Depuis son invention et sa commercialisation progressive au début du siècle dernier, l’automobile s’est très vite imposée comme un produit de première nécessité pour une écrasante majorité des foyers. Sa production, elle, est profondément ancrée dans la mondialisation, à la fois par l’assemblage des pièces dans la chaîne de production, et par la guerre des marques et la publicité dirigée vers le consommateur. Major-Prépa te propose de revenir sur les éléments essentiels liant automobile et mondialisation, sous forme notamment de plan chronologique (ce qui peut rapporter très gros à l’ESSEC), et synthétisant simplement les points clés de ce secteur parfois méconnu des étudiants.
Les termes du sujet
Revenons d’abord brièvement sur les termes du sujet.
La mondialisation : désigne l’ensemble des processus socioéconomiques, culturels, facilitant la mise en relation des sociétés du monde entier, aboutissant ainsi à la constitution d’un marché des biens, services et facteurs de production à la dimension de la Terre avec explosion des flux, constitution de réseaux réduisant délais et distances, répercussion de chaque grande crise à l’ensemble de la planète.
L’automobile : désigne l’industrie des voitures automobiles, un secteur économique dominant, concernant à la fois les équipementiers et les constructeurs.
Comment l’automobile est à la fois devenue acteur et reflet de la mondialisation ?
I – L’automobile s’est très tôt imposée comme un acteur clé de la mondialisation
1) L’apparition de l’automobile
L’automobile est une invention allemande, et est très vite devenue un produit de la mondialisation, bien qu’initialement centrée sur l’Europe. La première commercialisation d’automobile date des années 1870, avec par exemple L’Obéissante d’Amédée Bollée en France en 1873. En 1895, 350 automobiles circulaient en France, ce qui permettait déjà une première mise en réseaux des différentes parties du monde. Par la suite, le taylorisme et le fordisme ont permis la production de la première voiture de grande série, la Ford T, commercialisée de 1908 à 1927. À l’époque, les constructeurs sont français, italiens, anglais, américains ou allemands, et la chaîne de construction est moins internationalisée qu’aujourd’hui.
Avec les deux guerres mondiales, l’automobile est développée dans l’effort de guerre et c’est toute la technologie de l’époque qui connaît un nouvel élan. Alors, la « Affluent Society » théorisée par l’américain John Galbraith sur la société américaine des années 1950 rend compte de la nécessité pour les ménages américains de posséder une automobile. L’automobile est alors un symbole de liberté dans les sociétés occidentales, ainsi qu’un produit de nécessité dans les déplacements pendulaires.
2) Les crises des années 1970 rendent compte de l’impact global de l’automobile
Le pétrole est dans les années 1970 un moyen de pression énorme utilisé par les pays membres de l’OPEP. Avec le premier choc pétrolier de 1973, les prix à la pompe sont multipliés par quatre, et les consommateurs prennent conscience du caractère international et conjoncturel de leur voiture, dont l’utilisation repose sur des décisions ne dépendant pas d’eux. La crise du pétrole a ainsi entraîné une hausse des coûts d’utilisation et des coûts de production. L’histoire du syndicalisme est en outre étroitement liée à celle de l’automobile.
Alors, les deux chocs pétroliers vécus comme un début de « revanche des suds » vont implicitement permettre la suite de l’émergence des NPIA, qui s’insèrent dans la mondialisation par leur rôle dans la chaîne de production des automobiles. Pour minimiser les coûts et rester compétitifs, les grands groupes tels que Volkswagen, Renault, Ford ou General Motors, achètent et utilisent des pièces détachées issues de pays d’Asie, comme la Chine ou la Corée du Sud.
3) En retour, la gouvernance mondiale a permis l’essor de l’automobile dans la mondialisation, créant un nouvel ordre mondial
Les années 1990, à la fois par la robotisation plus performante et par le rôle de la gouvernance internationale, ont permis au secteur automobile de prendre un rôle dans le marché encore plus dynamique qu’auparavant.
Sur un plan différent, par le GATT en 1947 et la création de l’OMC en 1995, la baisse des tarifs sur les produits manufacturés a intensifié les flux industriels automobiles par une augmentation de la demande et de la production. La demande s’est accrue à la fois en Asie du Sud-Est par l’augmentation du niveau de vie de la population, et dans les pays du Nord par l’achat des deuxièmes voitures familiales. Les flux se sont intensifiés par la multiplication d’acteurs dans la production, comme par exemple le Brésil avec FNM, l’Indonésie ou le Mexique, pays qui émergent dans la mondialisation par les transferts de technologie.
II – Face aux crises et au nouvel ordre mondial, de nombreuses stratégies ont défini de nouvelles routes pour l’automobile
1) La crise de 2008 a montré la résonance mondiale du secteur automobile
La crise de 2008 et la faillite de General Motors, sauvé in extremis par le gouvernement américain la même année, ont tout de même eu pour conséquence de contracter le marché américain de 18 % en 2008 et de 21 % en 2009. Malgré la mise en place par le Département des Transports américains du « US Consumer Assistance to Recycle and Save Act program », mesure permettant d’attribuer 4000 dollars pour le remplacement du véhicule, le secteur de l’automobile est longtemps resté embourbé dans la crise. Le Big 3 américain ne contrôle en 2008 que 44 % du marché américain contre 67 % à l’an 2000. Au Japon, la crise automobile a un retentissement plus lourd qu’en Europe ou aux États-Unis, dû au haut degré de dépendance du secteur à l’exportation.
