Alors que l’Europe doit faire face à une menace terroriste accrue, une Russie qui entend revenir militairement sur la scène géopolitique mondiale, une Chine qui augmente son budget militaire de 10% par an depuis une décennie, et des budgets de défense nationaux  qui ne cessent de se réduire au sein de l’Union, la question d’une politique de défense commune en Europe, voire d’une armée européenne, se pose aujourd’hui avec acuité.

Pourtant l’enjeu n’est pas nouveau. Depuis la fin de la guerre, de nombreuses ébauches et tentatives de politique de défense européenne furent initiées, mais elles se sont toujours heurtées à la réticence des Etats à déléguer cet aspect essentiel de leur souveraineté. A l’origine, les pères de l’Europe avaient voulu en faire le ciment de la construction européenne, avant de se rabattre sur la coopération économique après avoir éprouvé l’échec d’une Europe politique.

Voici la chronologie des avancées et échecs de la construction d’une politique de défense européenne depuis 1945 :

  • 1948: accords de Bruxelles, création d’une union militaire entre  France R-U et Benelux dans une optique de protection contre l’Allemagne. Se transforme en l’Union de l’Europe Occidentale (UEO), intègre rapidement l’Allemagne et les autres Etats européens. Organisation qui existe pendant longtemps mais végète, notamment car phagocytée par l’OTAN (alors même qu’elle se voulait être une alternative à cette dernière) avec le parapluie nucléaire. Dissoute en 2011, devenue obsolète avec le traité de Lisbonne qui stipule déjà que les pays se doivent mutuelle assistance.
  • 1954: Echec de la Communauté Européenne de Défense (CED), rejetée par le parlement français. Marque la fin de l’espérance de l’établissement rapide d’une politique sécuritaire commune européenne.
  • 1975: Conférence d’Helsinki, qui marque le retour d’une certaine coopération entre les deux Europe. Création de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) chargée de veiller au caractère démocratique des élections des pays membres (35 pays européens+ 40 aujourd’hui) et d’assurer la sécurité du continent par la diplomatie et la coopération militaire. Existe et agit toujours, on l’a vu lors de la crise Ukrainienne, où des observateurs de l’OSCE ont été retenus prisonniers.
  • 1992 : Avec Maastricht, mise en place de la Politique Etrangère et de Sécurité Commune (PESC). Il existe un tout petit Etat-major européen (≈10 personnes) (contre 2500 à l’OTAN). Elle a mené quelques opérations avec succès :
    • Atalante contre le piratage,
    • Atémis au Congo,
    • Eufort au Tchad.
  • 2004: Création d’une Agence Européenne de la Défense qui coordonne les interventions et gère une force d’intervention rapide.

En 2008, la France retrouve l’OTAN après que le Général de Gaulle l’en ait fait sortir (1966). Cette initiative venant d’un pays pourtant favorable à la mise en place d’une Europe de la défense réelle n’est-elle pas la preuve que les pays Européens n’ont plus vraiment d’espoir de trouver un terrain d’entente ?

Pourtant peut-on encore espérer que les pays européens gardent une force militaire d’envergure, capable d’agir de manière efficace lors d’interventions extérieures, alors que le coût de la défense semble de moins en moins supporté ? La mise en commun de forces militaires n’est-elle pas le seul moyen pour l’Europe de garder son rôle sur la scène géopolitique mondiale ? De même comment pouvoir instaurer une libre circulation viable en Europe sans garantir une bonne surveillance des frontières extérieures ? Les divergences des pays européens ces dernières années sur les thèmes économiques ou migratoires rendent peu probable un regain rapide de coopération. Pourtant, alors qu’il nous faut faire face à de nouvelles menaces, une politique commune de défense forte pourrait se révéler être un bon moteur pour relancer la construction européenne jusque-là trop amorphe.