Tu peux retrouver le sujet de l’épreuve ici : Géopo ESCP – Sujet

Et l’analyse là : Géopo ESCP 2018 – Analyse du sujet

Les statistiques

3 882 candidats, 10,63 de moyenne (3,35 d’écart-type).

Le rapport

le sujet

2018 : Etats-Unis-Chine : rivalités de pouvoir et d’influence

Ce sujet à l’actualité brûlante, très marqué par la géopolitique, était riche par sa densité. Tous les candidats avaient a priori des choses à dire sur cette question. Par rapport aux sujets donnés par le passé dans le cadre de cette épreuve,celui proposé en 2018 se singularise par l’exercice de comparaison auquel il invitait pour la première fois entre deux pays, en l’occurrence les deux principales puissances du moment, les États-Unis et la Chine. Si le libellé ne présentait aucune difficulté de compréhension, le sujet n’en était pas pour autant facile, car il appelait à mobiliser et à sélectionner avec discernement et habileté un grand nombre d’informations très variées dans une perspective longue et comparative.

Attentes du jury

Le jury se félicite du petit nombre de copies vraiment médiocres (notes allant de 1 à 3), ce qui a néanmoins eu comme corollaire de gonfler le « marais » des copies faibles et très moyennes, caractérisées par leur manque de réflexion, de connaissances élémentaires, de culture générale, ou encore de maîtrise de la technique de la dissertation. Les correcteurs n’ont donc pas rencontré de difficultés particulières pour discriminer et classer les copies de la tranche supérieure.

D’une manière générale, beaucoup de copies s’essoufflent très vite, ne dépassant pas ou très difficilement les 5 ou 6 pages, alors que les bonnes et les très bonnes copies respectent ou dépassent sans problème la jauge des 8 pages, certaines allant jusqu’à 12 pages maitrisées de bout en bout…

Pour sortir du lot commun, ce sujet invitait tout d’abord à l’adoption d’une problématique claire et pertinente, mais aussi à une définition rigoureuse des différents termes du libellé du sujet, ce qui n’a pas été toujours le cas, loin s’en faut. « Rivalités », « pouvoir » et « influence » sont pourtant des termes classiques en géopolitique, puisqu’ils sont à la base même de la définition proposée par Yves Lacoste dans les années 1980 pour définir précisément ce terme (ce qui a été rappelé par certains candidats). Malheureusement le jury a constaté, cette année comme les années précédentes, que ces termes ont été pris dans plus de la moitié des copies dans leur sens littéral (donc comme s’ils allaient d’eux-mêmes), alors qu’ils appelaient à une analyse détaillée. La qualité des problématiques et des plans s’en est ressentie, ce qui a permis de différencier plus facilement les copies entre elles.

Remarques de correction/Conseils aux futurs can didats

Pouvoir » et « influence » pouvaient être distingués séparément, mais aussi vus dans leur articulation et continuum, car l’influence s’inscrit en continuité avec la notion de pouvoir, comme une forme de pouvoir qui s’exerce autrement. La notion de pouvoir était donc à entendre dans toute son étendue. Quelques rappels utiles :

  • la notion de « rivalité » renvoie à une situation, celle de personnes rivales, d’acteurs en situation de rivalité, d’États, qui prétendent aux mêmes avantages, aux mêmes succès. Ses synonymes sont la compétition et la concurrence, sachant que l’hyper-concurrence renvoie explicitement à la guerre économique.
  • la notion de « pouvoir » désigne la force d’exercer une action, la puissance politique, l’autorité qui s’exerce sur un territoire plus ou moins vaste et le droit d’exercer cette action. A cet égard, les candidats pouvaient se demander par qui le pouvoir est exercé et sur qui ou sur quoi s’appuient ces deux États pour asseoir leur pouvoir : firmes transnationales (publiques et privées), banques, institutions, droit, normes, etc. Les documents d’accompagnement y invitaient en ce sens. En développant des stratégie de pouvoir (jeu d’acteurs), les États sont ainsi en interaction (soit par la coordination, soit par la confrontation) avec différents types d’acteurs.

