course aux armements

En février 2021, le traité New Start, en vigueur depuis 10 ans devrait toucher à sa fin. Les négociations concernant sa prolongation peinent à aboutir alors que l’échéance approche, tendance qui apparaît comme inquiétante.  Si la logique, depuis la fin de la guerre froide semble être celle d’un désarmement nucléaire, les perspectives sont de plus en plus douteuses. Quelles sont les limites de la prolifération nucléaire ? Se dirige-t-on vers une nouvelle course aux armements ? Pour quelles conséquences ?

Point sur les puissances nucléaires

À ce jour, 9 pays possèdent l’arme nucléaire, 5 de manière officielle (États-Unis, Russie, Royaume-Uni, France, Chine) alors que 3 l’ont revendiqué plus tardivement, à savoir le Pakistan, l’Inde et la Corée du Nord. Quant à Israël, c’est un cas à part puisque le pays n’a jamais déclaré de manière officielle la posséder. Dès lors, pourquoi émet-on cette distinction ? C’est le TNP (traité de non-prolifération) signé en 1968 qui détermine cette règle. Selon son article 6, les États qui n’en sont pas dotés avant le 1er janvier 1967 s’engagent à ne pas l’acquérir. L’Inde le Pakistan et Israël n’ont pas signé le traité et la Corée du Nord se retirera en 2003.

Des traités compromis : la porte ouverte à une nouvelle course aux armements

La plupart des traités chargés de limiter la multiplication des arsenaux nucléaires et in fine de préserver la sécurité globale sont aujourd’hui caducs. Seul un subsiste, le traité New Start et son avenir semble compromis. Les plus importants sont résumés dans le tableau ci-dessous.

Accord Parties État de l’accord
Traité FNI (signé en 1987) États-Unis et Russie (URSS) Expiration en 2019
ABM (signé en 1972) États Unis et Russie (URSS) Retrait américain en 2002
New Start (signé en 2011) États-Unis et Russie Expiration le 5 février 2021 renouvellement ?
Ciel ouvert (signé en 1992) 35 états Retrait unilatéral américain le 22 novembre 2020

En août 2019, c’est officiel, les États-Unis se retirent du traité FNI. La raison ? Washington accusait la Russie de développer un missile dont les caractéristiques (portée de vol) violait le traité, thèse rejetée par Moscou. Ce traité, signé en 1987, avait pour objectif d’éliminer les missiles à portée intermédiaire. Plus précisément, les missiles terrestres d’une portée de 500 à 5500 km. Précaution prise dans un contexte de guerre froide et qui a marqué la fin de la crise des euromissiles en 1987. Cependant, derrière cette décision se cache un intérêt géopolitique : la Chine non-signataire du traité, pouvait atteindre les bases américaines dans la région sud pacifique ce qui lui conférait un avantage considérable. Les États-Unis s’étaient déjà retirés du traité ABM en 2002 (sur la limitation des missiles anti-balistiques).

Le retrait américain unilatéral du traité « Ciel ouvert » semble lui aussi compromettre la régulation mondiale des armements nucléaires. En effet, ce traité d’« observation aérienne mutuelle » permet à chaque état signataire de survoler un autre pays (mise en place de quotas) et d’ainsi contrôler ou de vérifier certaines mesures de limitations. Même son de cloche que le FNI, Washington a accusé Moscou de l’avoir empêché de survoler certains emplacements comme à Kaliningrad où la Russie aurait déployer des armes nucléaires.

Le traité New Start pourrait, à son tour devenir caduc si les deux nations ne trouvaient pas un compromis avant février, date de la fin du traité (10 ans) signé en 2010. Il est le dernier accord en vigueur sur la limitation des armements. Les enjeux sont donc conséquents. Doit-on alors craindre une nouvelle course aux armements ? Les États-Unis souhaiteraient inclure d’autres puissances nucléaires comme la Chine. Mais un nouvel accord trilatéral serait chronophage et difficile à établir.

Une modernisation des arsenaux : les enjeux de la course technologique

Cette nouvelle course aux armements prend aussi la forme d’une course technologique. Celle-ci permettant une maîtrise plus affiné des différents vecteurs, de la vitesse, mais aussi de la précision. De fait, on compte généralement 3 vecteurs : aérien, terrestre et maritime. C’est la raison pour laquelle la « triade nucléaire » confère aux États qui en sont dotés un avantage stratégique. Disposer d’ogives nucléaires n’est pas suffisant, il faut pouvoir les projeter en un temps limité, ce qui implique de facto de contrôler les différents vecteurs.

