Analyse des termes du sujet

C’est toujours par là qu’il faut commencer : l’analyse des termes du sujets doit amener, et donc justifier, à la fois votre problématique et tout votre développement. Il s’agit donc d’expliquer tous les termes du sujet, en les liant entre eux. Pour donner du sens au sujet, il faut leur donner une réalité par rapport au cadre chronologique et géographique que vous devez déterminer, en les justifiant, bien sûr.

Il est ici très clair que le sujet interroge la réalité de l’idée selon laquelle il y a un Empire américain. Il s’agit donc de bien voir en quoi les Etats-Unis répondraient à la définition de l’Empire, et de savoir en quoi cette idée d’Empire américain relèverait du mythe, du fantasme, de l’imagination.

L’Empire se caractérise par une tension entre l’incorporation d’un nombre toujours croissant de populations tout en maintenant une différenciation entre elles ; certaines étant traitées comme alliées, d’autres comme clientes, d’autres comme tributaires. Il y a bien une réalité impériale, une forme de domination de la part des Etats-Unis, qui exercent une hégémonie sans être un Empire formel. Comme concept, l’Empire est un désir d’absorption et de soumission universelle, d’unification territoriale et politique, de dépendance des sujets. L’Empire a vocation à s’étendre, à conquérir et à le faire avec une parfaite bonne conscience car il pense apporter l’unité, la paix, le progrès. C’est particulièrement vrai dans le cas des Etats-Unis, qui fondent entièrement leur Empire sur cette idée qu’ils sont là pour apporter au monde le modèle parfait qu’ils incarnent. Enfin, l’Empire est toujours un processus, il n’est jamais stabilisé car se heurte à des prétentions concurrentes et à des résistances.

Le mythe de l’Empire américain repose sur les images qui circulent et sur les Etats-Unis. Depuis la fin du XIXeme siècle, à l’échelle mondiale, ce pays s’est construit sur des valeurs largement diffusées par la culture populaire de masse (l’eldorado, le pays de tous les possibles, le rêve américain) et les actions du pays de par le monde (les soldats américains amenant la liberté et la démocratie dans le monde). Le soft power travaille à la construction des mythes que génère l’Empire américain.

La tournure du sujet nous invite donc à réfléchir d’une part à interroger la réalité de l’Empire américain, mais également à interroger le décalage éventuel entre les mythes qui circulent et qu’il répand à son sujet, entre théorie et réalité impériale.

On peut ici faire démarrer sa réflexion dès la fin du XIXème siècle, car c’est là que commence à se construire l’Empire américain. Néanmoins, le programme, commençant en 1945, et la matière ne manquant pas sur le sujet, il peut être judicieux de se contenter d’évoquer les éléments importants pour le sujet avant 1945 en introduction, sans leur accorder trop d’importance dans le développement, d’autant plus que ce n’est qu’à partir 1945 que l’Empire américain prend toute son envergure (avant la seconde guerre mondiale, l’Amérique est isolationniste).

La problématique

Elle doit avoir la forme d’une unique question (c’est très important ; si en culture générale poser plusieurs questions peut être très pertinent et fécond, en géopolitique, cela ne fait que disperser votre réflexion). Elle résulte de l’analyse, et doit être à la fois précise (ne pas se disperser) et large (ne pas passer à côté d’un aspect important du sujet). La problématique doit rester simple et intelligible ; le correcteur va corriger plus d’une centaine de copie, il est donc primordial de ne pas lui faire perdre de temps avec une problématique à rallonge ou trop alambiquée. Idéalement, vous devez privilégier l’articulation entre un constat et une question. Il s’agit de poser un débat auquel vous devez être capable d’apporter une réponse claire et précise.

L’idée d’un Empire américain depuis 1945 ne relèverait-elle donc pas du mythe plus que de la réalité effective ?

L’annonce du plan

C’est une étape obligatoire. Elle permet au correcteur de voir si oui ou non il y a construction d’une démonstration, ce qui est l’ossature indispensable au développement.