Les différents types de pouvoir développés respectivement par ces deux États devaient apparaître clairement dans les copies, ce qui a souvent été fait par les candidats :

  • le Soft power (ou littéralement le pouvoir d’influence), tel que défini par Joseph Nye, correspond à la capacité à atteindre des objectifs fixés en matière de relations internationales par la séduction et la persuasion. Selon S. Rosière, il s’agit aussi de l’attraction d’un modèle : american way of life, hégémonisme de la langue anglaise, instituts Confucius, universités américaines ouvertes aux élites chinoises, « dollarisation » de l’économie, etc. dans le cadre de ce sujet.
  • le Hard Power renvoie à la puissance « dure », militaire et coercitive.
  • le Smart power, souvent oublié dans les copies, renvoie quant à lui au pouvoir de l’intelligence, qui utilise tous les vecteurs de l’ influence. Ce concept a aussi été proposé par J. Nye.
  • l’« influence » pouvait se définir enfin comme la capacité à imposer une domination (coercition : version forte), ou une emprise (version plus subtile par la séduction). L’influence peut ainsi être graduelle et s’exercer dans beaucoup de domaines différents.

Le jury attendait des candidats qu’ils creusent un peu toutes ces notions, en rappelant, à l’instar par exemple de S. Strange, que ces deux Etats ont fait un usage alterné et complémentaire du soft et du hard power.

Les candidats pouvaient aussi se démarquer de l’approche classique de J. Nye, en rappelant d’autres analyses comme celle de Ralf Bläser (2005) , qui a distingué, pour mémoire, trois modes de pouvoirs et donc trois formes de puissance :

  • le pouvoir relationnel (relational power), qui est la forme la plus traditionnellement étudiée par les analystes des relations internationales. Son intérêt est notamment de mettre en évidence les lieux de pouvoir.
  • le pouvoir par le savoir (knowledge power), qui se traduit surtout par la nécessité de maîtriser l’information et son accès, sa construction, sa diffusion (cas de la rivalité entre Google, Apple, Facebook, Amazon et leurs nouveaux rivaux chinois : Baidu, Alibaba, We Chat, Xiaomi qui se rêvent à leur place).
  • enfin le pouvoir de cadrage (framing power) : il s’agit de la capacité des acteurs à conduire l’agenda international, c’est-à-dire les thèmes que mobilisent les opinions et les acteurs.

Dans ce sujet, Etats-Unis et Chine devaient fondamentalement être abordés dans une approche comparative, comme y invitait le tiret entre les deux noms de pays, en veillant à ne pas privilégier un pays par rapport à un autre. L’idée fondamentale était de montrer comment ces deux Etats, qui sont désormais très clairement en rivalité pour l’accès (cas de la Chine) ou le maintien (cas des Etats-Unis) à la première place et au leadership mondial, usent de leurs pouvoirs multiformes pour arriver à leurs fins (il aurait été judicieux de rappeler à cet égard que, jusqu’en 1990-1991, le tandem qui faisait sens était tout à fait différent, puisqu’il opposait les États-Unis et l’ex-URSS…).

Les ressorts profonds de cette rivalité entre les États-Unis et la Chine devaient apparaître clairement à cette occasion (rivaux pourquoi et pourquoi faire ?), de même que leurs modalités d’expression (soft power, hard power, smart power, etc.). Ces rivalités s’exercent non seulement entre ces pays, mais aussi vis-à-vis du reste du monde pour précisément accroître ce pouvoir et cette influence. Mais peu nombreuses ont été les copies qui ont traduit de manière habile les déséquilibres entre ces deux pays, su hiérarchiser leurs zones d’influence respectives, ou encore montrer les stratégies déployées (et leur évolution) pour asseoir leur influence et leur leadership. Beaucoup de copies ont aussi oublié de traiter leurs relations d’interdépendance.

