L’Union Européenne est sans doute l’un des ensembles régionaux les plus matures, grâce à sa faculté à intégrer les différents états européens. Une intégration qui reste plus économique que politique, l’Union Européenne étant avant tout un grand marché unique.

Construction de l’Union Européenne

La construction de la future Union Européenne, bien qu’elle trouve ses racines dans les années de l’entre-deux guerres (Aristide Briand, ministre des affaires étrangères, prônait déjà en 1929 la création d’un « lien fédéral » entre les états européens), ne commence vraiment qu’à la fin de la seconde guerre mondiale. Cette construction européenne se fonde initialement sur la reconstruction des pays européens, durement éprouvés par la seconde guerre mondiale, mais elle reposa aussi sur un idéal de paix. La mise en commun d’un marché unique du charbon et de l’acier donne naissance en 1951 à la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) constituée des Pays-Bas, de la Belgique, du Luxembourg, de l’Allemagne, de la France et de l’Italie. Si dès le début, la construction européenne aurait pu prendre un tournant plus politique et plus fédéral, ce ne fut cependant pas le cas, les Français ne voulant pas perdre une part de leur indépendance nationale. Ainsi, la Communauté Européenne de la Défense (CED), qui prévoyait une mutualisation des moyens militaires pour la défense européenne (mais placés sous la supervision de l’OTAN), et la création d’un ministère européen de la Défense, ne vit pas le jour, le projet étant rejeté en août 1954 par le Parlement français.

Dès lors, suite à cet échec, le projet européen devint plus économique que politique. Les traités de Rome en sont l’illustration : la création de la Communauté Economique Européenne (CEE) en 1957 marque le début de la création d’un marché commun entre les 6 Etats membres (Allemagne de l’Ouest, France, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas et Italie) ainsi que celle d’une union douanière. Si la CEE se dote d’emblée d’un triangle institutionnel (avec un conseil des ministres représentant les Etats, un parlement consultatif (qui ne détiendra de pouvoir législatif qu’à partir de 1992), et une commission européenne qui représente l’exécutif et est à l’initiative des projets de lois), elle ne dispose pas de réels pouvoirs politiques sur les Etats. La CEE se tourne davantage vers une intégration économique, en mettant en place des politiques d’aides, comme celle de la Politique Agricole Commune (PAC) mise en place en 1962.

Le contexte économique favorable des Trente Glorieuses engendre une croissance importante au sein de la CEE. Le commerce s’y développe : les échanges intracommunautaires sont ainsi multipliés par six entre 1957 et 1970. Cet essor rend la CEE attractive, au point que les ambitions d’autres projets d’intégration régionale en Europe soient abandonnées ou revues à la baisse. C’est le cas de l’AELE (Association Européenne de Libre-Echange), projet britannique en concurrence avec celui de la CEE, et qui regroupait, lors de sa fondation en 1960, 7 membres (aujourd’hui seuls la Norvège, l’Islande, le Liechtenstein, et la Suisse sont dans cette zone de libre-échange).

Le premier élargissement de la CEE en 1973, avec l’entrée du Danemark, de l’Irlande, et du Royaume-Uni, donne un ton encore plus économique au projet européen. En effet, le Royaume-Uni, attend principalement de la CEE qu’elle soit une zone de libre-échange, et non un projet politique fédéral. Les élargissements successifs de 1981 (entrée de la Grèce), de 1986 (entrée du Portugal et de l’Espagne) marquent un autre tournant. En effet, alors qu’auparavant les pays intégrés avaient des niveaux de développement similaires, ce sont désormais des pays en retard économiquement (le PIB par habitant du Portugal lors de son entrée correspond à moins de la moitié de celui de la France), mais aussi fragiles sur le plan politique qui sont partie prenante de la construction européenne. Ainsi  3 pays sont sortis d’un régime autoritaire : régime de Salazar au Portugal, de Franco en Espagne, et dictature des colonels en Grèce.

Ces agrandissements interrogent deux points du projet européen : tout d’abord, les nouveaux membres n’ont pas le même niveau de développement que les autres pays de la CEE. Si le projet européen en matière d’économie est bien d’agrandir le marché unique, et surtout, de faire converger les économies, l’Union Européenne en aura-t-elle la capacité, sans soulever la défiance des citoyens des autres pays membres d’Europe Occidentale ? Par ailleurs, les élargissements successifs bousculent également le projet politique. Il devient désormais, et en raison  du nombre de pays membres, de plus en plus difficile de prendre des décisions communes, par exemple en matière de fiscalité, de politique étrangère, ou d’immigration.

La réforme de la CEE lors du traité de Maastricht en 1992 est, à ce sujet, fondamental. Face à un nouveau contexte international, marqué par l’effondrement du bloc soviétique et par l’essor de la mondialisation, la CEE doit s’adapter. Elle doit tout d’abord anticiper la prochaine entrée de nouveaux membres en son sein, (les pays d’Europe de l’Est). Ainsi, économiquement, elle se dote de critères de convergence (ex : déficit public inférieur à 3%, dette publique inférieure à 60% du PIB de l’Etat…), qui doivent inciter les futurs membres à adopter un comportement vertueux. Politiquement enfin, les critères de Copenhague, adoptés en 1993, définissent de manière claire les conditions d’adhésion des nouveaux membres : ceux-ci doivent être des Etats de droits, démocratiques, dotés d’économie de marchés et respectant les minorités.

