fermeture prépa

Ce jeudi 29 octobre, en fin de soirée, la CPU (Conférence des Présidents d’Université), s’est pourfendue d’un tweet assassin à l’encontre des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE). Celui-ci relayait un communiqué de presse rédigé le même jour par la CPU.

En substance, la CPU y explique qu’elle comprend la mesure du passage au tout distanciel pour les cours à l’université – sauf pour certains travaux pratiques – annoncée par Emmanuel Macron mercredi, tout en déplorant le fait que cette décision creusera nécessairement les inégalités entre les étudiants “Si nos étudiants les plus brillants ou mieux armés sociologiquement pourront surmonter cette nouvelle épreuve, les plus fragiles risquent de décrocher irrémédiablement.

La seconde partie de ce communiqué de presse est sans équivoque : “La CPU tient à faire part de sa stupéfaction en apprenant que, dans le même temps, les classes préparatoires aux grandes écoles, dans les lycées, pourront rester ouvertes.

Chacun le sait, les classes préparatoires, souvent bondées, accueillent des élèves issus de milieux sociaux plus favorisés. Rien ne peut justifier, en dehors d’un réflexe sociologique de reproduction, une telle différence de traitement. Cette décision ôte toute crédibilité aux annonces du gouvernement en faveur de l’égalité des chances, dont il prétend faire son cheval de bataille.

Le dernier paragraphe est quant à lui teinté d’une certaine ambiguïté : “C’est un combat que les universités ne renonceront pas à mener. Les universités exigent de la part du gouvernement des gestes forts à l’attention des étudiantes et étudiants et de l’ensemble de la jeunesse : à commencer par un traitement équitable. Comme l’a indiqué le président de la République : « Il nous faut protéger les plus jeunes ». Les étudiants, tous les étudiants, méritent le soutien de la Nation.”

Mais qu’est-ce qui est passé par la tête des directeurs d’université affiliés à cette conférence ? Dans une période aussi complexe et anxiogène, on est en droit d’attendre une certaine solidarité, a minima de façade, des garants et des représentants de nos institutions. Le monde de l’enseignement secondaire et supérieur ne fait certainement pas exception. Tout d’abord, il s’adresse à des adolescents et des jeunes adultes fortement critiqués pour leur supposée désinvolture face à l’impératif sanitaire. Ce sont, d’autre part, les citoyens dont le mode mode de vie est sans doute le plus impacté, et donc dégradé, par les restrictions de liberté – certes nécessaires – que nous connaissons aujourd’hui.

Le fait de tirer un véritable boulet rouge sur les classes préparatoires lorsqu’on représente une institution qui rassemble plus de 60% des étudiants de supérieur est donc, avant toute chose, tout à fait inapproprié au vu du contexte actuel. Dans quel but, exactement ? Si la CPU estime dans son communiqué de presse que la décision prise par le gouvernement, bien que délétère, est “justifiée” par la gravité de la situation, elle demande quelques lignes plus tard un traitement “équitable” après avoir cité nommément le cas des classes préparatoires.

L’objectif de cet grief est donc à peine voilé : la CPU exige, en brandissant le totem de la sacrosainte égalité des chances, la fermeture des classes préparatoires le temps du confinement. Demander au vu et au su de tous la restriction d’une liberté accordée à une autre filière sous prétexte qu’elle vous a été retirée, quand cette dernière est infiniment moins importante en termes d’effectif (environ 85 000 étudiants, toute filière confondue)  ; le procédé peut interroger. Il traduit sans aucun doute la nervosité latente d’une institution ébranlée comme tout un chacun par la crise du Covid-19, mais aussi déstabilisée par les récentes réformes de Parcoursup puis du lycée.

Le propos devient carrément nauséabond quand on s’attarde sur la manière dont l’argument massue de l’égalité des chances est ici utilisée : “Chacun le sait, les classes préparatoires, souvent bondées, accueillent des élèves issus de milieux sociaux plus favorisés. Rien ne peut justifier, en dehors d’un réflexe sociologique de reproduction, une telle différence de traitement.”. On comprend en creux que le “passe-droit” octroyé aux classes préparatoires est le fruit d’une certaine connivence avec l’exécutif, enclin à favoriser la reproduction des élites au détriment du levier d’ouverture sociale que représente l’université. Difficile de faire mieux en termes de diabolisation des classes préparatoires ; preuve que les stéréotypes et autres images d’Epinal sur la prépa sont tenaces, même parmi les plus respectables acteurs de l’enseignement supérieur.

