Cet été, impossible de passer à côté des incendies en Amazonie : la plus grande forêt du monde, le « poumon vert » de la planète, était en train (et continue) de brûler. Évidemment, les autres pays, à commencer par les Occidentaux, se sont dits révoltés par cette catastrophe qui détruit l’un des principaux puits de carbone de la planète tout en rejetant de grandes quantités de CO2 dans l’atmosphère. Au nom de leur conscience écologique et pour lutter contre le réchauffement climatique qui les affecte, les pays du G7 ont proposé une aide financière au Brésil pour lutter contre les incendies. Mais le président brésilien a refusé cette aide et a affirmé que son pays était capable de gérer la crise seul.

Incendies en Amazonie (www.20minutes.fr)

Problématique

Cet exemple montre la complexité de la problématique de l’aide internationale, et plus généralement des interventions sur un sol étranger. D’un côté, il paraît légitime de venir en aide à un pays et à sa population lorsqu’ils sont menacés. Pourtant, l’aide constitue aussi une atteinte à la souveraineté nationale, voire à l’intégrité d’un pays.

Les interventions étrangères peuvent prendre des formes très différentes. Elles peuvent provenir des États, mais aussi des ONG. Elles peuvent être financières, logistiques, politiques ou militaires. Elles sont aussi plus ou moins assumées par leurs auteurs qui parfois les nient. Les interventions étrangères peuvent être validées et soutenues par le pays concerné, par des organisations internationales comme l’ONU, ou parfois seulement par une partie de la population locale.  Enfin, leur durée est très variable : certaines durent quelques semaines tandis que d’autres s’étalent sur une décennie. Le spectre des interventions internationales est donc très large et va d’un envoi de fournitures scolaires au déploiement de troupes pour plusieurs années.

Il s’agit alors de se demander selon quels principes les États fondent leur politique d’intervention à l’étranger.

Plan

I – Les interventions étrangères fournissent une aide nécessaire

Les acteurs étrangers disposent de ressources (humaines, matérielles, financières) utiles, voire nécessaires à un pays en difficulté. Avec l’essor des médias et des NTIC, l’opinion publique est rapidement informée des crises étrangères et pousse les États à agir pour aider le pays en difficulté.

Les ONG luttent contre la pauvreté, le manque d’infrastructures et d’éducation et viennent en aide lors de catastrophes naturelles (sécheresse, séismes, ouragans…). Des conseillers techniques ou militaires sont parfois envoyés pour superviser des projets étrangers. Les interventions militaires visent à maintenir ou restaurer la sécurité, comme l’intervention française au Mali. Il peut s’agir de préserver un système politique menacé par des rebelles ou des terroristes ou à l’inverse de soutenir des groupes dissidents pour mettre fin à un régime violent. De manière plus pacifique, les Casques bleus de l’ONU s’interposent pour éviter les affrontements, comme au Sahara occidental (MINURSO).

Ainsi, les interventions étrangères répondent à des situations critiques dans lesquelles les personnes sont menacées ou privées de leurs droits.

II – Une atteinte à la souveraineté nationale et création d’une dépendance

Les interventions internationales ont souvent des effets collatéraux plus ou moins anticipés qui remettent en cause leur pertinence. La colonisation (qui a été présentée comme un service rendu aux colonies) a désorganisé l’économie locale et a imposé des modèles sociaux et politiques en rupture avec les coutumes des colonisés. Certains auteurs, comme Douglass North, considèrent d’ailleurs que c’est notamment parce que les normes instaurées par les colonisateurs ne correspondent pas aux schémas traditionnels que l’Afrique est sous-développée.

Les aides alimentaires peuvent concurrencer les producteurs locaux et modifier les habitudes alimentaires en rendant les habitants dépendants de denrées qu’ils ne peuvent pas produire eux-mêmes.

Les prêts chinois pour construire des infrastructures en Afrique peuvent enfermer les pays dans une spirale d’endettement. De plus, les projets chinois font appel à des entreprises elles aussi chinoises, ce qui freine l’émergence de firmes locales.

Certaines ONG environnementales ont financé des milices violentes pour protéger des parcs nationaux africains. L’objectif de défense de l’environnement va ici à l’encontre de la liberté des habitants d’exploiter les ressources de leur territoire (c’est le même problème que pour l’Amazonie).

Le plan Colombie de lutte contre la drogue a consisté à déverser des pesticides par avion sur les plantations. Cette méthode a ruiné des agriculteurs qui dépendaient de la culture de la cocaïne et n’a pas été efficace pour combattre le trafic de drogue à long terme.

III – Le choix d’intervenir ou non tient avant tout aux intérêts des acteurs

Ainsi, dans la plupart des situations, il existe des arguments pour et contre une intervention. Cette ambivalence permet aux pays de baser leur choix sur leurs propres intérêts et de le présenter ensuite comme étant le meilleur pour le pays concerné. Ce calcul rationnel explique les incohérences dans les positions tenues officiellement par les pays.

Pendant la guerre froide, les États-Unis ont par exemple installé au pouvoir des dictateurs comme Pinochet pour préserver leur influence en Amérique latine. Ces interventions, souvent menées secrètement par la CIA, montrent que les États-Unis ont bien agi d’abord dans leur intérêt et non selon une idéologie de promotion de la démocratie libérale.

Lors de l’intervention dans l’est de l’Ukraine, deux visions se sont affrontées. Les Occidentaux ont considéré qu’elle était une atteinte à l’intégrité du pays alors que pour la Russie, il s’agissait de défendre la liberté d’autodétermination de citoyens qui voulaient être Russes, mais qui en étaient empêchés par leur gouvernement.

Pour la Syrie, les positions ont été inversées : les Occidentaux ont milité pour une intervention afin de protéger les Syriens opprimés alors que la Russie et la Turquie ont considéré que Bachar el-Assad était le dirigeant légitime du pays et que le renverser relevait d’une violation de la souveraineté nationale.

Ces deux exemples montrent que les pays (mis à part quelques exceptions, comme la Suisse, qui s’en tiennent à leur principe de non-ingérence) font primer leurs intérêts sur les valeurs qu’ils souhaitent promouvoir.

Conclusion

Intervenir pour aider une population étrangère est un choix complexe, car l’aide permet souvent d’améliorer la situation, mais questionne en même temps l’indépendance et la souveraineté du pays concerné. Il faut aussi prendre en compte les effets collatéraux qui peuvent dépasser le bénéfice de l’intervention.

Dès lors, les pays choisissent dans chaque cas de défendre la position qui sert au mieux leurs intérêts, en dissimulant plus ou moins leur calcul stratégique. Il semble d’ailleurs de moins en moins nécessaire d’afficher des principes guidant les interventions à l’étranger. La position de Donald Trump semble valider ce passage à un pragmatisme assumé : le président américain déclare ouvertement agir dans le seul intérêt de son pays.