Depuis 1945, les Etats-Unis étendent leur hégémonie sur le reste du monde, de sorte que l’Empire américain devient une réalité. Cette réalité donne lieu au développement de mythes, qui contribuent à fonder et à consolider l’Empire. Mais l’Empire américain et ses mythes sont néanmoins souvent contestés, voire rejetés.

L’accroche

Il faut introduire le sujet par une citation, une référence bibliographique, un évènement historique ou d’actualité. Idéalement, on réécrit ou on reformule le sujet en fin d’accroche. Vous ne trouvez l’accroche qu’après avoir terminé les étapes précédentes, de façon à être sûr de ne pas fausser votre angle d’attaque du sujet à cause d’une accroche qu’on veut caser à tout prix, sans qu’elle ait de lien réel avec le sujet.

Ici, l’idéal semble d’opposer deux figure politiques qui se contredisent sur la question, l’une affirmant que l’Amérique est un Empire, l’autre qu’elle ne l’est pas. Le choix ne manque pas, mais en devoir sur table, on aura pas forcément ses deux références à disposition. Dans ce cas, il faudra donc trouver de quoi illustrer à la fois la réalité impériale américaine et son côté mythique ; un exemple géopolitique semble ici le plus pertinent, car c’est sans doute de ce côté-là que la tension mythe-réalité est la plus forte.

Introduction rédigée

            Dans un article paru en 1998 dans la revue Foreign Policy (The Benevolent Empire), le néo-conservateur Robert Kagan affirmait sa conviction selon laquelle les Etats-Unis sont un « Empire bienveillant », indispensable au bon fonctionnement du monde. Cette vision des Etats-Unis comme Empire fait cependant débat, et Barack Obama déclarait en 2013 à l’assemblée générale de l’ONU que « l’idée d’Empire américain est peut-être une propagande utile, mais elle n’est pas étayée par la politique de l’Amérique ni par l’opinion publique ». L’Empire américain, mythe ou réalité ?

Depuis la fin du XIXème siècle, avec la guerre de 1898 contre l’Espagne, qui les voit prendre le contrôle de Cuba et des Philippines, les Etats-Unis semblent s’affirmer comme Empire. Entre la « Big Stick Policy » et la diplomatie du dollar, ils exercent en effet une domination à tous les niveaux (économique, politique et militaire) sur les Caraïbes, l’Amérique centrale et les Philippines, se créant ainsi un Empire de proximité. Croyant en leur « Destinée Manifeste », en leur mission d’étendre leur modèle démocratique au monde entier, ils affirment la vocation universelle de cet Empire, et se pensent comme « venus pour racheter le monde en lui donnant liberté et justice » (Wilson). Avec leur victoire de 1945, cette volonté impériale semble s’être concrétisée ; sans être un Empire formel, les Etats-Unis exercent une hégémonie sur une vaste partie du globe, et sont vus par le reste du monde comme un Empire. Mais cette idée d’Empire américain repose largement sur des mythes, sur une vision amplifiée par l’imaginaire collectif, diffusés depuis le XIXème siècle par la culture populaire (rêve américain, pays de tous les possibles) et leur victoire de 1945 (soldats de la liberté et de la démocratie). L’idée d’un Empire américain depuis 1945 ne relèverait-elle donc pas du mythe plus que de la réalité effective ?

Depuis 1945, les Etats-Unis étendent leur hégémonie sur le reste du monde, de sorte que l’Empire américain devient une réalité. Cette réalité donne lieu au développement de mythes, qui contribuent à fonder et à consolider l’Empire. Mais l’Empire américain et ses mythes sont néanmoins souvent contestés, voire rejetés.

Développement

Il s’agit de construire, en trois parties, de construire une démonstration qui réponde à votre problématique. Au début de chaque partie, vous devez annoncer, très rapidement, son idée directrice, idem au début de vos sous parties. En fin de partie, il faut rapidement conclure, en résumant votre propos, afin de pouvoir bien former la transition. Celle-ci est faite à la fois de la conclusion de la partie en cours et de l’annonce de la partie suivante ; il s’agit de justifier l’existence la partie suivante, que ce soit en montrant qu’elle est la suite logique de la précédente, soit en explorant un autre aspect incontournable du problème.

