Claudia Goldin

Nous te proposons d’en apprendre davantage sur le prix Nobel d’économie 2023 : Claudia Goldin. Il s’agit d’une référence d’actualité très intéressante à valoriser dans tes copies d’ESH.

 

Contexte de réception du prix : un peu de culture

En 1896, l’inventeur de la dynamite et chimiste suédois Alfred Nobel, souffrant de son image de « marchand de la mort » décide, à travers son testament, de reverser son argent pour valoriser « ceux qui, au cours de l’année écoulée, auront rendu les plus grands services à l’humanité ».

Il institue alors cinq catégories de prix : la physique, la médecine, la chimie, la littérature ainsi que la paix. Dans le contexte de la célébration des 300 ans de la Banque de Suède, la catégorie « économie » est rajoutée en 1968. C’est donc la Banque centrale de Suède qui la finance. Le prix Nobel est toujours aujourd’hui une récompense à rayonnement international.

Succédant à Ben Bernanke, Douglas Diamond et Philip H. Dybvig, prix Nobel d’économie en 2022, Claudia Goldin a reçu le 9 octobre 2023 le prestigieux prix de la Banque de Suède en sciences économiques. Elle est la troisième femme à en être récompensée. Esther Duflo, économiste s’intéressant à la microéconomie des pays en développement, avait déjà reçu le prix en 2019. Dix ans plus tôt, Elinor Ostrom, principalement connue pour sa théorie de l’action collective et ses travaux sur la gestion des biens communs, était la première femme à le recevoir.

Par ailleurs, il est intéressant de remarquer que Claudia Goldin est la seule à s’être fait décerner le prix cette année. Cela n’était pas arrivé depuis 2017, au moment de la désignation de Richard Thaler. En général, ce sont plutôt deux à trois économistes qui sont récompensés en même temps.

 

Biographie succincte de Claudia Goldin

Née en 1946 à New York, Claudia Goldin est d’abord fascinée par l’archéologie. Ayant ensuite l’intention de devenir biologiste, elle se réoriente vers des études d’économie. Elle est passionnée par le cours du spécialiste de la dérégulation A. Kahn, portant sur l’organisation industrielle. Elle obtient ensuite son doctorat en économie sous la direction de Robert Fogel à l’université de Chicago. Enseignant entre autres à Princeton, elle devient la première femme titulaire au département d’économie de l’université Harvard en 1990.

De manière générale, elle s’intéresse à l’histoire économique, à l’économie du travail, de la famille et de l’éducation. Elle s’appuie particulièrement sur les facteurs majeurs d’inégalité que sont le genre ou les origines ethniques. Sa thèse de doctorat portait sur le rôle de l’esclavage dans le développement urbain et industriel du sud des États-Unis.

 

Son approche de recherches

Les recherches de Claudia Goldin se caractérisent par leur minutie et par la quantité faramineuse de données comparées pour aboutir aux résultats. Claudia Goldin affirme s’inspirer de la démarche de Sherlock Holmes.

Au sujet de la rédaction de son ouvrage La Course entre l’éducation et la technologie, publié en 2008, elle affirme : « J’ai abordé cette question comme un détective. Je ne savais pas ce que j’allais trouver. Mais j’ai pensé à Sherlock Holmes, qui aurait dit qu’il ne sert à rien de théoriser tant qu’on n’a pas quelques faits. »

 

Ses principaux travaux

Analyse et modélisation du lien entre travail des femmes et croissance économique

Claudia Goldin a été particulièrement inspirée puisqu’elle a écrit neuf ouvrages au cours de sa carrière. Elle devient notamment connue grâce à son ouvrage Comprendre l’écart entre les sexes : une histoire économique des femmes américaines en 1990. Au sein de cet ouvrage, elle nie la corrélation entre croissance économique et travail des femmes.

