Et si les concepteurs de sujets décidaient de vous surprendre. 9 ans après un sujet assez improbable sur la Méditerranée (européenne !), la probabilité d’un sujet sur les Caraïbes est non-nulle. Et avouez-le, vous ne l’avez jamais vraiment révisé. A l’heure des Panama Papers, évoquer les Caraïbes comme seul paradis fiscal vous mènerait tout droit dans les profondeurs du classement. Alors Major-Prépa vous propose un plan sur le sujet ! Ce plan est le fruit d’un travail facultatif rendu l’année dernière et a reçu la note de 15/20.

L’espace caraïbe, une méditerranée américaine ?

Le président du Nicaragua Daniel Ortega a inauguré le chantier du canal transocéanique du Nicaragua construit par le groupe chinois créé pour l’occasion HKND (Hong-Kong Nicaragua Development). Celui-ci est censé concurrencer le canal de Panama, montrant ainsi que l’espace caraïbe est doté d’une dynamique des flux commerciaux similaire à celle qui a accompagné l’établissement de Canal de Suez reliant la mer Méditerranée à la mer Rouge. Peut-on prolonger cette comparaison et voir en l’espace caraïbe une véritable méditerranée américaine ?

L’espace caraïbe désigne l’ensemble des territoires riverains de la mer des Caraïbes, de la Floride au Venezuela et fermé par les Antilles. Quant au terme de Méditerranée, celui-ci désigne un espace eurafricain dont l’ordre de grandeur est de 2 à 3 km² bordé par de nombreux Etats très différents qui interagissent entre eux, que ce soit par de la coopération économique ou bien des tensions politiques et culturelles et ayant une certaine influence sur le monde. Ce terme géographique a fait l’objet d’une conceptualisation (à l’image du terme « balkanisation ») et fut diffusé par les travaux du géographe Elisée Reclus (XIXème). Ce concept semble pouvoir correspondre avec l’espace caraïbe dans la mesure où celui-ci semble être également marqué par ces mêmes caractéristiques. Alors, voir en l’espace caraïbe, exonyme donné par les Européens, une « méditerranée américaine », est-ce une réalité ou bien l’expression d’un européano-centrisme déplacé ?

Après avoir vu qu’à l’image de la mer Méditerranée, l’espace caraïbe constitue une interface entre deux mondes, nous verrons qu’elle dispose également d’une remarquable dynamique, aussi bien intérieure qu’extérieure. Cependant, nous verrons que l’espace caraïbe n’est pas vraiment une méditerranée américaine…

I.                    Une interface entre deux mondes…

1)      Une situation géographique et spatiale semblable.

  • Un grand nombre d’Etats (24) et de territoires rassemblés autour d’un espace maritime semi-fermé d’une taille (3,5 millions de km²) semblable à la méditerranée européenne (2,5 millions de km²), de même orientation est-ouest.
  • Une “mer au milieu des terres” → mediterrarum. Coupure majeure dans la masse continentale.
  • Une zone de passage entre l’océan Atlantique et l’océan pacifique (en Europe entre l’océan Atlantique et Indien par la mer ).

2)      Une frontière entre deux aires culturelles, en situation de confrontation mais surtout d’interpénétration.

  • Culture anglo-saxonne vs culture hispanique. A cela s’ajoute population afro-américaine (Cuba, Haïti, Jamaïque, îles caraïbes), amérindienne et
  • Un mélange des cultures :
    • Influence de la culture américaine dans le monde, a fortiori dans l’espace caraïbe.
    • Hispanisation du sud des EU de par l’immigration, réactions hostiles de certains hommes politiques en Floride.
  • Une certaine confrontation : ALBA (Venezuela, Nicaragua, Cuba). Pas de relations diplomatiques entre EU/Cuba jusqu’en décembre 2014.

3)      Une zone de fracture Nord/Sud entre deux espaces inégaux.

  • Écart de développement : EU seul pays développé (en excluant les territoires d’outre-mer présents dans la zone), IDH 0,94. Tous les autres pays IDH<0,77.
  • Écart de puissance : EU première puissance mondiale dans tous les domaines. Loin devant les autres pays de la région. Eux-mêmes sont très disparates :
    • Émergents : Mexique, Colombie, Venezuela.
    • Très petits États : Amérique centrale et îles. Parfois, dépossession de la souveraineté étatique (Grenade)

Transition : Les écarts qui existent entre les deux grands ensembles que séparent la mer des Caraïbes et sa situation centrale au cœur du continent sont alors créateurs de flux. Ainsi, tout comme la Méditerranée européenne, l’interface présentement étudiée apparaît au cœur des dynamiques continentales et internationales.