C’est oublier un peu rapidement que les BTS, qui accueillent en proportion davantage d’étudiants boursiers que les universités, ont aussi l’autorisation du gouvernement de maintenir les cours en présentiel. Cette omission de la CPU relève au mieux de la maladresse, au pire d’une volonté avérée d’utiliser malgré tout un argument tout à fait fallacieux, bien que terriblement efficace.

Il faut aussi rappeler que les classes préparatoires, tout comme les BTS, sont installés au sein des lycées qui, eux, maintiennent les cours en présentiel pour les étudiants du secondaire. Ces deux filières ne sont par ailleurs pas rattachées au Ministère de l’Enseignement Supérieur, mais à celui de l’Éducation Nationale. Il y a donc bien des différences fondamentales de conditions d’enseignement entre l’université d’une part et les prépas ainsi que les BTS d’autres part, différences qui peuvent justifier un hiatus dans les mesures imposées.

Surtout, les cours dispensés aux préparationnaires se font dans des salles qui accueillent au maximum une quarantaine de personnes. Si ces dispositions ne permettent pas la distanciation d’un mètre recommandé entre les étudiants, on est tout de même bien loin des images d’amphis surpeuplés qui ont fait le tour des chaines d’information et des réseaux sociaux en octobre et qui sont statistiquement plus enclins à propager le virus. Rappelons également que les travaux pratiques à l’université, dont le format se rapproche d’un cours de prépa et où la valeur ajoutée du présentiel par rapport au distanciel est importante, sont bel et bien maintenus à quelques exceptions près !

Un mot enfin sur le prétendu caractère élitiste des classes préparatoires. Il est dommage de devoir rappeler dans de pareilles circonstances certaines évidences ; la CPU nous oblige néanmoins à le faire. Précisions donc que les CPGE, toute filière confondue, accueillent en leur sein près de 30% d’élèves boursiers. Les classes préparatoires ne se limitent pas à quelques lycées d’excellence fréquentés par la bourgeoisie parisienne ou provinciale : ces dernières maillent tout le territoire et recrutent dès 11-12 de moyenne générale au lycée.

Elles sont aussi comme les filières universitaires quasi-gratuites et, fait important, les concours ne favorisent pas ou peu ceux qui ont les moyens de payer des organismes parascolaires. La qualité de l’enseignement et de l’accompagnement proposée par les prépas publiques est telle que les chances sur la ligne de départ sont réellement identiques, quelle que soit l’origine sociale des étudiants. La prépa est donc, par essence, méritocratique et vecteur d’ascension sociale.

Certes, il existe aussi des prépas privées fort onéreuses, notamment pour les filières économiques et commerciales. Mais leur valeur ajoutée par rapport à l’offre publique et gratuite est plutôt marginale. On pourrait parler à l’inverse des filières les plus sélectives de l’université – le droit et la médecine notamment – au sein desquelles l’égalité des chances est de plus en plus remise en cause par toute une kyrielle d’officines privées. Nous soutenons à ce titre un projet qui permet de préparer 100 % gratuitement les ECNi.

Entendons-nous bien, l’objectif de cette réponse n’est certainement pas de jeter l’opprobre sur l’université et ses présidents : les semaines à venir seront effectivement difficiles pour la filière dans son ensemble, et les dégâts psycho-sociaux induits par ce reconfinement pour ces populations d’étudiants – notamment les plus précaires d’entre eux – sont encore incommensurables. Dans le climat actuel, nous appelons, à notre modeste échelle, les acteurs de l’enseignement secondaire et supérieur à faire bloc face à la crise plutôt qu’à se déchirer sur la place publique. Les décisions prises par l’exécutif, certes discutables, sont avant tout pragmatiques dans le contexte que l’on connait aujourd’hui… avec toutes les difficultés qu’elles supposent.