Elle montre au contraire qu’avant le XIXe siècle et la révolution industrielle, les femmes travaillaient beaucoup. Notamment dans le secteur agricole et les entreprises familiales. Selon elle, les femmes participaient nettement davantage à l’économie que ce qui est suggéré. La révolution industrielle aurait en effet limité les opportunités de travail à domicile qui permettaient aux femmes mariées de s’impliquer.

Elle utilise donc une courbe en U pour représenter l’évolution du travail des femmes de la fin du XVIIIe à la fin du XXe siècle. Elle choisit l’avant-Première Guerre mondiale comme point le plus bas de la courbe, avec une remontée progressive à partir de cette période.

 

L’importance des attentes dans le choix de carrière

Claudia Goldin montre l’importance des attentes sociétales dans le choix des études. Choix qui impacte significativement la carrière des femmes. Elle explique notamment que ces attentes reposent généralement sur l’expérience des générations précédentes, qui ont rarement fait des études. Cela renforce ainsi la situation d’inertie.

Au début du XXe siècle, la plupart des femmes arrête de travailler une fois mariées pour se dédier à leur vie familiale. Cependant, après la Seconde Guerre mondiale, les attentes commencent à évoluer puisque les femmes s’avèrent prêtes à recommencer à travailler une fois leurs enfants élevés.

Selon elle, la pilule contraceptive, commercialisée depuis 1960 aux États-Unis, va constituer un réel point de bascule sur le travail des femmes. En effet, elle met en évidence le lien entre liberté de choix de carrière et retardement des naissances comme des mariages. Elle considère, par exemple, la fin des années 1960 comme une période à partir de laquelle une proportion croissante de femmes décide de se lancer dans l’étude du droit, de l’économie ou encore de la médecine.

 

L’explication des écarts d’opportunités et de rémunération

Par ailleurs, Claudia Goldin est à l’origine d’une théorie de discrimination à l’embauche des femmes. Selon cette dernière, la volonté des hommes de préserver leur prestige et leur emploi, au sein des secteurs économiques largement masculins, réduit les chances des femmes d’être sélectionnées.

Concernant les inégalités salariales entre hommes et femmes, Claudia Goldin met en évidence un lien entre hausse des différences de rémunération et tertiarisation de l’économie. En effet, dans le secteur industriel, les ouvriers sont souvent rémunérés à la pièce. C’est-à-dire en fonction de la productivité, ce qui rend plus difficile de créer des écarts injustifiés.

 

Les raisons de sa nomination

Selon le comité du prix Nobel, c’est grâce à ses travaux qui « ont fait progresser notre compréhension de la situation des femmes sur le marché du travail » que Claudia Goldin a été distinguée. Il semble qu’elle ait déjà plusieurs fois été mentionnée parmi les potentiels candidats à la récompense ces dernières années.

Ce qui la distingue, selon le comité, c’est l’ampleur historique de ses travaux. En effet, s’appuyant sur de nombreuses archives, elle aurait rassemblé plus de 200 ans de données sur les États-Unis. Le jury souligne que son travail a permis de « montrer comment et pourquoi les différences de revenu et de taux d’emploi entre hommes et femmes ont évolué au fil du temps ».

 

Conclusion

Après plusieurs années en tant que « favorite » pour la réception du prix Nobel, Claudia Goldin l’a finalement reçu en 2023. Récompensée pour son analyse approfondie des inégalités au travail, allant souvent à contre-courant des idées communément véhiculées, elle a su remettre en question la corrélation parfois présentée comme évidente entre croissance économique et travail des femmes.

Réagissant à son prix Nobel, elle affirme : « C’est un prix très important, pas seulement pour moi, mais pour beaucoup de personnes qui travaillent sur ce thème et qui essayent de comprendre pourquoi il reste de grandes inégalités. »

 

N’hésite pas à lire également nos articles sur les prix Nobel des années précédentes (ici pour 2022, et 2021 en cliquant ici). Ces économistes ont été désignés parmi beaucoup pour l’ampleur, l’influence et la pertinence de leur travail. Ce sont donc des mines d’or à utiliser dans les copies.