix d’une école et son attractivité est quasi parfaite. Il s’agit, au même titre que la barre d’admissibilité, d’un signal d’excellence pour les étudiants. Indéniablement, le prix élevé d’une école n’est un élément dissuasive que pour une poignée d’étudiants : personne ou presque ne se détournent des écoles parisiennes malgré les tarifs qu’elles pratiquent et, par ailleurs, deux écoles qui ont connu une année délicate au SIGEM, l’EM Strasbourg BS et IMT-BS, sont nettement moins chères que les autres écoles de leur groupe concurrentiel.

Néanmoins, à l’heure où les écoles de commerce (et plus généralement les Grandes Écoles françaises) sont exhortées à s’ouvrir davantage socialement, la discrimination tarifaire massive selon les revenus des familles pourrait devenir (devient ?) une norme dans nombre d’écoles. Une manière de concilier justice sociale et réalité économique, sans doute. Nous y revenons en fin d’article.

Quelles recettes pour les écoles grâce aux frais de scolarité des post-prépa?

Cette année, on compte au total 7 425 élèves qui ont intégré ces prestigieuses écoles de commerce après une classe préparatoire. Ces frais de scolarité permettent aux Grandes Écoles de percevoir d’importantes recettes nécessaires pour couvrir leurs besoins croissants.

La méthodologie adoptée est simple. Pour estimer les recettes perçues théoriquement grâce aux étudiants post-prépa, nous avons multiplié les frais de scolarité sur l’ensemble du cursus avec le nombre d’étudiants venant de prépa.

Comme l’an passé, NEOMA BS se détache très nettement de ses concurrentes : elle est la première école à passer la barre des 35 000 000 € de revenus générés par une promotion d’étudiants de prépa. Avec ses deux campus équivalents en termes de taille que sont Reims et Rouen, l’école accueillera 775 étudiants venus de prépa à la rentrée prochaine. Derrière, la plupart des écoles du top 10 intègrent des cohortes de 550 étudiants environ ; c’est un peu moins pour les Parisiennes, qui compensent par des frais désormais significativement plus élevés.

Au-delà du top 10, deux groupes se distinguent nettement : TBS, Rennes SB, Montpellier, BSB et ICN, qui empocheront entre 10 et 15 millions d’euros sur 3 ans, puis leurs poursuivantes dont les frais de sco leur assureront une manne financière de 5 millions au maximum ; c’est même beaucoup moins pour SCBS et Brest BS.

Une inflation décorrélée de la hausse des frais de scolarité

Au cœur de l’été, un simple mail envoyé le 18 juillet par l’administration de HEC a provoqué un véritable tollé parmi les étudiants de l’école qui passent en deuxième année : ce dernier leur stipulait que, conformément au contrat qu’il avait signé et en raison de l’inflation galopante, leurs frais de scolarité seraient revus de 2,6% à la hausse. Cela correspond à 451€ par étudiant non-boursiers : l’école précise en effet que cette hausse sera prise en compte pour les sommes accordées aux boursiers par la fondation.

Si l’inflation impacte nécessairement HEC comme toutes les autres écoles, la décorrélation totale entre ces deux facteurs depuis qu’HEC (et toutes ses poursuivantes) a initié une politique d’augmentation massive des frais rend l’argument quelque peu caduque. Pour autant, aucun étudiant n’a à notre connaissance engagé une action contre l’école, et juridiquement cette dernière semble bel et bien dans son bon droit : le contrat financier de l’école jovacienne prévoit qu’une augmentation annuelle des frais de scolarité est possible pendant le cursus de l’étudiant dans la limite de 5%.

Si les raisons avancées par l’école jovacienne pour augmenter ses frais de scolarités semblent donc quelque peu douteuses, il faut aussi rappeler que comme toutes ses consœurs, les subventions accordées par sa CCI de tutelle (Paris) ont drastiquement baissé ces dernières années. L’augmentation des frais de scolarité est donc une nécessité pour l’équilibre financier de l’école, et cette augmentation inédite “en cours de jeu” démontre simplement la volonté de l’école d’aller vite en ce sens.

Menaces et limites d’un modèle financier basé sur les frais de scolarité

Nous le disions plus haut dans cet article, le business model des écoles repose aujourd’hui essentiellement sur la collecte des frais de scolarité ; c’est dans cette optique que ces dernières ont augmenté la taille de leurs promotions ainsi que les coûts annuels par étudiant.

Au-delà de l’hypothétique “ras-le-bol” des étudiants qui pourraient finir par se détourner de ces écoles si les frais venaient encore à augmenter, il existe des risques ou des limites beaucoup plus concrets et immédiats inhérents à ce modèle pour les écoles. Voici les principales.

