Vladimir Poutine, le compromis autoritaire

La Russie a fait un retour très remarqué sur la scène internationale au 21ème siècle. Zoom sur la Russie de Vladimir Poutine.

Un retour remarqué sur la scène internationale

A la fin du 20ème siècle, la Russie connaît l’humiliation avec la dissolution de l’URSS et la présidence de Boris Eltsine. Ce dernier marque surtout la communauté internationale par ses absences et son goût prononcé pour la boisson. Vladimir poutine évoque d’ailleurs pour la chute de l’URSS « la plus grande catastrophe géopolitique du siècle dernier ». La fin du 20ème siècle coïncide aussi pour la Russie avec une forte baisse de la natalité et un déclassement économique important. Mais il faut toutefois signaler quelques notes positives dès les années 90. On peut penser ici à une insertion accrue dans la mondialisation avec l’adhésion à la Banque Mondiale et au FMI en 1992, puis l’entrée à l’OMC. Cette dernière sera actée en 2011 mais la candidature russe date de 1995.

Le retour marqué de la Russie est notamment incarné par la capitale russe, Moscou. Moscou est une mégapole d’environ 12 millions d’habitants très bien insérée dans l’Archipel Métropolitain Mondial défini par Olivier Dollfus. Elle a un poids économique considérable en Russie, avec 1/3 du PIB de la Russie environ. Le CBD majeur de Moscou, la Moskva, le « Manhattan russe » symbolise les mutations de Moscou. C’est-à-dire le passage d’une ville industrielle à une ville tertiaire. En 2011, D. Medvedev mène un projet de 50 milliards d’euros pour faire de Moscou une « mégapole agréable à vivre », une ville au rayonnement mondial.

Le retour de la Russie sur la scène internationale s’est aussi fait par le biais du soft power. On peut penser par exemple à de nombreux évènements dans le domaine du sport. La Russie pratique ce que C. Bromberger définit comme une « diplomatie du sport » dans Le Football, la bagatelle la plus sérieuse du monde. La Russie a organisé en 2014 les jeux olympiques d’hiver à Sotchi, puis la coupe du monde de football en 2018. Tout cela participe d’un « nation branding » ou marketing national. En dehors du domaine sportif, la Russie a été l’hôte du sommet de Vladivostok pour l’APEC en 2012 ou du sommet du G20 de Moscou en 2013.

C’est aussi par une présence remarquée sur de nombreux dossiers internationaux que la Russie opère son retour en grâce sur la scène internationale. En Syrie, la Russie a soutenu le régime de Bachar el-Assad depuis le début du soulèvement en 2011 et a utilisé son droit de veto pour empêcher une intervention militaire en 2013. Ce soutien s’explique par des intérêts commerciaux car la Russie vend des armes aux Syriens, et Gazprom a des intérêts en Russie. C’est aussi pour des intérêts militaires car la Russie a une base militaire à Tartous. Enfin, on évoque parfois pour la Russie un « pouvoir de nuisance », soit ce pouvoir de contrarier la présence américaine au Moyen-Orient.

Les ressorts de la puissance russe pour ce renouveau

La Russie possède de nombreux atouts structurels sur lesquels elle s’appuie pour ce renouveau. Tout d’abord la Russie a un territoire gigantesque. Cette « sixième partie du monde » a un sous-sol riche. Elle est riche en nickel, bauxite, a de gigantesques ressources en hydrocarbures et encore d’autres avantages comme ses bassins houillers. La Russie est le 1er producteur mondial de gaz naturel et le 3ème producteur mondial de pétrole derrière l’Arabie Saoudite et les USA. La Russie possède 18% des réserves prouvées en gaz naturel. Ces capacités de production créent des dépendances en Europe. En effet, la Russie produit 40% du gaz importé par l’Union Européenne. La première entreprise gazière russe, Gazprom est détenue à 50% par l’État, compte 400 000 personnes et gère 80% du gaz russe.

La Russie a aussi un héritage historique fort. A commencer par son siège permanent au conseil de sécurité de l’ONU, aujourd’hui difficilement justifiable. Elle a également hérité par l’URSS d’un réseau d’ambassades étendu et conserve d’étroits liens avec Cuba, la Corée du Nord, l’Irak, la Syrie, le Vietnam… La Russie a aussi hérité d’un important complexe militaro-industriel (arsenal conventionnel nucléaire, programmes spatiaux) pour complimenter son hard power.