            Par la construction d’une hégémonie globale, l’Empire américain devient une réalité depuis 1945.

De 1945 à la fin de la guerre froide en 1991, les Etats-Unis se construisent comme un Empire idéologique, économique et militaire. Avec leur victoire de 1945 à laquelle s’ajoutent l’effondrement global des puissances européennes et le début de la guerre froide avec l’opposition idéologique vis-à-vis de l’URSS, les Etats-Unis se posent en effet en « défenseurs du monde libre », ce qui se traduit surtout par une hégémonie politique, économique et militaire dans quasiment toutes les régions du monde. Hégémonie douce en Europe de l’Ouest, à travers l’OTAN, le plan Marshall et l’arrivée massive des produits américains sur le marché européen. Hégémonie brutale, au contraire, en Amérique latine, avec le soutien apporté aux dictatures anti-communistes, l’aide à la répression des mouvements de gauche et l’organisation de coups d’Etat, contre Allende au Chili en 1973, par exemple, aussi bien pour préserver leur Empire économique que pour contenir l’influence soviétique. Les Etats-Unis développent également des réseaux de domination dans les autres régions, en occupant le Japon et en lui imposant un nouveau modèle politique, pour instaurer par la suite une coopération solide. Toujours en Asie, ils se posent en protecteurs de Taiwan et de la Corée du Sud, et nouent au Moyen-Orient des alliances avec l’Arabie Saoudite et la Turquie, d’ailleurs intégrée dans l’OTAN. La victoire de 1945 leur permet également de diffuser leurs principes dans une grande partie du monde, avec l’ONU et le GATT ainsi qu’à travers les institutions internationales nouvellement crées à leur initiative (Banque mondiale, FMI). Les accords de Bretton-Woods, signés en 1944, contribuent à établir une solide domination monétaire, qui continue avec le passage au système de changes flottants. Les Etats-Unis ont ainsi mis en place un réseau de puissance sans égal sur les plans idéologique, économique et militaire, et exercent à la fin de la guerre froide une hégémonie sur une grande partie du monde.

Avec la fin de la guerre froide, cet Empire américain s’étend et se renforce encore. En effet, les Etats-Unis se retrouvent sans rival comparable et disposent d’une puissance sans commune mesure. Ils sont donc en capacité d’étendre encore leur Empire : la victoire sur l’Union soviétique consacre leur triomphe idéologique, qui se traduit, entre autres, par une extension du GATT qui devient l’OMC en 1995. D  ‘autre part, la chute de l’URSS leur offre l’accès à de nouveaux marchés, ce qui leur permet d’étendre et de renforcer l’influence économique et culturelle, déjà exceptionnelle, consécutive à leur victoire de 1945. Ce passage à un monde unipolaire dominé par l’hyperpuissance américaine, pour reprendre l’expression d’Hubert Védrine, se traduit également par une extension de la présence américaine dans le monde : la chute de l’Union soviétique permet en effet aux Etats-Unis d’élargir l’alliance atlantique à de nombreux pays de l’ancien bloc de l’Est, ainsi que de renforcer leur présence en Afrique et au Moyen-Orient, avec, notamment, la création de l’Africom et l’intervention de 2003 en Irak, contre l’avis du conseil de sécurité des Nation Unies. L’idée d’Empire américain s’est bien concrétisée et semble être à son apogée. Fukuyama va jusqu’à parler de fin de l’histoire (Francis Fukuyama, La fin de l’histoire et le dernier homme, 1992) : pour lui, le modèle américain, à savoir la démocratie libérale à économie de marché, a définitivement triomphé idéologiquement, et est en passe de se réaliser effectivement. De même, Valladao prévoit la continuation et même le renforcement de cet Empire américain (Alfredo Valladao, Le XXIème siècle sera américain, 1993) : attendu qu’ils sont seuls à disposer de tous les attributs de la puissance, ils resteront la puissance hégémonique du siècle à venir. [Conclusion-Transition] L’Empire américain est donc bien une réalité depuis 1945, qui s’est construite sur les bases posées depuis la fin du XIXème siècle.

