Feu

« Il est temps de dire assez. Assez de brutaliser la biodiversité. Assez de nous tuer nous-mêmes avec le carbone. Assez de traiter la nature comme des toilettes. Assez de brûler et forer et extraire toujours plus profond. Nous creusons nos propres tombes. Au lieu de continuer à exploiter la planète, choisissez de sauvegarder notre avenir et de sauver l’humanité. » Tels sont les mots forts employés par Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU, qui fustige l’addiction des États aux énergies fossiles !

Tenue depuis 1995, la Conférence des parties tient lieu de sommet entre États signataires de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Reportée d’un an en raison de la crise sanitaire, la COP26 a eu lieu du 31 octobre au 12 novembre 2021 à Glasgow au Royaume-Uni. 196 pays étaient présents pendant deux semaines afin de débattre des enjeux climatiques et d’aboutir à des conclusions et décisions concrètes. Des représentants de gouvernements, de villes, de régions et d’ONG ont également pris part à ces semaines de débats. Malheureusement, selon certaines ONG et activistes, cette conférence ne fut pas suffisante pour atteindre des objectifs clairs et précis pour l’environnement.

La COP26, synonyme de dernière chance ? 

Comme le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) l’a révélé, l’objectif de rester en dessous des 2 °C, voire 1,5 °C, de réchauffement global par rapport à l’ère industrielle s’éloigne et cela devient inquiétant. 

Ce sommet est décisif pour plusieurs raisons : il doit finaliser les règles d’application de l’Accord de Paris, adopté en 2015, car, pour l’instant, les mécanismes pour réduire les émissions ne sont pas opérationnels. Il doit également rehausser l’ambition climatique et renforcer l’Agenda de l’Action pour encourager la coopération entre États et acteurs non étatiques. 

La réalité est que les émissions de CO2 devraient baisser d’ici 2030 et qu’elles continuent d’augmenter depuis 2015. Mais aucune inversion de tendance ne se profile à l’horizon. La Conférence des parties devait donc être d’une importance cruciale pour répondre à ces enjeux climatiques.

Ecoute aussi notre podcast « La Pause géopolitique » sur la géopolitique du réchauffement climatique : 

Quid des décisions prises lors de la COP26 ?

Après d’innombrables négociations et tractations, les États ont finalement trouvé un accord, néanmoins parsemé de faiblesses selon le Secrétaire général de l’ONU. Loin de répondre à toutes les attentes, il maintient à peine en vie l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C fixé par l’Accord de Paris.

Ce texte engage les pays à revoir dès 2022 leur plan climat et leurs objectifs de réduction des émissions, mais en prenant compte des circonstances nationales. À savoir donc qu’il existe des sortes de dérogations auxquelles les États peuvent recourir. 

Mais un retournement de situation a eu lieu peu de temps avant la sortie du texte. L’Inde est montrée du doigt car elle a demandé un changement de dernière minute avec l’accord de la Chine, qui n’était pas présente au sommet. La requête était que le mot « sortie » du charbon soit changé en « réduction » du charbon. Requête que beaucoup de pays ont fustigée au vu de son annonce tardive. 

La neutralité carbone est-elle possible ?

Cet accord reste encore très flou. 80 pays responsables des ¾ des émissions à effet de serre (CO2) ont promis la neutralité carbone pour 2050/2060, voire 2070 pour l’Inde, mais sans évoquer précisément les moyens pour y parvenir. Il y a certes des engagements de long terme, mais il manque des éléments concrets qui permettent d’avoir confiance dans la réalité. L’enjeu reste donc la mise en œuvre rapide et efficace de ce texte.

Toutes les grandes puissances sont responsables (Europe, EU…), mais plusieurs pays sont pointés du doigt. La Russie, le Brésil, l’Australie et la Chine (responsables des ⅔ des unités de charbon de la planète) et l’Inde ont refusé d’approuver à 100 % la sortie du charbon dans le futur. Certes, la Chine essaie de se réformer : Pékin a dévoilé la construction de 150 réacteurs nucléaires. Pour autant, cette transformation n’est pas très rapide. 

Quelles sont les bonnes nouvelles ?

Plusieurs thématiques se sont retrouvées au centre des discussions parmi plusieurs groupes d’États (mobilité, sortie du charbon, méthane). Des textes, pourtant non contraignants et parfois flous, ont été adoptés avec comme but commun la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ces derniers n’engagent donc que les pays qui y croient.

Un groupe de 26 pays, dont la France, reste déterminé à maintenir la hausse des températures à 1,5 °C. Pour cela, ces pays s’engagent à réduire de moitié leurs émissions d’ici 2030 et incitent tous les États à atteindre le « zéro émission nette » en 2050.

Les énergies fossiles

Il a fallu attendre Glasgow pour qu’apparaisse sur la table le sujet des énergies fossiles. Un tout nouveau sujet de discussion et d’engagement s’est donc dévoilé à la COP26. L’initiative « Beyond oil and gas » (BOGA) entend fixer une date de sortie progressive de l’extraction de pétrole et de gaz. 12 pays, consolidés par l’alliance entre le Costa Rica et l’Allemagne, souhaitent informer la communauté internationale des alternatives à cette production qui couvre 80 % des besoins énergétiques mondiaux. Pour plus de visibilité, cette question sera soutenue par ces pays lors des prochaines étapes de diplomatie internationale.

