thème culture générale le monde

Vous le savez sans doute déjà, et sinon Major-Prépa vous l’apprend : le thème de culture générale (ou plutôt de Lettres et Philosophie désormais) sera l’année prochaine Le Monde. Nous avons demandé à Frédéric Brétécher, professeur en prépa du côté de Nantes, son avis sur ce nouveau millésime.

N’hésite pas à lire notre première analyse globale du thème « Le monde » avec déjà de nombreuses mentions à des références utiles !

Que penser de ce thème 2023 ? S’inscrit-il en continuité ou en rupture avec les thèmes abordés ces dernières années en carré/cube ?

Ce thème est un très beau thème, qui rend honneur au principe d’hybridation qui est un moteur puissant du continuum CPGE-GE. Hybridation car rarement un thème aura autant que “Le monde” donné la possibilité à tous les enseignements dispensés en EC d’entrer en correspondance, pour faire résonner et raisonner des échos qui devront trouver leur unité formelle dans la dissertation de Culture Générale, rebaptisée Lettres et Philosophie. Sans doute, comme pour “Aimer” qui nous aura occupé durant ces derniers mois – et il est pire chose que d’être occupé à aimer et à penser aimer -, “le monde” sonne moins spontanément “concept philosophique” que d’autres thèmes sur lesquels nous avons pu travailler les années précédentes (la parole, le corps, l’imagination, le désir, etc), encore que le thème a été inscrit à l’agrégation de philosophie. Ce choix me semble donc cohérent avec l’esprit pluridisciplinaire de la formation des étudiantes et des étudiants, et, plus encore, avec l’esprit de notre enseignement de Lettres et Philosophie.

C’est aussi le premier sujet, non pas de Culture Générale, mais bien de Lettres et Philosophie ! Est-ce que cela change quelque chose au fond ?

Qu’il me soit permis d’être franc : “Lettres et Philosophie” donne la lettre quand “Culture générale” en suggérait l’esprit. Lettres et Philosophie sont bien les deux socles sur lesquels s’appuient d’abord notre enseignement; mais dans cette appellation sans doute faut-il mettre en avant la conjonction de coordination “et” qui joue ici parfaitement son rôle, central : les deux enseignements ont chacun à dépasser leur cadre pour se coordonner et donner au “monde” toutes ses dimensions. Ainsi, ici comme ailleurs, les mots sont-ils amenés à suggérer, à évoquer plus de choses qu’ils ne semblent d’abord dire. Il ne s’agira donc pas, ni pour les enseignants ni pour les candidats, d’être prisonniers de cette gangue sémantique dont il sera amené à extraire l’or.

Sur le thème en lui-même : quels seront les grands enjeux de celui-ci pour les étudiants ? Est-ce un thème “difficile” ?

Si le thème était facile, il ne vaudrait pas le peine que l’on lui consacre des mois. Alors, fort heureusement, “le monde” est vaste et ouvre sur de nombreux enjeux qu’il s’agira peu à peu d’approcher, chemin faisant. Sans entrer ici dans les détails du thème, ce qui sera en tout cas intéressant consistera d’abord à confronter la notion au singulier, qui pourrait nous amener à confondre le monde et l’univers, au Tout grec, et le vécu que nous avons du monde qui nous pousse à reconnaître qu’il existe non pas un mais des mondes, et peut-être même un nombre infini de mondes que nous devons, faute de pouvoir tous les connaître, au moins imaginer. Par confort nous avons tendance à penser le monde comme notre monde, parce qu’il nous est un réel accessible. Mais nous savons depuis Montaigne (et bien avant lui pour dire vrai) que “le monde n’est qu’une branloire pérenne”. Il s’agira donc de se laisser ébranler par lui et avec lui ébranler nos certitudes pour mieux penser un thème qui s’annonce complexe et riche.

 Y-a-t-il des auteurs tout à fait incontournables ?

Je vais jouer l’esquive : la grande liberté de notre enseignement repose précisément sur le fait qu’il n’y a pas d’attendu de la part du jury, si ce n’est de produire une dissertation intelligible et intelligente. Il serait donc parfaitement déplacé de ma part de donner ici des auteurs qui, à mes yeux, seraient incontournables quand ils ne le seraient pas pour d’autres collègues : inutile de déclencher une guerre des mondes. Je pense que nous sommes tous en train d’élaborer nos bibliographies. Je ne doute pas que des auteurs classiques s’y croiseront et se retrouveront. C’est d’ailleurs la grande vertu des grands auteurs que de savoir nous éclairer, parfois de fort loin, en tissant dans leurs œuvres  des liens lumineux avec d’autres thèmes pour créer des motifs originaux. Je pressens donc déjà une vraie difficulté à choisir parmi le corpus possible ceux des auteurs que nous serons amenés chacune et chacun à proposer aux préparationnaires pour les amener à élaborer avec eux et leur propre culture une réflexion authentique.

 

Pour finir, passer de “Aimer” au “Monde”, c’est une bonne situation pour un futur cube ?

Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise situation lorsque l’on cube. On a pour soi d’avoir déjà été confronté à la réalité de la composition en situation de concours. C’est évidemment un atout précieux. On sait aussi mieux comment gérer sa préparation. En revanche, le thème est nouveau et tout est à construire, ce qui met le cube dans la même situation que le carré, avec même cette tentation, qui est souvent piège, et que l’on observe parfois, de vouloir réinvestir dans le nouveau thème des éléments du précédent. Je vois déjà poindre des “aimer le monde”, “rendre le monde aimable”, “haïr le monde/son monde”, etc. Pourtant, les concepteurs des sujets sont précisément vigilants à ne pas superposer deux thèmes consécutifs afin d’offrir à chacune et chacun une chance égale d’élaborer une réflexion originale nourrie d’une culture générale vivante et authentique.