Il s’agit d’un secret de polichinelle qui courait depuis de nombreux mois. En décembre 2017, le président de la CCI d’Ile-de-France, Didier Kling n’hésitait pas à affirmer dans les colonnes du journal Le Monde : « Le Qatar a déjà acheté le PSG et là comme en Chine nous rencontrons des entreprises qui se disent intéressées par le rachat de nos écoles, d’HEC, de l’Essec, de l’ESCP Europe… »

C’est désormais chose faite ! Le fonds souverain QIA (Qatar Investment Authority) a annoncé le rachat de l’école jovacienne à la CCI Ile-de-France. Disposant d’un encours de plus de 100 milliards de dollars, ce rachat constitue “une étape majeure dans le développement de nos activités vers le monde de l’éducation” affirme son président Ahmad al-Sayed.

Si le montant de la transaction demeure secret, il semblerait d’après nos informations que l’école a été vendue pour près de 500 millions d’euros, en forte hausse par rapport à la dernière valorisation de 250 millions d’euros. En supplément, l’actionnaire majoritaire promet d’investir plus de 200 millions d’euros dans le développement de l’école “afin de la hisser au niveau du top 5 mondial” ainsi qu’une enveloppe additionnelle de 100 millions d’euros pour investir dans les entreprises créées par les diplômés. Les pouvoirs qataris ont également obtenu de la part de l’école française l’admission automatique de leurs étudiants à HEC Paris ainsi qu’un bonus de 20 points sur 600 au concours BCE en faveur des candidats ayant pris l’arabe au concours.

Un investissement fort logique en France

Cet investissement marque une stratégie de très forte diversification des avoirs qataris en France. D’ores et déjà présent de manière minoritaire au capital d’Airbus, de Vinci, de Veolia, de Total, d’AccorHotels ou encore du Groupe Lagardère, le Qatar contrôle totalement certaines entreprises de taille plus modeste, à l’image du Paris Saint-Germain, de BeIN Media ou encore du Lido.

Le choix d’HEC Paris a été évident pour Ahmad al-Sayed dans la mesure où l’école dispose déjà d’un campus à Doha. C’est dans un des salons de ce campus que l’un des amis d’Ahmad al-Sayed, préparant en executive MBA, lui a présenté l’opportunité d’investissement. Ce proche du pouvoir nous l’affirme sans vergogne : “Pour nous, ces centaines de millions, c’est une petite broutille, cela ne figure à peine dans nos comptes. Regardez donc dans le football ! En rachetant Neymar, au prix d’une startup qui fait des cartes, tout le monde nous tombe dessus. L’éducation est un monde un peu plus discret.”

L’excellence, marque de fabrique des investissements qataris

Le Qatar s’attèle à racheter des fleurons étrangers afin de rayonner malgré sa taille microscopique. Si la rentabilité est un critère important, le rachat d’une entreprise est surtout un moyen d’exister au sein du concert des nations.

Ahmad al-Sayed réalise un parallèle osé avec le football : “Regardez le PSG. Il gagne tous les trophées français mais éprouve de nombreuses difficultés à exister sur la scène européenne. Avec HEC, c’est différent. Même si l’école écrase ses concurrentes au niveau national, avec ses 8 PDG dans les entreprises du CAC40 contre un seul pour l’ESSEC et aucun par ailleurs, elle brille également au niveau européen. Elle est chaque année finaliste européen [NDLR : HEC est deuxième au classement FT des écoles de commerce européennes]. Il faut que cela inspire le PSG ! […] Nous ne sommes pas chinois, racheter Auxerre ou Sochaux ne nous intéresse pas.”

Une fronde estudiantine… pour le moment contenue

Les étudiants Hémisphère Extrême-Droite lancent la fronde contre ce rachat. Pour Charles-Henri de Montpassoire : “Il s’agit d’une attaque mahométane contre l’ensemble de nos fleurons français. Regardez, cela crève les yeux, le Gala a eu lieu en 2017 au Lido, propriété qatarie. En juillet, après les oraux, le campus est envahi par la PSG Academy, propriété qatarie. Et maintenant, les qataris rachètent l’école ? C’est purement scandaleux ! Jeanne, au-secours !”

Autre objet de cette fronde : la hausse prévue des frais de scolarité. Pieter Bodd, directeur général de l’école, tient à calmer les étudiants : “Si les frais de scolarité augmenteront de 10% chaque année, n’oublions pas que la qualité se paye. Nous ouvrirons des échanges avec nos campus qataris et les étudiants bénéficieront d’opportunités de placement uniques. On peut imaginer que les étudiants du Club Foot pourraient plonger en immersion au PSG tandis que les pom-pom girls pourraient se produire au Lido. Cela n’a pas de prix, c’est une expérience unique !”

Certains étudiants semblent cependant s’accommoder de la situation. L’un d’eux nous confirme “Whaaa c’est roumar ! On sera plus bodes que bodes… Genre roubodezer !” Interrogé sur la nouvelle donne concurrentielle face aux autres écoles parisiennes, il répond : “C’est quoi l’ESSEC ? De toute façon, ton salaire c’est mon loyer.”

Pour la CCI, un désengagement salvateur

A la CCI Paris Ile-de-France, on se frotte les mains. La forte diminution des dotations de l’État avait obligé les salariés à se serrer la ceinture.

Sous couvert d’anonymat, un des collaborateurs se confie : “Mettez-vous à notre place ! Nous étions habitués à travailler deux ou trois heures par jour. Désormais, il arrivait en période de rush que je travaille sept heures et demie dans la même journée ! Le midi, nous étions habitués à manger dans des restaurants étoilés au Michelin, alors qu’aujourd’hui, on se serre la ceinture. Il nous est même arrivé de déjeuner une fois au bistrot ! La situation devenait intenable et j’espère que ces centaines de millions d’euros nous permettront de retrouver un peu de sérénité dsns nos conditions de travail suite à la pression insupportable subie ces dernières années. Nous sommes des hommes, pas des robots.”

Bien évidemment, il s’agit d’un poisson d’avril ! La caricature grossière de l’ensemble des acteurs mis en avant dans cet article n’avait qu’une fin humoristique. HEC reste un fleuron français, fort heureusement ! 🙂