Drapeau du Liban

Le 4 août dernier, une double explosion dans le port de Beyrouth au Liban faisait 200 morts, et de très nombreux blessés. On estime qu’il faudra encore des millions voire des milliards pour reconstruire correctement la capitale libanaise. Malheureusement, cet évènement terrible ne fait pas figure d’exception dans l’histoire d’un pays marqué par de nombreuses difficultés depuis sa création. Pourtant, c’est un pays qui a un temps suscité l’admiration, se faisant même surnommer la « Suisse du Moyen-Orient ». Zoom sur ce pays particulièrement éprouvé ces dernières décennies.

Un peu d’histoire…

Le Liban est le plus petit Etat du Proche-Orient. C’est un Etat récent formé par la France en 1920. Il deviendra indépendant au lendemain de la seconde guerre mondiale, en 1946. Le Liban est un pays unique par la diversité religieuse de sa population. Le pays se compose en effet de chrétiens maronites, de Grecs orthodoxes, de musulmans sunnites et de musulmans chiites. Le dernier recensement officiel dans le pays date de 1932. Cela complique donc l’estimation précise de la population de chacune des religions. En général, on estime que les chrétiens représentent 45% de la population et les musulmans 50%. On estime que la population de sunnites et de chiites parmi les 50% de musulmans est à peu près égale. Enfin, on recense de nombreuses minorités. Parmi elles, les Druzes et les juifs libanais même si ces derniers ont en grande majorité quitté le pays.

Cette diversité est sans aucun doute un défi pour le pays. Le pays a déjà connu 15 ans de guerre civile de 1975 à 1990 avant d’être placé sous tutelle syrienne de 1990 à 2005. Bien souvent aujourd’hui, on parle de patriotisme communautaire. C’est-à-dire que l’attachement des citoyens libanais est d’abord à leur communauté religieuse et ensuite seulement à leur nation.

Pour prospérer tout en prenant en compte la forte pluralité dans sa population, le Liban a inscrit dans sa constitution un système unique. En effet, les chrétiens maronites ont traditionnellement la présidence du gouvernement libanais et donc le commandement de l’armée. Les musulmans sunnites détiennent le poste de premier ministre et les musulmans chiites celui de président de l’assemblée nationale. A noter que ce système a été établi à la lumière du recensement de 1932. Nombreux sont ceux qui réclament aujourd’hui une refondation du système adaptée aux changements démographiques.

Une économie très mal en point

Confronté à sa plus grave crise économique et financière depuis 30 ans, le Liban a déclaré pour la première fois être en défaut de paiement en 2020. Le gouvernement libanais a élaboré un plan de redressement sur la base duquel il négocie avec le Fonds monétaire international (FMI) l’obtention d’une aide financière.

Le Liban souffre des « twin deficits ». Soit un déficit de la balance courante (30 % du PIB) et déficit public (10 % du PIB). Ces deux derniers s’expliquent par de très faibles perspectives de croissances. Ce pays désindustrialisé n’exporte presque rien. Pas moins de 30 % de la population active est au chômage. Les transferts financiers de la diaspora soutiennent largement l’économie du Liban mais cela ne suffit plus. L’endettement public est un symptôme de l’incapacité du pays à générer suffisamment de revenus pour demeurer solvable. Mais le problème qui inquiète le plus au Liban, c’est sans doute cette corruption endémique qui atteint son gouvernement. Celle-ci ralentit considérablement l’investissement dans les infrastructures et dans les services publics et donc entrave le développement.

La distribution des revenus laisse apparaître un Liban parmi les pays les plus inégalitaires du monde. Son indice de Gini le place au 129ème rang parmi les 141 pays comptabilisés en 2017 ! Le Liban se situe ainsi au même niveau environ que l’Inde ou l’Afrique du Sud. Un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté. Ce sont moins les inégalités qui posent problème que la sensation de la majeure partie de la population d’être « coincée » à un niveau de revenu bas en raison de l’immobilité sociale. Aux inégalités de revenus et de patrimoines s’ajoutent des inégalités géographiques et une communautarisation des sociétés.

Des divisions instrumentalisées

L’assemblage religieux qui faisait l’originalité du pays est aujourd’hui assez inefficace et largement influencé par le Hezbollah, parti chiite. Le pays s’est balkanisé et l’arrivée de 1,5 million de réfugiés syriens a aggravé la situation durant la décennie précédente. N’oublions pas ici qu’on parle de 1.5 million de réfugiés pour un pays qui ne comptait sur son sol que 4.5 millions de personnes jusqu’alors. C’est dire combien le bousculement a été grand au Liban. Selon le Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), plus de trois-quarts des familles de réfugiés syriens vivent sous le seuil de pauvreté et comptent sur les ONG pour s’en sortir.

Couplé à une mésentente croissante entre les communautés religieuses, tout cela laisse un terreau fertile pour les populismes. L’influence du Hezbollah est notamment grandissante.

En bref, pour le Liban rien n’est gagné. L’ex-« Suisse du Moyen-Orient » vit des jours difficiles et la remontée de la pente sera compliquée. Nicolas Bouzou, directeur de la société d’études économies Asterès donne un fameux programme pour espérer la reprise : « Investir dans les technologies et être attractif pour le capital, dans les services publics et en particulier dans l’éducation, réguler les flux migratoires, ne rien céder au communautarisme, laisser faire les institutions indépendantes quand elles fonctionnent bien. Voici ce que devrait faire le Liban pour s’insérer dans la croissance économique mondiale et retrouver son statut de Suisse du Moyen-Orient ». Un programme pour le moins ambitieux…