Pour qu’une économie redémarre, il est nécessaire de faire des sacrifices. Ainsi, en cas de crise économique dans un pays, celui-ci prend généralement des décisions importantes et qui auront des conséquences négatives à court terme, mais qui se révéleront bénéfiques sur le long terme. Afin de mieux appréhender le concept, un exemple concret s’impose. La meilleure solution pour un pays souffrant de pénurie alimentaire et dont l’économie est sous le contrôle de l’Etat est bien souvent de procéder à une modification immédiate du gouvernement en place. Cette décision aura, à l’avenir, des conséquences plus que positives pour le bien du pays et de ses habitants.

A première vue lorsque l’on pense à la notion de thérapie de choc, inconsciemment on se réfère à la tentative de transition libérale qu’ont connu les PECO -Pays d’Europe Centrale et Orientale- à la chute de l’URSS. Toutefois, cette notion est beaucoup plus ancienne et trouve ses racines en 1947 et 1948 en Allemagne lorsque le gouvernement a stoppé le contrôle des prix ainsi que les subventions.

La fin de l’Union soviétique en 1991 pousse les économistes du monde entier à réfléchir à l’avenir des pays la constituant. Les conseils des économistes et des organisations internationales seront appliquées par les gouvernements successifs Gaïdar, Tchernomyrdine et Kirienko. En vain, car le pays sera plongé dans une profonde crise économique dont le paroxysme est le krach financier de 1998. Entre 1992 et 1998, les indicateurs économiques de la Russie chutent inexorablement. Le PIB chute de près de 50% durant cette période, soit une baisse plus importante qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

La question est donc de savoir dans quelle mesure la thérapie de choc a été appliquée en ex-URSS, soit en d’autres termes en Russie et dans les PECO.

LA THERAPIE DE CHOC : EXPLICATIONS

DEFINITION

La thérapie de choc vise à remplacer le système de planification centralisée par une économie de marché en déclenchant une seule vague de réformes. Ainsi, cela consiste à libérer rapidement les prix et les échanges, tout en lançant un programme de stabilisation pour rétablir ou maintenir les prix. De plus, on cherche à ouvrir immédiatement le marché aux nouvelles entreprises privées qui souhaitent s’y implanter. D’autres réformes sont également à prévoir, à l’instar de la privatisation des entreprises d’Etat, la fin des monopoles d’industrie et, enfin, un des plus importants : procéder à de profonds changements en ce qui concerne le régime fiscal, juridique, financier et de la fonction publique.

Selon les économistes, deux approches sont possibles pour réaliser une telle transition :

  • La démarche radicale qui consiste à impulser des changements partout où il est possible d’en faire. Si certaines choses peuvent être changées du jour au lendemain comme par exemple la libéralisation des marchés, certaines réformes seront plus lentes à mettre en place : la privatisation et notamment les changements de gouvernance au sein d’une entreprise ne se font pas en un seul jour. Outre ces modifications, les étapes cruciales, et qui prennent de loin le plus de temps, sont, dans un premier temps, le fait de parvenir à changer les mentalités, puis de réussir à instituer des organisations juridiques et financières de soutien aux marchés.
  • La démarche gradualiste, dont Deng Xiaoping fait la métaphore suivante : la traversée d’un cours d’eau en n’avançant un seul pied uniquement quand l’autre pied a trouvé un appui solide. Ainsi, la démarche gradualiste consiste à n’avancer que progressivement. Elle consiste à prendre le temps nécessaire afin de parvenir à une libéralisation complète des échanges, des prix mais également pour arriver à la suppression des subventions et du contrôle du crédit par l’Etat, pour, in fine, aboutir à la construction d’un nouveau cadre légal et de faire glisser une économie entièrement contrôlée par l’Etat à une économie de marché.

LOGIQUE ECONOMIQUE DE LA THÉRAPIE DE CHOC

Bien évidemment, derrière la notion de thérapie de choc se dissimulait une logique économique, principalement basée sur les concepts économiques de base à savoir l’offre et la demande. Les trois principes sont donc la libéralisation, la privatisation et la stabilisation.

Le raisonnement établi par les économistes s’explique de la façon suivante : afin qu’une économie de marché soit viable, deux mécanismes sont indispensables, à savoir la propriété privée et la compétition sur le marché. Or, en URSS, la notion de propriété privée est inexistante ; tout est aux mains de l’Etat, et les prix était fixés par le GOSPLAN. Il était donc nécessaire de privatiser les entreprises de l’Etat pour que ces dernières se comportent comme des entreprises œuvrant en économie capitaliste : le but ultime de ces entreprises devenant alors la poursuite de l’intérêt des actionnaires tout en cherchant à maximiser les profits à court terme et la valeur sur le marché financier à long terme. Ainsi, il était nécessaire de créer de nouveaux marchés dans lesquels les entreprises allaient échanger leurs produits tout en respectant les principes de l’offre et de la demande. Un système de compétition entre les entreprises était donc une des étapes essentielles pour permettre aux entreprises soviétiques de devenir plus productives et donc de pouvoir espérer gagner d’autres marchés en s’exportant.

Naturellement, ce processus de libéralisation doit s’accompagner d’une période, courte, d’augmentation des prix dans certains secteurs, créant une situation d’instabilité temporaire. Durant cette période, le gouvernement doit résister aux demandes de subventions et/ou de crédits de la part des entreprises. Les moins compétitives d’entre elles seraient forcées de réorienter l’intégralité de leur production pour devenir plus compétitives. Conjointement, une politique d’austérité doit être conduite par les autorités dans le but de maîtriser l’inflation. Dans un contexte stabilisé, les entreprises seraient contraintes de redéployer leurs actifs vers les activités les plus profitables générant automatiquement l’augmentation de la productivité, la hausse des salaires et de l’emploi et, finalement, aboutirait à une augmentation conjointe de la consommation et de la demande. L’économie entrerait, ainsi, sur la voie vertueuse de la croissance économique.

ARGUMENTAIRE EN FAVEUR DE LA THÉRAPIE DE CHOC

Ce qui a poussé en premier lieu le gouvernement Gaïdar (premier ministre russe du 15 juin au 14 décembre 1992) à adopter la thérapie de choc en Russie était le soutien politique gagné au cours de ce processus. Il espérait qu’une redistribution des biens de l’Etat vers les individus encouragerait la création d’une classe de propriétaires, prête à défendre les idées de ce gouvernement.

De plus, une autre justification du recours à un tel processus était la destruction des liens pervers entre les politiciens et les entreprises, créés pendant la période soviétique et risquant de perturber le cours normal des reformes de libéralisation. Sur ce plan, les résultats s’avèrent mitigés : Si le népotisme hérité de l’ère communiste a été balayé, les “oligarques” qui ont su profiter du chaos ambiant ont exercé une pression décisive et pernicieuse sur le gouvernement pour sécuriser leurs positions dominantes -réalisation de profits faramineux- et, sont, à la fin parvenus à leurs fins mais également à occuper, pour certains d’entre eux, des postes clés au sein du gouvernement.

Pour la partie 2, c’est par ici