Une progression du niveau de santé mondial

Le rapport de l’OMS 2016 fait état de progrès à différents niveaux. L’espérance de vie, indicateur le plus courant, a augmenté de 3 ans chaque décennie depuis les années 1950, et de 5 ans entre 2000 et 2015, avec une augmentation plus significative en Afrique.En 2015, l’espérance de vie est de 71,4 ans : 29 pays ont une moyenne supérieure à 80, mais 22 pays – tous situés en Afrique subsaharienne – sont en-dessous de 60 ans. Toutefois, d’autres indicateurs peuvent être utilisés pour saisir des problématiques sanitaires précises :

  • L’espérance de vie à la naissance : l’écart entre l’Afrique et l’Europe a été réduit de 4,9 ans depuis 2000 !
  • L’HLE (Healthy life expectancy) qui soustrait les années vécues en mauvaise santé, intéressant pour apprécier la hausse des maladies chroniques et de l’incapacité dans les pays vieillissants.

Ces indicateurs sont toutefois à relativiser : on estime que plus de la moitié des morts dans le monde ne sont pas enregistrées, et la plupart des données sont obtenues au moyen d’enquêtes-terrain très biaisées. De plus, en dépit de ces progrès, des défis majeurs persistent, dont la plupart sont réunis dans les 8 Objectifs du millénaire pour le développement, énoncés en 2000. Il s’agit :

  • De réduire l’extrême pauvreté et la faim ;
  • D’assurer l’éducation primaire pour tous ;
  • De promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes ;
  • De réduire la mortalité infantile ;
  • D’améliorer la santé maternelle ;
  • De combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies ;
  • D’assurer un environnement durable ;
  • De mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

Les principales causes de mortalité et défis dans le monde

Les causes de mortalité les plus courantes dans le monde sont les maladies non transmissibles, qui représentent près de 3/4 des décès des adultes de plus de 15 ans, puis les maladies transmissibles et les pathologies maternelles, périnatales et nutritionnelle, et enfin les traumatismes. La répartition diffère selon l’avancement de la transition sanitaire et le contexte socioéconomique dans les régions du monde : en Afrique, seul 1 adulte sur 3 décède d’une maladie non transmissible contre 9 sur 10 dans les pays développés.

  • La transition épidémiologique/sanitaire (notion introduite par Abdel Omran) est la période de baisse de la mortalité qui accompagne la transition démographique. Les maladies infectieuses disparaissent progressivement au profit des maladies chroniques et dégénératives et des accidents. 

Les modifications des modes de vie à la fin du XXe siècle, couplées à une croissance démographique rapide, ont mené au développement ou à la résurgence de maladies infectieuses et parasitaires (choléra, paludisme, dengue), tandis que de nouvelles maladies se sont répandues comme le sida. Elles ont également rendu nécessaire la considération des maladies non infectieuses (cancer etc.) et des facteurs aggravants comme la consommation de tabac ou la pollution de l’environnement.

Les divergences des causes de mortalité s’observent à tous les âges. 5,9 millions d’enfants âgés de moins de 5 ans sont morts en 2015. La mortalité infantile est nettement plus importante en Afrique subsaharienne, où un enfant sur 12 décède avant ses 5 ans. On observe une forte inégalité de la prise en charge des accouchements : la proportion assurée par un personnel de santé compétent diffère jusqu’à 80% entre les groupes les plus riches et les plus pauvres.

Les maladies infectieuses et parasitaires sont la principale cause de décès des enfants dans le monde en développement. La malnutrition – qui concerne 2,5 milliards de personnes dans le monde – et la sous-nutrition – 900 millions – sont également à l’origine de nombreux maux. Cette malnutrition est aussi à l’origine de nouveaux enjeux comme le surpoids, qui concerne près de 2 milliards de personnes actuellement.

Chez les adultes de 15 à 59 ans, l’infection au VIH est devenue la principale cause de décès : en 2006, 3 millions de décès ont été provoqués par le SIDA, dont 80% en Afrique subsaharienne. Certains pays d’Afrique australe comptent en effet plus d’un quart de séropositifs dans leur population totale : les femmes, pour des raisons physiologiques et sociales, sont plus exposées. Or, dans cette région très affectée, seul un quart des malades bénéficie d’une thérapie antirétrovirale. Le manque de ressources, de volonté politique et la discrimination subie par les personnes séropositives contribuent à la lenteur des progrès réalisés en matière de prévention.