Le développement de la technologie hypersonique est emblématique. Révolutionnaire, elle permet d’atteindre des vitesses phénoménales (jusqu’à Mach 27 à en croire le missile russe) empêchant ainsi toute interception. La Russie est en première ligne. Son nouveau missile hypersonique « Zirkon », testé en octobre dernier, serait capable de parcourir une distance de 450 km en seulement 4 minutes et demi. Les États-Unis répliquent en investissant dans de nouveaux missiles (AGM-183 A) qui devraient atteindre Mach 20. On peut ainsi observer les deux puissances se livrer à des démonstrations de forces lors de tirs d’essai souvent médiatisé. Le corollaire est la progression des systèmes de défense anti-missile, des moyens de plus en plus sophistiqués. Le S-400 russe est l’un des plus répandu et a été acheté par la Chine, l’Inde et la Turquie. Par ces exemples, on peut alors se demander si l’on se dirige vers une nouvelle course aux armements ou non.

Des cas complexes

L’Iran : la crainte d’une nouvelle puissance nucléaire

Depuis 1967 et la signature du TNP qui grave dans le marbre les puissances nucléaires, ces États ont cherché coûte que coûte à empêcher la prolifération horizontale. En effet, cette arme dissuasive est seulement efficace si elle est gardée par un nombre limité de pays. La communauté internationale essaye donc de limiter sa prolifération malgré des résultats mitigés.

Si tu as bien suivi l’actualité, tu as sûrement entendu parler de l’assassinat de Mohsen Fakhrizadeh, surnommé le « père du nucléaire iranien ». Attribuée par Téhéran au Mossad, cette attaque intervient alors que Joe Biden a affirmé son souhait de revenir sur le JPCOA (accord de Vienne signé en 2015). En effet, Israël souhaite à tout prix empêcher l’Iran de développer un programme nucléaire. Comme tu le sais sûrement cet accord visait à lever progressivement les sanctions économiques à condition que l’Iran renonce à développer son programme. Selon Thierry Coville, sous l’ère Trump, « la stratégie américaine n’a pas fonctionné ». Les sanctions imposées par le président semblent avoir été inefficaces pour faire pression sur Téhéran, qui continue d’enrichir de l’uranium au-delà des limites imposées. Un nouvel accord avec les États-Unis pourrait changer la donne.

La Corée du Nord : le nucléaire comme moyen de pression

Si la Corée du Nord fait autant parler d’elle, c’est souvent en raison de son programme nucléaire qu’elle développe malgré les sanctions internationales. À ce propos, le pays est la cible de sanctions de l’ONU qui limitent ses exportations et ses importations. Cela après avoir violé plusieurs fois les résolutions de l’ONU. En 2017 Pyongyang a déclaré être capable de frapper les États-Unis à l’aide de ses missiles intercontinentaux. Selon Seung-Keun lee, professeur à l’université de Séoul « l’accroissement de l’arsenal nucléaire de la Corée du Nord pourrait provoquer un effet domino » en Asie. En quoi consiste alors la diplomatie nucléaire sud-coréenne ? Constat fait lors des différentes escalades, la stratégie nord-coréenne serait celle du « brinkmanship » (l’art d’aller aux limites du possible, aussi appelé « stratégie au bord de l’abîme ») afin d’atteindre ses objectifs et faire pression sur la communauté internationale. Cependant, le risque d’une guerre nucléaire semble irréaliste pour le pays.

Conclusion

Il faut néanmoins nuancer : les efforts menés conjointement par les “deux grands” ont contribué à une réduction drastique des armements. Ainsi, dans les années 1980, il y avait approximativement 70 000 ogives nucléaires dans le monde. On en compte aujourd’hui environ 14 000. Il est aussi important de noter le manque de transparence de certains États sur leur capacité nucléaires, compte tenu de la sensibilité de ces informations. D’un autre côté, le retrait quasi-systématique des traités de limitations laisse planer des doutes sur la sécurité mondiale. Selon Dominique David, conseiller du président de l’IFRI, le paradoxe est clair : « On ne peut à la fois réaffirmer la pertinence du nucléaire pour les États qui en disposent, et croire à une limitation ad aeternum du nombre de ces États ». Selon ce dernier, il s’agirait plutôt d’expliquer à ces États « qu’ils ont un intérêt stratégique à ne pas proliférer ».