Cette réalité impériale américaine donne lieu au développement de nombreux mythes, qui participent justement de l’hégémonie américaine, en tant qu’ils contribuent à fonder l’Empire.

Les Etats-Unis sont en effet perçus à raison comme un Empire économique, et le fait d’être vus comme tels leur permet de renforcer encore leur attractivité. La domination de l’économie américaine sur l’économie mondiale est indéniable. Les firmes transnationales (FTN) américaines représentent à elles seules 18% du commerce mondial, et 35% de la capitalisation boursière mondiale, et sont pour bon nombre d’entre elles implantées partout dans le monde, comme Coca-cola ou Colgate. Si l’on y ajoute les acquisitions d’entreprises étrangères (Opel par General Motors, par exemple) ou la participation dans des groupes étrangers, il s’agit en fait d’une véritable américanisation de l’économie mondiale, après l’américanisation des principes économiques comme on l’a vu plus haut. D’autre part, la puissance de la finance américaine, à travers les grandes banques et fonds d’investissement américains (JP Morgan, Goldman Sachs, Black Stone Group …) est également indéniable ; le poids de Wall Street dans la finance mondiale est patent lors de la crise de 2008. La réalité de l’Empire économique américain est donc si forte qu’elle génère des mythes, comme le mythe d’une économie mondiale totalement dominée et contrôlée par les Etats-Unis au profit de leurs entreprises. Cet Empire économique se retrouve également dans le secteur du numérique et des nouvelles technologies, très largement dominé par les entreprises américaines de la Silicon Valley, comme Google, Facebook ou Amazon. Mais cette puissance-là incarne aux yeux du reste du monde la capacité des Etats-Unis à se renouveler et à toujours être à la pointe de la technologie. Ce perpétuel dynamisme économique fait rêver, fascine, et porte encore le rêve américain : aussi bien les entrepreneurs originaires du monde entier qui partent dans la Silicon Valley que les immigrés en provenance d’Amérique Latine voient dans les Etats-Unis un « eldorado » économique, le mythe né au XIXème qui présente les Etats-Unis comme pays de tous les possibles est encore bien vivant. Ainsi les Etats-Unis apparaissent-ils grâce à ces mythes comme un pays incroyablement attractif sur le plan économique, un modèle à imiter.

De même, la domination géopolitique des Etats-Unis sur le reste du monde repose largement sur l’image mythifiée de la puissance américaine. Suite à leur victoire de 1945, les Etats-Unis, devenus première puissance militaire mondiale, seuls, alors, à disposer de l’arme atomique, subjuguent une grande partie du monde, et endossent alors le costumes de soldats de la liberté et de la démocratie, puis celui de défenseurs du monde libre, face à l’Union soviétique. En effet, les Etats-Unis sont perçus pendant toute la guerre froide, du moins en Occident, comme seuls capables de défendre efficacement les valeurs de liberté et de démocratie, et de soutenir leur diffusion dans le reste du monde. La puissance militaire américaine s’est encore renforcée à la fin de la guerre froide : le seul budget militaire américain représente aujourd’hui environ 37% du budget militaire mondial, leurs interventions en Afrique et dans les Balkans dans les années 1990 comme l’intervention en Irak en 2003 demeurent d’extraordinaires démonstration de force et d’efficacité militaire, même si celles-ci ne se sont pas forcément traduites par des succès stratégiques par la suite. Autour de cette puissance incontestable, qui demeure la première au monde, s’est construit le mythe de la toute puissance américaine et des Etats-Unis gendarmes du monde, notamment dans les années 1990 et au début des années 2000. Les Etats-Unis s’imposent aux yeux du reste du monde comme la « nation indispensable », selon le mot de Madeleine Albright, secrétaire d’Etat de Bill Clinton, à la cause de la liberté dans le monde. Portés par leur « mythologie » de la destinée manifeste, les Etats-Unis s’affirment comme défenseurs de la liberté et de la démocratie dans le monde, et se donnent pour fonction, pour rôle dans l’ordre mondial la réalisation de la mission dont ils se sentent investis ; « conduire l’humanité à l’utopie dont [ils] sont la première réalisation », selon la formule de Molnar (Thomas Molnar, Le modèle défiguré. L’Amérique de Tocqueville à Carter, 1978), et le reste du monde accepte alors, dans la majorité, cette mythologie ce qui le rend plus à même d’accepter l’Empire et sa légitimité. En effet, cette mythologie américaine de la destinée manifeste se diffuse dans le reste du monde, et participe donc directement de la puissance des Etats-Unis, attendu qu’elle leur permet de légitimer leurs actions sur la scène internationale aux yeux du reste du monde, elle est le fondement de leur auctoritas, de leur légitimité morale qui leur permet de justifier leur action.