Par ailleurs, la CEE change de statut le 1er novembre 1993 et devient l’Union Européenne (UE) : un vaste ensemble politique, économique et culturel, donnant des droits européens à l’ensemble de ses citoyens.

Si, l’UE a bien cherché à anticiper l’arrivée de nouveaux membres aux économies fragilisées et aux systèmes politiques faibles, elle a peut-être oublié le poids du grand nombre. En effet, après les élargissements de 1995 (avec l’entrée de la Finlande, l’Autriche et la Suède) et de 2004 (avec les entrées de Chypre, de l’Estonie, de la Hongrie, de la Lettonie, de la Lituanie, de Malte, de la Pologne, de la République Tchèque, de la Slovaquie, et de la Slovénie), les positions communes sont difficiles à adopter. Et même si certaines décisions peuvent, grâce au traité de Lisbonne de 2009, ne plus être prises à l’unanimité (un système de majorité simple ou qualifiée étant désormais en place), ce n’est pas le cas dans des domaines tels que la politique étrangère, l’harmonisation des législations nationales relatives à la fiscalité indirecte ou encore la sécurité sociale et la protection sociale. Les élargissements successifs de l’UE ont donc freiné le projet d’intégration politique de ses membres.

La situation actuelle de l’Union Européenne

Aujourd’hui, l’Union Européenne est à l’arrêt. Alors que son objectif initial de paix en Europe semble être presque totalement achevé, elle n’a pas, aujourd’hui, défini d’horizon commun, de cap à suivre pour rassembler tous les états membres. Pourquoi une telle situation ?

Tout d’abord, la crise économique de 2007 et la crise migratoire de 2015 ont donné aux citoyens européens l’image d’une Union Européenne inefficace, incapable de trouver des solutions, et punitive (notamment vis-à-vis de la Grèce pour la gestion de sa dette par exemple). Cette mauvaise image, couplée à la crainte de l’arrivée massive de travailleurs étrangers(cas du fameux « plombier polonais »)  ou de migrants sur les sols nationaux a été exploitée par les partis eurosceptiques et nationalistes qui ont aujourd’hui le vent en poupe : le Front National en France, l’AfD en Allemagne, le Mouvement 5 Etoiles en Italie, le FPÖ en Autriche, le Parti Droit et Justice en Pologne… et même l’UKIP au Royaume-Uni, parti à l’origine du Brexit.

Le contexte international actuel n’est donc pas favorable à l’Union Européenne.

Il en est de même de la situation à l’intérieur des Etats membres. En effet, l’UE, de par sa structure et le nombre d’Etats membres, ne peut fonctionner et avancer qu’en la présence d’Hommes forts à la tête de leur pays respectif. Or jusqu’à peu, l’Allemagne, l’Italie et la France étaient en périodes électorales. L’Espagne est, pour sa part, encore embourbée dans la crise catalane. L’année 2018 pourrait cependant voir un changement s’opérer, mené par le couple franco-allemand, avec la récente ré-investiture d’Angela Merkel pour un 4ème mandat.

A cela, s’ajoutent des tensions interétatiques, comme par exemple, avec la problématique de l’immigration. Ainsi, le groupe de Visegrad (constitué de 4 pays : la République Tchèque, la Hongrie, la Slovaquie et la Pologne) s’oppose aux quotas d’accueil de migrants imposés par Bruxelles. Ces tensions créent pour l’Union Européenne une fragilité dans les négociations internationales. En effet, sans position commune claire en matière de politique étrangère, l’Union Européenne demeure un « nain » politique, et ses voisins, Russie et Turquie en tête, en tirent profit.

Il semblerait néanmoins qu’une remise en question profonde de l’Union Européenne pourrait voir le jour. L’Union Européenne freine ainsi ses projets de renforcement de collaboration avec les régions voisines (présents dans la politique européenne de voisinage), pour se recentrer sur la collaboration et l’intégration intra-UE. Le Brexit, mais également la volonté de Donald Trump de désengager l’OTAN de l’Europe, pourraient également pousser les états membres de l’UE à approfondir leurs relations en laissant de côté leurs contentieux. Une nouvelle Europe de la défense pourrait ainsi voir le jour, ce qui permettrait de créer un véritable horizon commun : celui de la sécurité européenne.

L’Union Européenne souffre donc de plusieurs maux. Non seulement, elle n’est plus vectrice de valeurs partagées ou d’idéaux, au point qu’une majorité des européens n’aillent pas voter lors des élections du Parlement européen, mais elle manque également sérieusement de leaders pro-européens populaires dans ses états membres. Les mouvements populistes eurosceptiques, la volonté de repli des Etats-Unis en Europe, l’affaiblissent. Sans position claire, à la fois en matière de politique étrangère, mais aussi concernant sa volonté d’être un projet fédéral ou confédéral, l’Union Européenne avance au ralenti, occupée principalement à régler la question du Brexit.