2) En réponse aux crises, de nombreux facteurs ont remodelé le secteur automobile
Revenons d’abord à la crise ayant suivi les deux chocs pétroliers. La suite des péripéties a vu par exemple le retour du néo-protectionnisme en Angleterre et aux États-Unis, avec par exemple la loi Super 301 en 1979 puis avec Clinton en 1999 (partie du Trade Act de 1974), une loi permettant au président américain de faire pression sur un groupe s’il ne renonce pas à des pratiques déloyales.
Par la suite, le contexte hautement concurrentiel de la mondialisation des années 1990 a par ailleurs mené à la formation d’accords d’auto-limitation entre par exemple l’UE et le Japon, ou les États-Unis et le Japon, afin, par la défense, de contrôler leurs prix.
L’effort par la suite dans la R&D en usine, par la poursuite de la robotisation dans l’automobile, est aussi apparu comme une réponse aux difficultés financières et commerciales que rencontrait le marché automobile. La poursuite en outre de la régionalisation, avec l’aboutissement de l’Alena et de l’UE, a changé le cap des échanges et des négociations automobiles d’un point de vue mondial.
3) Le paysage industriel automobile des pays du Nord s’est lui-même adapté dans la difficulté à la mondialisation
Depuis la fin des années 1990, et ce à cause de l’ouverture du marché à des pays offrant des conditions plus avantageuses et compétitives, la désindustrialisation dans certains pays du Nord, comme la France, l’Angleterre ou les États-Unis, s’est accélérée. En Europe, la désindustrialisation vers les pays de l’Est s’explique par l’entrée des PECO dans l’Union européenne. PSA Peugeot Citroën s’installe en République Tchèque, au Portugal, en Slovaquie, Renault à Tanger, en Roumanie, en Turquie.
Des pays comme la France, par conséquent, deviennent importateurs nets de voitures, Renault et PSA qui fabriquaient encore 2,8 millions de voitures en France en 2005, ont réduit ce chiffre à 1,7 million aujourd’hui. Aux États-Unis, la faillite de la ville de Detroit, « Motor City », devient tout le symbole du changement du paysage industriel dans les pays occidentaux.
III – Un secteur en mutation depuis les crises des années 1970
1) Une industrie automobile qui cherche à retrouver son prestige des années 1960
Face à l’émergence de l’idée d’une planète sale, l’automobile est au cœur de toutes les discussions. Le « dieselgate », l’affaire Volkswagen qui éclate en 2015, rend compte de l’activité sanitaire frauduleuse menée par le groupe allemand de 2009 à 2015, qui mentait sur la consommation réelle de CO2 et de NOX des véhicules par un système robotisé de contrôle. Au-delà d’importantes sanctions financières décidées par la Commission européenne en décembre 2016, c’est l’image entière de l’automobile qui fut marquée par ce scandale. Plus récemment, l’arrestation de Carlos Ghosn le 19 novembre 2018 a eu des répercussions sur le titre Nissan, qui a chuté de 11 % à la bourse allemande, et sur le titre Renault qui a chuté lui de 12 % à la bourse de Paris. Au-delà de ce lourd impact financier, ce sont les révélations sur ses activités frauduleuses qui ont contribué à la détérioration de l’image de l’automobile et de la manière dont le secteur est géré, faisant implicitement écho aux manifestations des « gilets jaunes » en France.
2) Certaines initiatives récentes tentent de dissocier l’automobile de son image polluante
L’entreprise Tesla, qui n’est plus dirigée par Elon Musk depuis novembre 2018, est un symbole de la modernisation de l’automobile.
Certaines initiatives, à l’échelle de la ville, cherchent à réinventer, ou parfois à contraindre, l’utilisation des véhicules motorisés. Circulation alternée ou fermeture des voies sur berges à Paris, interdiction de circuler dans certaines parties du centre-ville à Florence, autant d’initiatives pour changer l’utilisation de l’automobile.
Le projet d’autoroute RS1 dans la Ruhr, de Duisburg à Hamm sur une distance totale de 101 km, est une initiative lancée pour permettre aux vélos de circuler sur de longues distances. Là encore, les initiatives pour trouver des alternatives à l’automobile foisonnent. Le « pic de Hubbert », dit « peak oil », ayant été dépassé, les alternatives au pétrole sont de plus en plus recherchées.
3) Une mondialisation de l’automobile certes avancée mais inachevée
Pour parler de mondialisation aboutie, il faut qu’elle atteigne toutes les parties habitées du globe. Or, l’Afrique reste aujourd’hui comparativement absente du marché automobile mondial, avec moins de 1 % de la production automobile mondiale en 2010, et seulement 1,8 % des ventes de véhicules neufs. Les salaires des ouvriers et les conditions de travail ne sont évidemment toujours pas uniformes d’un pays à l’autre. Dans la chaîne logistique, les inégalités persistent entre les pays du Nord et les pays du Sud, inégalités qui persisteront avec cette répartition du travail.
Conclusion
Le secteur de l’automobile a été ébranlé à de nombreuses reprises depuis sa création, mais s’en est jusque-là toujours remis. Ces crises ont témoigné de son insertion dans la mondialisation, il suffit de regarder les résonances aux quatre coins du globe des difficultés du secteur. Ce dernier s’oriente aujourd’hui néanmoins autour de nouveaux pôles dominants, la Chine est devenue le premier marché automobile du monde en 2015 et le premier producteur mondial avec un quart de la production mondiale, alors que l’Europe voit quant à elle sa production diminuer. Les États-Unis, quant à eux, connaissent un redémarrage rapide de leur industrie, et solidifient jour après jour leur place de deuxième producteur de véhicules. Mais là encore, comme nous l’avons vu en 2008, aucune firme n’est à l’abri d’une crise ou d’un scandale, ce qui ébranlerait l’ordre de l’automobile dans la mondialisation.