Enfin, la puissance incomparable de l’industrie culturelle américaine participe incontestablement au développement et à la diffusion au reste du monde de toute la mythologie impériale américaine. En effet, cette industrie représente depuis longtemps le premier poste d’exportation pour les Etats-Unis, et a permis la diffusion de la culture américaine dans le monde entier depuis 1945 puis 1991. Ainsi le cinéma américain représente-t-il 71% du marché cinématographique en Europe, et certain films américains sont devenus des phénomènes culturels d’envergure mondiale, comme on a par exemple pu le voir avec l’engouement mondial qu’a suscité la sortie du huitième volet de la saga Star Wars. La même réflexion s’applique à l’industrie musicale américaine, ainsi qu’au monde des séries télévisées ; qui contribuent tout autant à diffuser la culture américaine, à rendre attractif l’american way of life. Cette puissance de l’industrie culturelle américaine se traduit également dans le secteur de l’économie numérique, dominée par les firmes américaines, notamment le GAFAN (Google, Apple, Facebook, Amazon, Netflix). Toute cette influence culturelle qu’exercent les Etats-Unis sur le reste du monde contribue très largement à imposer partout leur narration des évènements, leur vision du monde et de l’histoire, et donc tous leurs mythes. En effet, l’industrie culturelle américain est avant tout l’expression de la vision américaine du monde, et donc en particulier de la façon dont ils se perçoivent et pensent leur rôle dans le monde. A travers leur industrie culturelle, c’est l’identité, les valeurs, l’univers mental américain qui s’impose, les spectateurs du monde s’identifiant à ce qu’ils voient. En faisant accepter le mythe national américain, l’Empire américain s’en trouve ainsi renforcé, car il est de fait accepté comme une réalité, une donnée évidente, voire positive ; on retrouve ici l’idée de « l’Empire bienveillant » de Robert Kagan, évoquée plus haut. Ce n’est en effet pas simplement par l’affirmation de leurs bonnes intentions que les Etats-Unis peuvent y faire croire, mais avant tout parce que leur mythologie impériale s’exprime dans leur industrie culturelle qui parvient à la faire accepter dans le reste du monde, tant elle est efficace. [Conclusion-Transition] Il est donc clair que la réalité impériale américaine dépend très largement sur de tous ces mythes.

L’Empire américain relève ainsi du mythe autant que de la réalité : il repose pour partie sur les mythes qu’il génère. Mais l’Empire et ses mythes sont souvent contestés, voire rejetés, au point de le fragiliser.