La Russie s’appuie en outre sur le volontarisme de son président, Vladimir Poutine. Depuis l’an 2000, le président Russe a véritablement transformé son pays. Après les années Boris Eltsine, Poutine a voulu restaurer l’image de la Russie et a toujours eu pour souci de se présenter en miroir inversé d’Eltsine. Ça a commencé par la mise au pas des oligarques qui avait trop de pouvoir en Russie, avec l’emprisonnement de la première fortune du pays Khodorkoski en 2004. Il écope d’une peine très sévère et donne plutôt l’impression d’être emprisonné pour l’exemple. Même au niveau de la personnalité du dirigeant, à l’alcoolisme de Boris Eltsine Poutine s’oppose une figure sportive. Vladimir Poutine bénéficie dans une certaine mesure d’un culte de la personnalité en Russie.

Vladimir Poutine et Medvedev s’attachent aussi à faire de la Russie une thalassocratie. Comme le disait Pierre le Grand : « Ne vous méprenez pas sur la Russie, elle n’a que trop de terres, c’est de l’eau seulement qu’elle doit chercher ». Cela passe par la modernisation de la flotte marchande et de guerre, mais aussi par la relance de la route maritime du Nord. Cette voie commerciale reliant Vladivostok à Mourmansk est difficilement praticable mais peut potentiellement être encore plus rapide que le passage par Suez. Si elle ne compte que 100 passages par an contre les 18000 du canal de Suez à l’heure actuelle, la Russie a investit dans les brise-glaces à propulsion nucléaire pour changer la donne. Enfin la Russie s’attaque à l’Arctique, pour étendre sa Zone Economique Exclusive (ZEE). En 2007, elle plante un drapeau russe à 4000 mètres de profondeur au pôle Nord pour marquer son ambition.

Les incomplétudes de la puissance russe

La Russie a toujours de grandes fragilités. C’est ce qu’explique G. Sokoloff dans Une puissance pauvre en 1993 et Le Retard russe en 2014.

La Russie souffre cruellement d’un manque de soft power. La présidence Poutine a marqué un rebond exceptionnel mais n’a pas été un idéal démocratique. JL Domenach parle pour la Russie d’un « compromis autoritaire » assez fragile. La justice paraît assez arbitraire avec l’emprisonnement non justifié des opposants comme Alexei Navalny. On notera aussi de multiples assassinats non élucidés d’opposants politiques comme B. Nemtsov en 2015 ou la femme journaliste A. Politkovskaïa.

La Russie traverse aussi un hiver démographique depuis 1991 avec la perte de 5 millions d’habitants. La baisse de la natalité et la surmortalité causée par l’alcool ne font pas bon ménage… Vladimir Poutine multiplie les politiques natalistes pour tenter de contrer cela. Il affirmait lors de son premier mandat que la Russie devrait avoir au moins 500 millions d’habitants ! La surmortalité infantile n’est pas non plus aidée par un environnement très pollué. Actuellement, on estime que 40% du territoire serait pollué, et 75% des eaux de surface seraient impropres. La capitale du Nickel Norislk est la ville la plus polluée au monde. L’espérance de vie y est inférieure de 10 ans à l’espérance de vie nationale.

Enfin, la Russie souffre de fragilités économiques certaines. Si son secteur tertiaire est en plein essor, il demeure handicapé par la corruption et par un droit des affaires encore assez flou. La Russie est notamment victime du mal hollandais. Le secteur de l’énergie représente 80% de ses exportations et 50% des revenus de l’État.

Pour conclure, la Russie est une puissance incontournable, mais reste une puissance de second plan. Elle occupe toutefois une place assez particulière sur l’échiquier international grâce à un héritage unique, et un territoire gigantesque. Bien conscient de ces forces, Vladimir Poutine fait preuve de volontarisme pour redorer le blason de l’Ours russe. Il entretient aussi un pouvoir de nuisance vis-à-vis des occidentaux. Ne négligez pas le pays des tsars pour vos révisions, il pourra être évoqué dans beaucoup de sujets!