Une mondialisation tardive mais efficace

Le Pacifique, qui s’étend sur environ un tiers de la surface totale de la Terre, a pourtant largement échappé à la première mondialisation, celle des grandes découvertes du XVIème siècle. Plus tard, il est intégré aux empires coloniaux et aux marchés, notamment par des acteurs anglo-saxons qui établissent des comptoirs. Réquisitionnés pour des essais nucléaires, utilisés comme simple espace de passage pour le transport maritime… Le Pacifique ne s’est finalement imposé que très récemment dans la mondialisation.

Son essor est directement lié au basculement du monde des centres historiques de la Triade aux nouveaux acteurs émergents de la scène économique. Jean-Christophe Victor, auteur de l’ouvrage « Le dessous des cartes » évoque ainsi le passage d’un monde atlantico-centré au XXème siècle à un monde asiatico-pacifico-centré au XXIème siècle. Ce changement s’explique par l’essor économique des puissances riveraines du Pacifique, principalement la Chine. On observe dans son cas des marques claires d’ouverture à la mondialisation, avec les ZES (Zones économiques spéciales), ou pour d’autres pays de la façade pacifique américaine des zones comme Iquique au nord du Chili.

Aujourd’hui, la croissance en Asie de l’Est et Pacifique continue de résister dans un environnement mondial difficile, selon un rapport de la banque mondiale publié en 2016. En 2015, la région a représenté deux cinquièmes de la croissance mondiale !

Le regard sur le Pacifique est confirmé avec le développement de portes d’entrées et d’équipements portuaires et aéroportuaires. Les routes maritimes y sont très importantes : la route transatlantique (entre l’Europe et l’Amérique du Nord) est à 3,5 millions d’EVP (équivalent vingt-pieds) pour le tonnage de produits conteneurisés contre 13 millions d’EVP pour la route transpacifique entre l’Asie et l’Amérique du Nord ! Les marchandises transportées sont diverses : l’Amérique du Nord reçoit surtout du transport de vrac tandis que l’Asie s’approvisionne en matières premières et minerais (fer brésilien, cuivre chilien, productions agricoles…). Une ouverture sur l’Asie peut représenter une véritable opportunité pour certains pays. Le Venezuela s’est notamment réjoui de l’élargissement du canal de Panama en 2016, permettant le passage de navires pétroliers à destination de l’Asie, et élargissant potentiellement son portefeuille de clients.

Le Pacifique comprend également des routes régionales qui mettent en relation l’Océanie et l’Asie orientale pour divers produits tels que les minerais (le fer et les céréales australiennes par exemple) et qui encouragent l’établissement d’une Division régionale du travail entre les différents Etats riverains.

Une coopération économique et commerciale évolutive

 Les acteurs régionaux se sont eux-mêmes prononcés en faveur d’une intégration poussée à la mondialisation, avec l’établissement en 1989 de l’APEC (Coopération économique pour l’Asie-Pacifique). Le forum, dont le but initial est d’améliorer la croissance et la prospérité de la zone, a travaillé afin de réduire les entraves aux échanges commerciaux. Il s’agit du seul groupe intergouvernemental dans le monde qui fonctionne selon des engagements non contraignants : aucun traité n’engage ses membres.

Pourtant, l’APEC a un poids majeur. Son fonctionnement peut sembler compliqué car les 21 pays qu’il réunit sont très hétérogènes, de la Russie à la Thaïlande en passant par la Papouasie-Nouvelle-Guinée et les Etats-Unis. Ce groupe concentre à lui seul 2,7 milliards d’habitants (soit 40% de la population mondiale), 47% du commerce international et 60% du PIB. Sa diversité est une force puisqu’elle permet une complémentarité entre certains de ses membres : on y trouve les trois premières puissances économiques mondiales, mais aussi des exportateurs de matières premières (Brunei pour le pétrole, l’Indonésie pour le charbon, le Chili pour le cuivre…) et des pays d’assemblage (Vietnam).

Les sommets de l’APEC qui se sont déroulés ces dernières années ont par ailleurs fortement contribué à attirer l’attention sur le dynamisme économique et commercial de la zone Asie Pacifique, et alerté certains Etats sur le déplacement effectif du centre de gravité économique vers l’Asie.

L’accord de partenariat transpacifique, signé le 4 février 2016, vise à intégrer plus profondément encore les régions Asie-Pacifique et Amérique. Les négociations ont débuté en 2002 lors d’une rencontre des chefs de l’APEC, initiées par le Chili, Singapour et la Nouvelle-Zélande : les objectifs étaient alors d’atteindre en 2015 des droits de douane égaux à zéro, avec autant de mesures pour le règlement des litiges, l’application de normes phytosanitaires ou la propriété intellectuelle.

En 2008, les Etats-Unis ont encouragé de nouvelles négociations, progressivement rejointes par d’autres Etats riverains, avant d’aboutir à la signature solennelle du traité. Cette initiative a été remise en cause par Donald Trump lors de la campagne présidentielle américaine, et il a signé le 23 janvier 2017 un document désengageant les Etats-Unis du traité. Toutefois, l’accord n’est pas abandonné : le 11 novembre, onze pays d’Asie Pacifique ont abouti à un nouvel accord en marge du sommet de l’APEC à Da Nang, au Vietnam.