Le rejet de l’Empire américain est avant tout le fait de puissances rivales ou des « sujets », pour ainsi dire, de l’Empire. Ainsi pendant la guerre froide l’Union soviétique s’affirme-t-elle dans l’opposition totale aux Etats-Unis, et, prenant acte de la réalité impériale américaine, adopte une ligne « anti-impérialiste », pour susciter le rejet de cet Empire dans le reste du monde. Dans le même temps, elle cherche d’ailleurs à développer, contre l’Empire américain, son propre Empire et ses propres mythes. Depuis les années 2000, la Russie et la Chine ont peu à peu repris ce rejet de l’Empire américain, et tentent de le faire reculer, notamment en s’attaquant à ses mythes en les déconstruisant. Aussi la Russie s’emploie-t-elle, notamment depuis l’intervention de l’OTAN en Libye, en 2011, à déconstruire le mythe de « l’Empire bienveillant » en mettant en relief les contradictions et les hypocrisies de la politique extérieure américaine depuis la fin de la guerre froide : il s’agit pour la Russie de délégitimer le discours américain sur la scène internationale, d’expliquer que cet Empire américain n’a rien de bienveillant, mais qu’il ne sert au contraire que le seul intérêt des Etats-Unis, au détriment des nations dominées, sans avoir le souci réel des droits de l’homme et de la démocratie libérale. A travers les BRICS, la Russie et la Chine, avec d’autres puissances émergentes, ont (donc) mis en œuvre des moyens conséquents pour proposer des alternatives à l’impérialisme américain, comme avec la création en 2014 de la banque de développement des BRICS, et par conséquent l’affaiblir, sans d’ailleurs nécessairement afficher des prétentions équivalentes à celles des Etats-Unis ou développer une mythologie impériale. D’autre part, certaines puissances alliées ont ainsi parfois contesté certaines politiques américaines, comme la France sous la présidence du général de Gaulle, ou la France et l’Allemagne lorsqu’elles se sont, en 2003, fermement opposées à l’intervention américaine en Irak. On rencontre également des mouvements de contestation de l’idéologie associée à l’Empire américain : les mouvements dits anti ou altermondialistes, qui refusent le libéralisme économique qui prévaut en occident depuis les années 1980. D’autres mouvements rejettent de façon plus radicale encore la domination de l’Empire américain, et vont jusqu’à prendre les armes et s’engager dans des conflits contre les Etats-Unis, comme l’organisation terroriste Al-Qaeda, ou l’Etat Islamique apparu en Irak et en Syrie depuis 2014.

Mais l’Empire américain et ses mythes sont également contestés et rejetés en son cœur même, paradoxalement, chez les Américains eux-mêmes. En effet, depuis l’échec de l’intervention en Irak, les Américains apparaissent désabusés, et semblent souhaiter une politique plus isolationniste. Ne voyant plus, notamment depuis la crise de 2008, les bénéfices de l’Empire et de son idéologie libérale, une grande partie de la population semble ne plus y croire, et vouloir renoncer à l’Empire, ou du moins dans la forme qu’il a pris depuis la fin de la guerre froide. C’est justement en partie sur cette ligne qu’a fait campagne le candidat républicain Donald Trump ; à savoir que l’Empire américain ne profite pas, ou plus, au peuple américain, et qu’il est donc nécessaire de le repenser, d’en abandonner certaines modalités, pour le propre bien les Etats-Unis et des Américains. On pensera en particulier à sa condamnation des interventions en Irak et en Libye ainsi qu’à son refus de faire tomber Bachar-el Assad en Syrie, sur fond de realpolitik : qu’un futur président américain affirme, avec le soutien d’une partie non négligeable de l’opinion, que les Etats-Unis peuvent très bien s’entendre avec des dictateurs, du moment qu’ils ne nuisent pas aux Etats-Unis, marque un changement majeur dans la narration, dans la mythologie impériale. On peut en un certain sens y voir un renoncement partiel à l’idéologie messianique américaine traditionnelle : sans cesser de croire en la supériorité de leur modèle et de leur civilisation, les Etats-Unis ne sembleraient plus vouloir à tout prix les exporter et « racheter le monde en lui donnant liberté et justice ». Les Etats-Unis assumeraient ainsi d’être les défenseurs de leurs propres intérêts avant tout, et non plus les mythiques gendarmes du monde, soldats de la démocratie. Cette volonté de renoncement partiel à l’Empire se retrouve également sur le plan économique : les Américains ont se sont retrouvés dans la dénonciation par Donald Trump d’une mondialisation qui profiterait certes aux entreprises américaines, mais pas à la population américaine. Aussi a-t-il commencé, à peine installé à la maison blanche, à défaire les avancées de ses prédécesseurs en matière de libre-échange, perçu comme une menace, non pas pour les entreprises américaines, mais pour les intérêts économiques des Etats-Unis et de la population américaine. On voit donc monter un mouvement de contestation de l’idéologie américaine traditionnelle, dominante depuis 1945. La récente décision Trump de limiter l’engagement financier des Etats-Unis dans le fonctionnement de l’ONU en est une preuve supplémentaire.

