Trump

L’arrivée prochaine des élections présidentielles aux États-Unis nous offre l’excuse parfaite pour revenir sur le mandat de Trump pour le moins mouvementé. Entre l’avalanche de tweets présidentiels, les tensions avec l’Iran, la crise sanitaire et les conflits raciaux, les États-Unis n’ont de cesse de faire parler d’eux. Après le bilan que nous avons réalisé en juin, qu’en est-il alors aujourd’hui ?

Les États-Unis pendant le mandat de Trump, isolés plus que jamais

Sur la scène internationale

Notamment élu grâce à sa promesse de replacer les États-Unis comme la priorité du gouvernement américain, Donald Trump a rapidement expliqué sa perception : « Nous avons enrichi d’autres pays alors que la richesse, la force et la compétence de notre pays se dissipent à l’horizon ». Dans les faits, Donald Trump a commencé par fragiliser la coopération internationale. D’abord avec ses attaques répétées à l’ONU. À commencer par son tout premier discours devant l’assemblée où il martelait déjà l’intangibilité de la souveraineté étasunienne en 2017. C’est aussi par son retrait de la Cour pénale internationale et de l’UNESCO que D. Trump a désengagé les États-Unis de la scène internationale. La liste des désengagements étasuniens est encore longue, avec entre autres la sortie des accords de Paris sur le climat en juin 2017 ou encore le retrait de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien en mai 2018.

Sur le plan économique

Au-delà de l’aspect purement géopolitique, c’est aussi sur l’aspect économique que la coopération s’est effritée. Dès 2017, Donald Trump acte la sortie de l’accord transpacifique (TPP). Ce dernier a depuis été ratifié avec le retrait de quelques clauses sous le nom de Comprehensive and Progressive Agreement for Trans-Pacific Partnership (CPTPP ou PTPGP en français) par l’Australie, le Canada, le Japon, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, Singapour et le Viêt Nam. Voir un traité de libre-échange transpacifique se ratifier sans l’accord étasunien est assurément la marque de cette nouvelle direction. Au forum de Davos en 2018, Donald Trump jouait la désescalade : « America First doesn’t mean America alone ». Mais cela n’a pas non plus empêché le président d’annuler sa visite l’année suivante et de fustiger les environnementalistes en 2020.

Pour qualifier cette politique qui n’a assurément pas peur du conflit, Laurence Nardon (spécialiste des États-Unis, chercheuse à l’Ifri), affirme que « D. Trump voit le monde comme un monde “Hobbesien”, c’est-à-dire un lieu de lutte permanente pour le pouvoir ». Des exceptions notables à cet isolement existent cependant. Israël semble être plus proche que jamais des États-Unis après  le choix de déplacer l’ambassade étasunienne en Israël à Jérusalem. C’est là un marqueur fort qui restera à la mémoire des Israéliens. Lors de ce mandat, Donald Trump s’est aussi clairement tourné vers le monde sunnite, se faisant même agent de la paix entre Israël et les Émirats arabes unis ou le Bahreïn (majorité chiite mais gouvernance sunnite).

Mais ce qui inquiète le plus, ce sont bien les divisions internes qui secouent le pays

Attention cependant ici  à ne pas accabler Trump de toutes les fautes. Comme l’indique l’auteur spécialiste des États-Unis, Jean-Éric Branaa : « Trump a fini de couper l’Amérique en deux mais elle était déjà coupée avant qu’il n’arrive ».

L’année 2020 a été particulièrement marquante à cet égard. Le débat politique apparaît de plus en plus compliqué. Comme le souligne Jean-Éric Branaa, alors que les républicains s’inquiètent surtout de l’immigration, le premier souci des démocrates est le système de sécurité sociale et la question raciale. Dans ce contexte, ils n’ont plus de terrain commun et le débat politique est sensiblement plus compliqué.

De plus, la mort de George Floyd et le lourd tribut de la population noire lors de la crise sanitaire ont réveillé la lutte antiraciste. À l’opposé, une partie de la société « resserrée sur l’idée qu’elle est attaquée » (Jean-Éric Branaa) par ce mouvement. Les tensions issues de cette opposition ont déjà basculé dans des luttes physiques à plusieurs reprises depuis juin dernier. Notamment à Minneapolis ou Denver.

Enfin, la lutte contre le coronavirus a une nouvelle fois été le vecteur de bien des tensions internes

Le bilan démographique chaotique des États-Unis n’a pas été aidé par une gouvernance particulièrement chaotique pendant la crise de la Covid-19. Le président a minimisé l’épidémie qu’il qualifiait de « petite grippette » et a annoncé que les États-Unis ne financeraient plus l’OMS. Cette crise a contribué aussi aux tensions sino-américaines, Trump assurant qu’il détient des preuves que le virus est issu d’un laboratoire chinois. Le manque de mesures drastiques n’a pas aidé le bilan, qui était déjà de 211 750 morts au 8 octobre 2020. Ironie, s’il en est, Donald Trump a lui-même été testé positif il y a une dizaine de jours…

Mais surtout, cette crise sanitaire a engendré une détresse économique que l’on n’avait pas vue depuis la Grande Dépression ! On parle de 30 millions de chômeurs, et même si on connaît la résilience économique des États-Unis, ce chiffre ne peut qu’inquiéter. Or, c’est bien sur son bilan économique que le président américain comptait s’appuyer pour sa réélection. En effet, si l’on omet une dette énorme, il y a à mettre au crédit de Donald Trump une réforme conséquente des impôts, une croissance relativement forte à plus de 2,3 % depuis trois ans (2016-2019) et un taux de chômage avant crise sanitaire très faible : seulement 3,5 %.

En bref, l’élection à venir est pleine d’incertitudes, mais paraît assez mal engagée pour Donald Trump. Le mandat Trump a indéniablement montré des promesses économiques. Et même si, en particulier aux États-Unis, les entreprises participent pour beaucoup aux bons résultats, il ne faut pas l’oublier. Néanmoins, les États-Unis apparaissent bien seuls sur le plan international, et surtout, plus divisés que jamais sur leur propre territoire. C’est donc un bilan mitigé que le président américain laissera derrière lui. À voir si ce mandat est son dernier…