Quelques mots sur l’auteur et son ouvrage

La Boétie est un philosophe de la Renaissance, et est l’auteur du Discours de la servitude volontaire publié en 1574. C’est à ce philosophe que Montaigne rendit hommage lorsqu’il écrivit dans ses Essais « Parce que c’était lui, parce que c’était moi » dans son chapitre consacré à l’amitié. La Boétie fut également Conseiller au Parlement de Bordeaux dès l’âge de 23 ans, ce qui lui offrit une expérience de la politique.

Dans son Discours de la servitude volontaire, La Boétie cherche à comprendre l’origine de la servitude volontaire. Pourquoi les hommes consentent-ils à être les esclaves d’un seul homme, dont tout le pouvoir provient de leur consentement ?

On pourrait ainsi croire que les hommes ont un goût naturel pour la servitude puisqu’ils consentent à obéir au tyran. Or, La Boétie affirme que les hommes, à l’état de nature, sont libres et égaux. Il faut ainsi comprendre quelles sont les causes historiques contingentes, et donc non nécessaires, responsables de cet état de servitude où sont les hommes, et qu’ils chérissent tant.

Problématique

La Boétie pose les questions suivantes : d’où vient la servitude volontaire ? Comment y échapper ?

Thèse

D’après le philosophe, les hommes ont perdu la mémoire de leur liberté naturelle. Une fois que la liberté est perdue, soit par l’effet de la force soit par la tromperie, les hommes oublient qu’ils ont été libres et cessent de désirer retrouver cette liberté perdue.

Selon lui, pour échapper à cet état de servitude, il faut se remémorer sa liberté naturelle : seuls les esprits à la fois instruits et doués d’une raison supérieure, peuvent libérer le peuple de leur despote.

I – L’habitude nous fait oublier notre liberté naturelle 

1) La liberté naturelle

D’après La Boétie, à l’état de nature, les hommes sont libres et naturellement égaux. Nous sommes non seulement naturellement libres, mais nous avons également, à l’état de nature, le désir de défendre avec ardeur cette liberté.

Pour prouver que l’homme est naturellement libre, il suffit d’observer les bêtes sauvages. Nous pouvons ainsi nous apercevoir qu’il y a chez tous les animaux un goût naturel pour la liberté, et qu’ils la défendent de toutes leurs forces. La Boétie s’appuie sur l’exemple des poissons, des éléphants, des chevaux, etc.

Si même les animaux, qui sont au service de l’homme, détestent leur état de servitude, quelle est la cause historique contingente qui pourrait expliquer l’oubli par les hommes de leur état ?

2) La force et la tromperie font naître la servitude

Si l’on demandait à un homme « neuf », qui n’aurait pas connu l’état de servitude ni possédé le goût de la liberté, de choisir entre la sujétion et la liberté, d’après La Boétie, il choisirait raisonnablement la dernière.

Ainsi, si les hommes à l’état de nature ne souhaitent pas être asservis, seules la contrainte ou la tromperie peuvent expliquer le passage de la liberté naturelle à la servitude.

3) L’habitude fait perdurer la servitude 

Si la force et la tromperie expliquent l’origine de la servitude, elles ne permettent pas de comprendre la permanence de cet état. Une fois que les hommes ont perdu leur liberté naturelle, ils oublient la valeur de celle-ci et s’accoutument à leur état de servitude. C’est pourquoi il n’est pas nécessaire de faire un usage permanent de la force pour que les hommes acceptent d’être esclaves.

« Les hommes nés sous le joug, puis nourris et élevés dans la servitude, sans regarder plus avant, se contentent de vivre comme ils sont nés et ne pensent point avoir d’autres biens ni d’autres droits que ceux qu’ils ont trouvés ; ils prennent pour leur état de nature l’état de leur naissance. »

L’habitude a plus de pouvoir sur nous que la nature. Si l’on n’entretient pas les germes que la nature a semés en nous, et que l’habitude va à l’encontre de ceux-ci, alors nous perdons nos traits naturels, qui sont remplacés par des traits culturels. La Boétie insiste sur l’idée, propre aux Humanistes, que c’est l’éducation qui forge l’homme, davantage que la nature.

II – Seuls les esprits aiguisés et instruits peuvent se remémorer leur liberté naturelle 

1) Le portrait des Humanistes

Seuls les hommes doués d’une raison et d’un esprit fin peuvent se remémorer leur liberté originelle. Ils affinent d’autant plus cet esprit lorsqu’ils étudient et augmentent leur savoir. Les hommes ordinaires ne peuvent se souvenir de ce dont ils n’ont pas eu l’expérience sensible : c’est pourquoi, du fait des limites de leurs facultés, ils ne peuvent se souvenir de leur liberté originelle. C’est la puissance de l’imagination des Humanistes, dont l’esprit et la raison sont supérieurs, qui leur permet de se remémorer un état qu’ils n’ont pas connu et ainsi de ressentir ce dont ils n’ont pas eu l’expérience. C’est une mémoire qui se fonde sur l’imagination et sur la raison, et non sur l’expérience, comme pour le commun des mortels.

« Ceux-là, quand la liberté serait entièrement perdue et bannie de ce monde, l’imaginent et la sentent en leur esprit, et la savourent. »

C’est par cet effort de l’imagination et de l’intellect, appuyé par le savoir et par la connaissance, que la raison les enjoint à détester naturellement la servitude et à vouloir s’en libérer.

« Et la servitude les dégoûte, pour si bien qu’on l’accoutre. »

2) Les despotes détestent les savants

C’est pourquoi les tyrans ont toujours tenu à éviter qu’il y ait des savants et à tenir leur peuple dans l’ignorance. Ces Humanistes, en remémorant la liberté au peuple, peuvent faire tomber le despote.

C’est pourquoi ils représentent un danger pour le tyran, tout comme leurs ouvrages. La Boétie prend l’exemple du grand Turc qui se méfie des livres qui donnent « aux hommes le sentiment de leur dignité et la haine de la tyrannie ».

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