Ces contestations et ce rejet croissant de l’Empire et de ses mythes mettent ainsi en doute leur permanence future. En effet, les mythes de l’Empire américain, comme on l’a vu, sont fortement remis en question, voire rejetés, jusqu’au sein même de la population américaine : les Etats-Unis n’apparaissent plus aux yeux du reste du monde, ni même auprès de la plupart de leurs alliés, comme cet Empire bienveillant et prospère, ce modèle qu’ils ont un temps été pour une grande partie du monde. Si les Etats-Unis attirent toujours, notamment grâce à la bonne résistance de leur économie, la crise économique de 2008 a irrémédiablement remis en question la légitimité de l’idéologie libérale jusqu’alors promue par les Etats-Unis, au point qu’ils en viennent eux-mêmes, comme on l’a vu, à la remettre en question. Cette remarque est également valable sur le plan géopolitique : si de nombreux pays désirent toujours bénéficier de la protection des Etats-Unis, comme les pays d’Europe orientale face à la Russie, par exemple, ils n’apparaissent plus comme garants de l’ordre et de la paix aux yeux du reste du monde, à cause de leurs échecs depuis les années 2000, notamment en Irak et en Libye, et rechignent eux-mêmes de plus en plus à assumer ce rôle, comme les propos de Donald Trump sur l’OTAN le laissent entendre. Comme l’explique Olivier Zajec (Olivier Zajec, La nouvelle impuissance américaine, 2011), du fait de la fin de leurs mythes, les Etats-Unis ne perdent pas leur rang de première puissance mondiale, leur puissance restant incontestablement supérieure, mais ils perdent l’auctoritas qui leur donnait jusqu’alors « le pouvoir d’écrire et d’imposer les règles du jeu dans leur style propre et selon leurs intérêts », et donc leur fonction impériale. Les Etats-Unis ne semblent donc plus pouvoir, du fait de la crise de légitimité consécutive à l’effondrement de leurs mythes, maintenir leur Empire, d’autant que celui-ci est remis en question, comme on l’a vu plus haut, par des puissance rivales, émergentes ou ré-émergentes, qui, sans afficher des ambitions comparables, refusent la domination des Etats-Unis. La fin du mythe impérial paraît être la cause, certes partielle, de la fin à venir de l’Empire américain.

Conclusion

C’est la dernière impression que vous laissez au correcteur, il vous faut donc tâcher de la soigner particulièrement. Sans être fleuve, elle ne doit pas non plus être indigente. Il peut être bon de réécrire votre problématique, afin d’y répondre très clairement. Après avoir répondu à la problématique, il faut ouvrir sur un débat plus large (mais pas trop non plus, les formules passe-partout, recyclables pour n’importe quel sujet, sont à bannir ; le lien avec le sujet ne doit pas être trop lointain), ou bien illustrer cette réponse finale par un exemple.

L’idée d’un Empire américain depuis 1945 ne relèverait-elle pas du mythe plus que de la réalité effective ? Il y a bien depuis 1945 un Empire américain, qui repose sur la réalité indéniable d’une hégémonie globale qui se veut mondiale. Mais cet Empire repose également sur les mythes générés par cette réalité hégémonique, et la réalité de l’Empire dépend très largement de l’acceptation de ces mythes par le reste du monde. Aussi l’Empire américain relève-t-il aussi bien du mythe que de la réalité, et les deux sont souvent contestés, voire rejetés, à tel point que leur permanence future s’en trouve aujourd’hui menacée, tant la mythologie impériale américaine a été mise à mal ces dernières années. L’élection de Donald Trump semble avoir marqué, de la part de la population américaine, à la fois un rejet partiel de l’Empire et de ses mythes, et la prise de conscience d’une impossibilité de se maintenir en tant qu’Empire global.