Les principaux mouvements populistes en Europe

Parce que connaître les grands partis populistes européens, ça en jette dans une copie, voilà une synthèse des discours et partis les plus en vue.

Avant toute chose, il faut savoir que le populisme désigne un type de discours centré sur le peuple, souhaitant protéger ses valeurs, ses intérêts et son unité, et ce souvent contre une élite lointaine. Il flirte ainsi avec la démagogie, qui est une attitude faisant appel aux passions du peuple à des fins politiques. Cependant, la démagogie dit ce que chacun souhaite entendre, tandis que le populisme essaie d’écouter le peuple.

Le populisme, souvent considéré comme le fruit des défaillances des démocraties modernes, peut s’engager dans de multiples promesses électoralistes en faveur du fameux peuple, mais qui sont souvent détachées de la réalité.

Les diverses situations nationales et locales en Europe, les politiques d’austérité à la crise de 2008, ou encore les défaillances de la construction européenne nourrissent des discours populistes divers et variés qui montent inexorablement en puissance depuis quelques années. C’est pourquoi il n’est pas possible de parler d’un seul modèle de populisme européen.

En Italie, la Ligue du Nord prône l’indépendance de la région du Pô.

Le parti est créé en 1989 et ses icônes sont Umberto Bossi et Roberto Maroni. Dans les grandes lignes, la ligue critique le Mezzogiorno au Sud pour être une charge dans la gestion économique du pays. Ses positions très hostiles à l’immigration illégale, son euroscepticisme ainsi que ses rapprochements avec d’autres partis européens d’extrême droite lui ont valu d’être qualifié de parti de droite radicale. En terme de voix, après avoir atteint son apogée en 1994 en ce qui concerne le nombre de sièges conquis (8,4% dans les deux chambres), la ligue a perdu de sa popularité et ne possède aujourd’hui que 4% des sièges. Des affaires internes ainsi que le manque de réalisation concrètes (le Nord n’a obtenu qu’un début d’indépendance fiscal) expliquent en partie cette baisse de popularité.

Le M5S italien ou le populisme 2.0

Le « Mouvement 5 étoiles » est créé en 2009 par l’acteur et militant Beppe Grillo, qui se distingue des politiques traditionnelles par une présence active sur les réseaux sociaux. Il atteint son apogée au moment des législatives de 2013 où il recueille 24% des voix, poussé par ses propositions anti-immigration, son euroscepticisme à l’heure de l’austérité budgétaire italienne, et sa volonté de recentrer l’économie sur le petit et le durable face à la Finance déconnectée qu’il vilipende. Les 5 étoiles représentent l’eau, l’environnement, les transports, le développement et l’énergie. Des affaires et des divergences internes pénalisent le parti qui peine à se décider sur la politique à suivre.

Le UKIP en Grande-Bretagne, entre europhobie, xénophobie et libéralisme fiscal.

Le United Kingdom Independence Party est le parti d’extrême droite du pays, créé en 1993, et dont la figure principale est son leader actuel, Nigel Farage. Son discours de préférence nationale (émancipation de l’UE, hostilité à l’immigration,..) ainsi que ses propositions en terme de fiscalité (vers un taux d’imposition unique de 31%) séduisent la frange de droite du Parti conservateur ainsi que les électeurs déçus de la mondialisation-notamment dans les campagnes- et des partis traditionnels. Il incarne à lui seul les défaillances du charcutage électoral à l’anglaise : il recueille aux élections de 2015 12% des voix mais seulement un député, alors que le Scottish National Party recueille seulement 4% des voix mais 56 sièges ! Nigel Farage, qui avait annoncé sa démission de la direction du parti après sa non-élection en 2015, est revenu sur sa décision quelques jours pour plus tard, ce qui a provoqué diverses tensions au sein de UKIP.

Le FN en France

Le Front National est créé en 1972 et a vu sa popularité croître progressivement depuis, au gré de résultats victorieux tant d’un point de vue politique que médiatique (au second tour en 2002, premier aux européennes et régionales de 2014 et 2015, …) et des sorties parfois contestées de sa figure de proue, Jean-Marie Le Pen (référence à Pétain, à la communauté juive, …). Économiquement libéral pendant les années 1980, il opère progressivement un virage à gauche et prône, surtout ces années 2010, un programme économique protectionniste de préférence nationale contre le « magma mondialiste sauvage ». Cependant, l’accent n’est pas mis sur l’économie car les responsables du parti préfèrent les questions culturelles et sociales, dont les principaux thèmes sont l’immigration et l’UE. Concernant cette dernière, les dirigeants et notamment Marine Le Pen condamnent les politiques libérales imposées aux États par Bruxelles, et souhaite une Europe des États avec une souveraineté garantie pour chacun. Le FN prône une réduction des entrées des immigrants de 200 000 à 10 000 par an, et se montre hostile à divers programmes et acquis sociaux, au cœur de la politique d’accueil française (suppression du regroupement familial, suppression du droit du sol, …). Face à la personnalité sulfureuse et aux propositions drastiques de Jean-Marie Le Pen, dirigeant de 1972 à 2011, Marine Le Pen a entamé une politique de dédiabolisation du parti pour viser un électorat plus large. Alors que certains annoncent l’avènement prochain du FN, d’autres prédisent que sa popularité va décroître, car elle ne serait que la conséquence logique mais provisoire de la crise et de l’austérité.