Evolution du nombre de personnes vivant avec le VIH

Un accès inégal aux soins sanitaires

L’accès aux médicaments est un facteur clé du niveau de santé dans le monde. Il est considéré comme un droit fondamental par la Constitution de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) de 1946 : « La possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de l’être humain ». L’ONU reconnaît également la nécessité de rendre universellement accessible les soins de santé primaires : la vaccination des grandes maladies infectieuses, la prévention et le contrôle des endémies locales, ou encore le traitement des maladies courantes. L’enjeu éthique est très fort.

Pourtant, deux problèmes se posent : la disponibilité des médicaments, et leur accessibilité. Les laboratoires de l’industrie pharmaceutiques, sociétés privées, poursuivent par conséquent une logique de rentabilité qui guide leurs investissements en R&D. Ils n’ont aucun intérêt à investir dans de la recherche ciblant les maladies prévalant dans des pays insolvables : ainsi, sur les 1393 nouveaux médicaments commercialisés entre 1975 et 1999, seuls 13 concernaient les maladies tropicales dites « négligées ». Plus révélateur encore : 87% des ventes de médicaments sont réalisées dans les pays industrialisés, qui ne représentent que 18,7% de la population mondiale.

La recherche de rentabilité des laboratoires peine toutefois à occulter les enjeux éthiques et leur rôle qui consiste à « découvrir, développer et commercialiser des produits pour prévenir et guérir les maladies, soulager la souffrance et améliorer la qualité de vie » (Rapport Novartis 2006). Les brevets étant attribués pour une durée de 20 ans, les laboratoires ont tendance à s’adresser aux populations solvables et ) segmenter le marché en conséquence : le Lamivudine par exemple, médicament anti-VIH le plus courant, était vendu en 2000 20% plus cher en Afrique que dans 10 pays industrialisés. En découle la nécessité pour les pays pauvres d’atteindre l’expiration des brevets pour accéder à des génériques moins coûteux.

Quelques moyens ont été mis en place pour répondre aux besoins des populations nécessiteuses. Certains fournisseurs ont par exemple recours à l’equity pricing en indexant le prix des médicaments sur le pouvoir d’achat des habitants, et les ONG bénéficient de ristournes sur les ventes (UNFPA, premier acheteur de contraceptifs, a droit à des remises de -99% !). Toutefois, les avancées majeures ont été réalisées à l’encontre des laboratoires, avec le procès Pretoria en 2003 : 39 entreprises pharmaceutiques, liguées contre le gouvernement sud-africain qui avait justifié la copie de médicaments brevetés par une urgence nationale, ont vu leurs accusations ébranlées. L’OMC a déclaré dans le cadre des médicaments une dérogation à l’accord sur la propriété intellectuelle en autorisant l’émission de licences obligatoires en cas d’extrême urgence, et la possibilité pour les pays producteurs d’exporter des génériques dans le cadre de ces licences.

Une responsabilité qui n’incombe pas qu’aux laboratoires pharmaceutiques

L’accessibilité aux soins médicaux relève aussi en grande partie de la couverture médicale fournie par les Etats. On peut déplorer un manque d’efficacité dans la distribution des produits, un manque de personnel soignant ou encore une faiblesse des établissements de santé. L’allocation des ressources est révélatrice de ces carences : dans les pays en développement, seuls 3% du PNB sont consacrés aux dépenses de santé, soit deux fois moins que dans les pays industrialisés. Le corollaire est que seulement 20% des dépenses des foyers sont prises en charge par le secteur public, contre 63% dans les pays industrialisés. Dans les pays à revenus faibles et intermédiaires, le budget santé est considéré comme catastrophique lorsqu’il dépasse 25% du budget total d’un foyer : or, le système de santé y est souvent dépendant de l’épargne des ménages. Même les Etats-Unis ne sont pas considérés comme performants de ce point de vue du fait de l’iniquité de l’accès aux soins (50% de dépenses privées !).

De plus, il est difficile d’estimer l’inégalité de couverture entre les groupes d’un même pays. Selon Amat-Roze, géographe, le fossé entre les PED et les pays développés est moins important que « entre les hommes pauvres, où qu’ils soient, et tous les autres ». L’urbanisation renforce ces inégalités d’accès en scindant les villes : alors que le nombre de personnes vivant en ville doit passer de 54% à 60% en 2030, les risques de maladies et de blessures sont plus élevés dans les ghettos et bidonvilles, où l’accès aux établissements de santé est faible.
Pour compenser les faiblesses institutionnelles de certains Etats, d’autres acteurs peuvent entrer en scène dans le cadre de partenariats privé-public, comme les fondations (Bill & Melinda Gates par exemple) ou les ONG (la Croix rouge, Handicap international, Médecins du monde).