Quelques mots sur l’auteur et son ouvrage

« UNE FEMME REGARDE EN ELLE POUR Y RETROUVER LE MONDE »

 

  • Cette phrase résume bien l’intention d’Annie Ernaux lorsqu’elle entame la rédaction de son œuvre Les Années qu’elle publiera en 2008. Cette autofiction n’a pas pour but la quête de soi mais au contraire, elle a été écrite pour retrouver la mémoire collective.
  • Elle construit le récit de son histoire, de l’histoire du monde au travers de différentes photos qu’elle décrit tour à tour. Même si ses photos sont les siennes et qu’elles retracent l’histoire de sa vie, c’est surtout l’histoire collective et la mémoire qui va avec qu’elle cherche à retrouver. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle n’utilise pas le « je » mais bien le « elle », afin de se mettre le plus à distance possible.

« Oui. On nous oubliera. C’est la vie, rien à faire » – Tchekhov

Ecrire pour ne pas oublier

  • Le titre évoque d’ores et déjà le passage du temps ou plutôt sa fuite. L’écriture apparaît alors comme une sorte de mémorial qui sauve quelque chose du temps où l’on ne sera plus jamais.
  • Il y a une haute importance de la mémoire dans tout le roman avec la récurrence du déjeuner familial du dimanche, rituel familial qui est devenu le lieu et le moment où s’entretenait le lien des plus jeunes avec un passé qu’ils n’avaient pas connu, au travers des récits des plus âgés, récits de guerres notamment.

Construire la mémoire de tous

  • Finalement, Ernaux n’écrit pas sa vie mais s’en sert pour « reconstituer un temps commun ». Elle retrouve par sa conscience critique une vaste sensation collective et donne accès à une mémoire collective.
  • Prenons un exemple assez concret : l’épisode de l’exode rural aux pages 131-135. Elle fait le choix d’emprunter la 3ème personne du pluriel (ils), ce qui donne une certaine extériorité, mais elle utilise aussi la 1ère personne du pluriel (nous), ce qui fait que non seulement elle s’inclut dans cette génération, cette partie du « ils » mais surtout elle fait de ce moment un moment qui lui appartient et qui appartient à tous. Elle emploie également les infinitifs pour rendre ce moment impersonnel et faire de cette expérience personnelle un phénomène collectif.  Cette expérience individuelle est finalement gravée dans la mémoire de tous en vérité collective.
  • C’est aussi parce qu’elle emploie un langage parfois trivial, qu’elle préfère au passé simple (qu’elle juge trop littéraire) l’imparfait (qui lui permet de mieux rendre le glissement de ces années) et qu’elle écrit de façon à ce que tout le monde la comprenne qu’elle parvient à construire cette mémoire collective, cette mémoire du monde et de l’histoire. Elle présente la littérature comme un conservatoire de ce qui disparaît, d’un monde partagé à un moment donné par l’auteur et le lecteur.
  • C’est moins l’âme de l’individu qui est présentée ici qu’une sensibilité, une façon de sentir. L’âme devient collective.

En bref :

  • L’écriture est une sorte de mémorial
  • La mémoire individuelle permet d’accéder à une mémoire collective, bien plus importante aux yeux d’Annie Ernaux
  • Ecrire permet de ne pas oublier
  • Ecrire, c’est permettre à tous de connaître la vérité collective
  • Le lien familial permet aussi de conserver les souvenirs, la mémoire des anciens ainsi que l’histoire
  • Elle choisit de partir de ses expériences personnelles, individuelles pour créer des phénomènes collectifs
  • Citations intéressantes :

« Toutes les images disparaîtront »

 

« En retrouvant la mémoire de la mémoire collective dans une mémoire individuelle, rendre la dimension vécue de l’Histoire. »

 

« Une existence singulière donc mais fondue aussi dans le mouvement d’une génération »

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