Dans cette même thématique, 23 pays ont annoncé vouloir arrêter leur consommation de charbon, comme la Pologne, pourtant très dépendante de cette ressource. Cet engagement apparaît comme « historique » puisqu’il s’agit de la toute première déclaration solennelle. 

Une coalition globale pour les énergies renouvelables a également été lancée. Regroupant des États, des industriels et des scientifiques, cette coalition promeut l’accélération de la construction de centrales solaires. 

Le méthane, la déforestation et les voitures thermiques furent également des sujets de discussion. 105 pays souhaitent abattre les émissions de méthane de 30 % d’ici 2030. Plus de 100 pays se donnent l’objectif d’arrêter la déforestation d’ici à 2030 grâce à 17 milliards d’euros de financement. Plus d’une trentaine d’États et de constructeurs automobiles veulent cesser de construire des véhicules thermiques d’ici 2035/2040.

Les sommets et la diplomatie

La diplomatie est le pilier des sommets internationaux. Pour autant, ces derniers ne suffisent pas pour gérer les problèmes structurants de notre époque. Pour que la diplomatie fonctionne, il faut que tous les protagonistes soient présents. Malheureusement, le numéro un chinois était absent. 

Le monde traverse une crise de confiance. La paralysie des organisations multilatérales se fait sentir. Sur un sujet comme le climat, on pourrait espérer que les divergences politiques et les intérêts nationaux s’effacent devant un intérêt commun à sauver la planète. En vain. Peut-on vraiment coopérer sur le climat quand on s’oppose sur tout le reste ? Les Européens (pas tous…) veulent y croire, mais le climat de méfiance internationale pèse lourdement sur les sujets. L’absence de Xi Jinping en est le symbole le plus frappant. 

Pour pouvoir constater des résultats, il est nécessaire d’avoir une action coordonnée de tous les gouvernements, en même temps et dans la même direction.

Quid de la géopolitique entre pays ? 

L’Inde, montrée du doigt par sa requête, n’est pas la seule à blâmer. En effet, les pays occidentaux/riches demeurent des obstacles pour atteindre des objectifs de limitation des émissions, notamment par leur réticence à financer les dommages dont ils sont responsables et leur « sur-représentation » à ces sommets.

L’Afrique reste en effet un continent sous-représenté aux négociations de la COP26. L’accord conclu le samedi 13 novembre met en lumière la marginalisation des pays africains. La question du financement est toujours en suspens. Seulement une vingtaine de chefs d’État et de ministres africains ont pu se rendre à cette conférence, eu égard des conditions sanitaires, mais aussi de la question du coût du logement et du transport. À l’inverse, les grandes entreprises y ont assisté sans problème, accompagnées de leurs lobbyistes pro-énergies fossiles.

Cette faible représentation aggrave les rapports de domination des pays occidentaux sur les autres pays. En effet, sans une représentation équitable, les négociations penchent vers les intérêts économiques et politiques des pays occidentaux. La fracture se fait toujours sentir. 

La COP26 : une mesure suffisante ?

L’accord reste très peu ambitieux. Aucune mesure n’a été prise pour les pertes et dommages subis par les populations des pays en développement. Plus encore, l’enjeu du financement pour l’aide à l’adaptation est ajourné à une prochaine COP. Les pays en développement exigent des financements sous forme de dons, et non sous forme de prêts, car ils ne sont pas historiquement responsables de la crise climatique. Les pays riches ont malheureusement été réticents et ont rejeté cette proposition. Ils ont dû accepter un texte qui prévoit seulement la mise en place d’un dialogue à ce sujet. 

Les pays occidentaux ont manqué à leur devoir. La COP26 n’a pas répondu aux attentes de la société civile ni à celles des pays en développement. Ces derniers subissent durement les effets du réchauffement climatique et demandent plus de représentativité et de justice de la part des pays riches. Les paroles de ces derniers ne soutiennent pas de mesures concrètes. Le fiasco de Glasgow ôte l’engouement dévoilé à la suite de l’Accord de Paris. Ce n’est pas l’image qu’on attendait de la COP26, à savoir un tournant crucial, décisif et ambitieux. La clôture de ce sommet rend compte de ce désenchantement. Le président de la COP26, Alok Sharma, fit un discours accablant, au bord des larmes, comprenant la « déception de certains ».

Quelle suite pour le climat ?

Une question se pose pour l’avenir : les indicateurs habituels (à savoir maintenir la hausse de température à 1,5 °C) sont-ils suffisamment mobilisateurs pour les opinions publiques ? Il semblerait que non, puisque cela serait plus parlant de pouvoir accéder au suivi du nombre de centrales à charbon et à gaz dans chaque pays, du nombre de véhicules électriques, du nombre de logements isolés…

Désormais, il faut compter sur le rôle de la société civile pour faire pression sur les États, c’est-à-dire les ONG qui sont dans la position du « dire » et non du « faire ». Il est certain qu’il est 100 fois plus facile pour ces dernières d’agir dans les démocraties, mais elles sont indispensables dans ce contexte.

Pour avoir une vision globale, n’hésite pas à consulter cet article qui te donnera toutes les informations concernant le climat.