II.   …à l’activité dynamique, en son sein comme avec le reste du monde…

1)      Le cœur des flux intercontinentaux

Différences de développement entre le nord et le sud qui génère des différences d’avantages comparatifs, et génère par conséquent des flux similaires à ceux de la Méditerranée.

  • Économiques : délocalisation vers les Barbades avec la création de ZFIE (Zones Franches Industrielles d’Exportation) où les entreprises américaines et asiatiques investissent, salaires extrêmement bas : au Honduras, 0,35$/jour en 1990 !
  • Migratoires : vers la « terre promise » : les EU. 1 millions de cubains en Floride.
  • Informels : drogue de Colombie, Pérou… qui passe aux EU par bateau et part aussi vers l’Afrique.

2)      Une région insérée dans l’économie mondiale.

  • Paradis fiscaux : source de revenu des micro-états (comme Chypre et Malte en Europe, Bahamas, Grenade aux Caraïbes).
  • Tourisme balnéaire, héliotropisme : Source majeure de revenu. Ex de Carthagène en Colombie qui d’ancienne ville pauvre et malfamée devient un lieu huppé du tourisme international. Croisières aussi qui partent de Miami.
  • Matières premières :
    • Pétrole : Golfe du Mexique, côte vénezuelo-colombienne.
    • Produits agricoles : sucre à Cuba et en République Dominicaine, Banane en Amérique centrale et dans les îles.
  • Carrefour des échanges mondiaux (canal de Panama, du Nicaragua bientôt).

Transition : Cette dynamique, semblable à celle qui caractérise tant la mer Méditerranée ne saurait cependant masquer les profondes différences qui font que l’espace caraïbe ne saurait être une véritable Méditerranée américaine.

III.  …mais cependant des différences lA distingue de la méditerranée européenne.

1) Des caractéristiques assez différentes, une certaine stabilité

  • Différences ethnico-culturelles mineures par comparaison à la Méditerranée. Même religion (catholicisme), absence de diversité de civilisations (autour de la Méditerranée, de nombreuses civilisations puissantes se revendiquant méditerranéennes, ce n’est pas la même chose aux Caraïbes où la population a toujours été assez limitée démographiquement parlant).
  • De très nombreuses possessions appartenant à des grandes puissances lointaines : îles Caymans, Turques et Caïques, Antigua, Montserrat sont britanniques, Porto-Rico et une partie des îles Vierges sont américaines, Saint-Martin (à moitié), Aruba, Curuçao et Bonaire sont néerlandaises, la Guadeloupe et la Martinique sont françaises. Ceci écarte tout risque de conflit majeur semblable à ceux de la Méditerranée dans la région.
  • Différences géographiques : la mer Méditerranée fonctionne comme un monde clos relié à l’extérieur par deux petites ouvertures (détroit de Gibraltar, canal de Suez). L’espace caraïbe est bien plus ouvert sur l’océan, chaque littoral ne fait pas face à une autre terre.

2)    Une plus forte intégration régionale…mais une plus forte emprise du Nord

Une forte intégration régionale :

  • Différentes associations regroupent les Etats des Caraïbes (CARICOM : Communauté Caribéenne, MCCA, OECO: Organisation des Etats de la Caraïbe orientale qui émet une monnaie commune : le dollar des Caraïbes Orientales)…et même dans le sport (West Indian Cricket Team). Dans “notre” Méditerranée, l’UpM ne fonctionne pas…
  • Un certain consensus politique malgré quelques dissensions : au niveau des Etats indépendants, tous ont des relations assez cordiales (retour des relations diplomatiques Cuba/USA récemment). Tous les États sont au moins membres d’une organisation inter-régionale.

Les États-Unis: puissance inévitable de la région :

  • Une influence historique: Doctrines Monroe de 1823 qui confère aux USA un droit de regard politique, un certain droit d’ingérence sur les Etats de cet espace.
  • Une influence toujours d’actualité: Une dépendance plus forte vis-à-vis des USA (2/3 des échanges internationaux). Echange interrégional : moins de 10% du commerce extérieur total des pays des Caraïbes !

Conclusion :

Ainsi, de par son caractère d’interface dynamique entre deux espaces inégaux, l’espace caraïbe semble pouvoir à juste titre accepter la dénomination de méditerranée américaine. Cependant la correspondance parfaite n’existe pas, et il en demeure des différences claires au niveau de la cohésion de l’ensemble et de la prédominance de la puissance dominante: les États-Unis, alors que l’espace méditerranée européen apparaît bien moins soudé avec une Europe qui ne dispose  pas une position hégémonique semblable.

De plus, si la méditerranée a longtemps été le centre du monde (Fernand Braudel, Histoire de la Méditerranée ?), l’appellation correspondrait alors aujourd’hui peut être encore mieux à une autre région du monde: la mer de Chine. Mais ça, c’est une autre histoire…