Fait inquiétant relevé par la grande majorité des correcteurs cette année, beaucoup de copies se révèlent incapables de citer des dates de référence précises (à cet égard l’absence de chronologie dans les documents d’accompagnement a joué pleinement son rôle discriminant), des statistiques (par exemple pour apprécier leurs poids dans l’économie mondiale) ou des chiffres (en dehors de ceux extraits des documents d’accompagnement). Beaucoup de copies se ramènent alors à un simple récit, sans mise en perspective historique (beaucoup de copies font arbitrairement et maladroitement débuter le sujet en 1978), sans analyse de l’évolution sur le temps long des rapports de pouvoir et d’influence.

Il aurait pourtant été intéressant de rappeler que les États-Unis n’ont pas toujours été dans une situation de rivalité avec la Chine. Ils se sont par exemple appuyés sur elle, notamment pour contrer l’influence de l’ex-URSS dans les années 1970. Ils ont facilité aussi son entrée aux Nations-Unies en 1971. Si les rivalités entre les États-Unis et la Chine ont pris un tour nouveau après la disparition de l’Ex-URSS au début des années 1990, l’administration Clinton a néanmoins joué un rôle déterminant dans l’entrée de la Chine à l’OMC en 2001.

Autre grief relevé par la grande majorité des correcteurs, beaucoup de candidats se révèlent totalement incapables de citer avec précision des références bibliographiques et des auteurs de référence en liaison avec le sujet posé (et pourtant ils sont particulièrement nombreux !).

Les documents d’accompagnement ne présentaient pas de difficultés particulières : une caricature parue dans le journal autrichien Kleine Zeitung ; un tableau des 10 principales banques mondiales en 2015 ; un tableau des 10 premières entreprises chinoises en fonction de leur chiffre d’affaires ; un tableau des 10 premières entreprises américaines en fonction de leur chiffre d’affaires ; un tableau des 10 plus grandes entreprises au monde selon leur capitalisation boursière (au 31 mars 2014) ; un carte du soft power des États-Unis au Moyen-Orient ; enfin une carte des dépenses mondiales d’armement (2005-2015). Il pouvait être intéressant de s’y référer ponctuellement pour en extirper certaines informations. Mais en aucun cas il ne fallait en proposer un commentaire détaillé.

L’exercice de cartographie a lui aussi été discriminant, car au final peu de candidats cherchent à coller au plus près du sujet posé. Beaucoup se contentent de figurés passe-partout, puisés dans les cartes étudiées durant l’année, à la manière d’un copier-coller, ce que explique notamment l’absence de titre donné à la carte (alors qu’il est bien précisé que le titre est obligatoire…). Les flux d’échanges (marchandises, capitaux, etc.) dans leur diversité et leur asymétrie, ont par exemple été souvent oubliés. Les légendes ont été généralement abondamment fournies, ce qui est un point positif. En revanche, nombre de cartes sont restées désespérément vides ou peu remplies, ce qui a été pénalisant. Les meilleures cartes sont toujours celles qui arrivent à respecter un équilibre entre la légende et la carte en elle-même.

Tout ne pouvait être représenté et, là encore, des choix clairs et assumés devaient être faits par les candidats. Rappelons qu’il convient d’élaborer la carte tout au long de la dissertation, ce qui permet au candidat d’y renvoyer à bon escient le correcteur.

La carte du sujet proposé était très utile pour matérialiser les régions du monde où se sont exercés et s’exercent ces rivalités de pouvoir et d’influence entre ces deux grandes puissances, ainsi que leurs vecteurs. Par exemple en mentionnant les alliés respectifs (traditionnels et nouveaux) et les « points chauds » (mer de Chine méridionale, Taïwan, etc.) qui cristallisent les rivalités de ces deux pays. La carte pouvait aussi montrer efficacement les interdépendances entre ces deux grands pays (sur le plan financier, commercial, des IDE, etc.), qui sont aussi de nature à contenir leurs rivalités. De manière plus prospective, la carte pouvait aussi montrer les conséquences possibles de la montée de ces rivalités par l’exacerbation de la guerre économique entre les deux pays (montée des protectionnismes).