La baisse des effectifs de prépa, le risque majeur

La désaffection des étudiants pour la classe prépa tient en une multitude de facteurs, que nous avons maintes fois évoqués dans d’autres articles. Nul doute en tout cas que le passage de la prépa ECS et ECE à ECG, consécutif à la réforme du lycée initié par Monsieur Blanquer, n’a certainement pas arrangé les choses. En 2023, le nombre de candidats aux concours BCE et Ecricome sera environ 10% moins élevé que cette année. Sans que l’on ait encore les chiffres définitifs, les effectifs de bizuths ne devraient pas rebondir cette année.

Très prosaïquement, cette baisse représentera un manque à gagner d’environ 34 millions d’euros sur trois ans pour l’ensemble des écoles de management. Certaines d’entre elles devraient ainsi connaître de grosses difficultés de recrutement en post-prépa. Reste à savoir si ces dernières seront capables de compenser cette perte en attirant davantage d’étudiants sur leurs autres programmes, ou bien en AST pour ce qui est du PGE.

L’alternance, une rentabilité en question pour les écoles

Si l’alternance était autrefois l’apanage des formations pratiques et courtes comme le CAP, elle est aujourd’hui entrée pleinement dans les cursus des Grandes Écoles de management (à l’exception de HEC Paris). Plébiscitée par les étudiants, l’alternance permet aux apprenants de se confronter au monde de l’entreprise, de percevoir un salaire peu ou prou équivalent à celui du SMIC et, surtout, de se voir exonérer de frais de scolarité pendant toute la durée du contrat de travail qui les lie à l’entreprise.

Si l’intérêt de l’alternance pour les étudiants ne souffre d’aucune contestation, qu’en est-il des écoles de management ? S’y retrouvent-elles financièrement ? Hélas pour elles, pas vraiment.

Le règlement de la formation de l’étudiant en alternance se fait via le versement de la taxe d’apprentissage. Celle-ci est collectée chaque année auprès des entreprises puis redistribuée aux organismes de formation. En clair, pour pallier le non paiement des frais de scolarité par l’alternant, l’Etat reverse une prise en charge à l’école. De plus, une partie de la taxe est versée librement par les entreprises à l’école de leur choix.

À partir des données sur l’alternance mis en ligne par le Ministère, on peut comparer le niveau de prise en charge de l’État pour chaque étudiant en alternance avec les frais de scolarité pratiqués pour l’année de master, puisque sauf exceptions l’alternance se fait sur le M1 et/ou le M2.

On constate ainsi que pour l’immense majorité des écoles, le niveau de prise en charge est loin de couvrir les frais normalement engrangés grâce aux droits de scolarité.

Il est assez difficile d’estimer le manque à gagner total pour les écoles, car le nombre et la proportion d’alternants varient grandement d’une école à l’autre, et par ailleurs il y a davantage d’étudiants qui sont alternants en M2 qu’en M1.

Grossièrement, on peut considérer qu’environ 20% des étudiants en Master Grande École sont alternants. Pour les seuls étudiants de prépa (les AST étant bien sûr concernés aussi), le manque à gagner s’élève donc pour les écoles du top 10 entre un et deux millions d’euros par promotion, à mettre en comparaison avec les chiffres des recettes totales (cf premier tableau de l’enquête).

À noter enfin que l’EM Strasbourg et IMT-BS, dont les frais de scolarité sont limités en raison de leur statut particulier (la première est rattachée à l’université de Strasbourg, la seconde est publique) sont les deux seules écoles qui perçoivent plus d’argent grâce à leurs alternants que par le biais des frais de scolarité.

Les frais de scolarité réduits pour les boursiers, un manque à gagner limité

Bien sûr, les frais de scolarité ont de longues dates été modulés par les écoles en fonction de l’origine sociale des étudiants, par l’intermédiaire des bourses ou encore des fondations des écoles. Depuis quelques années néanmoins, on voit émerger sporadiquement des mesures beaucoup plus lisibles et systématiques : en 2021, l’ESCP et TBS ont annoncé des réductions conséquentes pour les étudiants en fonction de leur échelon de bourse ; pour l’école parisienne, cela peut aller jusqu’à la gratuité totale à partir de l’échelon 4.

Il faut cependant largement nuancer l’impact financier de ces initiatives pour ces écoles. D’abord et surtout parce que ce sont principalement les écoles les plus attractives qui mettent en place ces discriminations tarifaires, or leur taux de boursiers est famélique.

Par ailleurs, les mesures sont particulièrement ciblées sur les boursiers des échelons les plus élevés, qui ne sont eux-mêmes qu’une minorité des boursiers présents en école.

Là aussi, sans se risquer à une estimation du manque à gagner par école, on peut considérer que ce facteur est pour le moment quasi négligeable ; reste à savoir  si cela évoluera dans les prochaines années.