En Autriche, le Parti de la liberté (FPO) au porte du pouvoir.

Le FPO est le parti d’extrême droite autrichien, et l’un des trois grands partis politiques avec les conservateurs de l’OVP et les sociaux-démocrates du SPO. Fondé en 1955, il connaît un virage à l’extrême droite dans les années 1990 sous l’autorité de Jorg Haider. Malgré une sécession de ce dernier, le FPO réussit l’exploit de collecter au premier tour des présidentielles de 2016 plus de 35% des voix. Son candidat échoue de peu au second tour face à un candidat indépendant soutenu par les écologistes qui l’emporte avec 50,3% des voix. Mais l’élection est invalidée, et un nouveau scrutin aura lieu le 4 décembre. Le parti est très hostile à l’islam, et suit une ligne économiquement libérale.

En Suisse, l’Union démocratique du Centre, ou l’isolationnisme affirmé.

L’UDC est le parti le plus à droite sur l’échiquier politique suisse. Malgré des tensions internes et des sécessions en son sein, le parti s’est affirmé comme l’un des plus grands en se positionnant notamment premier pour les élections au Conseil National (29,4% des voix aux élections de 2015). Sa ligne est clairement isolationniste et s’affirme par diverses propositions choc. Parmi ces dernières, on compte : contre les missions à l’étranger et la collaboration à l’ONU et l’UE, pour le maintien d’une armée suisse dite « de milice », pour une politique d’asile restrictive, … Le parti a lancé aussi diverses initiatives populaires contre la construction des minarets ou l’immigration massive.

En Grèce, l’extrême-gauche au pouvoir avec SYRIZA.

SYRIZA, créé en 2004, ne décollera dans les élections que pendant la période faste de 2013-2015 qui verra son accession au pouvoir après les législatives de 2015. Son discours anti-austérité, anticapitaliste, écosocialiste, contre les politiques néolibérales européennes, séduit une majorité des Grecs. Après ses promesses électoralistes critiquées pour être utopiques, Aléxis Tsipras une fois au pouvoir se retrouve pieds et poings liés par la réalité économique du pays, et les pressions de la Troïka (FMI, BCE, Commission). À la suite du référendum de 2015 concernant l’approbation du plan européen –qui verra la victoire du Non-, A.Tsipras signe à contrecoeur l’accord et « assume la responsabilité d’un texte auquel il ne croit pas, mais il le signe pour éviter tout désastre au pays ». SYRIZA incarne la résistance de l’Europe de Sud, durement éprouvée par l ‘austérité, contre l’UE. Cette signature entrainera de violentes tensions au sein de SYRIZA, alors que de nombreux membres restent partisans d’une confrontation avec la Troïka.

En Espagne, l’extrême gauche surgit et s’installe sur l’échiquier politique avec Podemos.

Podemos est le très récent parti d’extrême gauche mené par le jeune et charismatique Pablo Iglesias. La coalition Unidos Podemos, que le parti forme avec la Gauche Unie, recueille aux élections générales de 2016 près de 21% des voix, soit la troisième force politique nationale. Malgré ce score, Ciudadanos, le PSOE et le Partido Popular sont incapables de former un gouvernement et l’Espagne demeure dans l’incertitude. Le programme de Podemos est ancré à gauche : renforcement du contrôle public, instauration d’un revenu de base pour tous, retrait de certaines zones de libre-échange, contre les politiques libérales européennes. Il incarne, comme Syriza, les revendications et critiques populaires contre l’austérité en temps de crise. La principale caractéristique de Podemos est qu’il propose, dans une logique altermondialiste, une révision de la politique traditionnelle : selon ses responsables, le clivage gauche/droite n’a plus de sens, et la politique doit se fonder sur une unité populaire constatant la perte de sa souveraineté économique. C’est pourquoi Pablo Iglesias essaie de généraliser son parti à l’ensemble de la population, ayant même annoncé une fois que ce dernier avait une vocation centriste … Ce point de vue fait écho aux conceptions altermondialistes du monde, des Indignés au Forum Social Mondial.

Hongrie: la surenchère populiste de Viktor Orbán.

Viktor Orbán est le Premier ministre hongrois depuis 2010 (après un mandat de 1998 à 2000) et le parti dont il est à la tête, le Fidesz, est le parti de la droite radicale, sur l’échiquier politique entre l’extrême droite de Jobik et le Parti socialiste. Alors qu’ Orbán prônait une politique libérale dans les années 1990, sa ligne a progressivement évolué vers un conservatisme plus radical. Son élection et sa popularité actuelle (de 32% à 48% après la crise des migrants) s’expliquent par ce conservatisme qu’il n’hésite pas à affirmer lors de sorties médiatiques, propos et propositions choc: l’islam serait un danger pour la civilisation européenne, adoption d’une nouvelle Constitution très conservatrice, construction d’une barrière entre la Hongrie et la Serbie et plus de pouvoirs aux forces armées contre les migrants. Malgré les vives contestations et critiques de la part de l’UE, le durcissement de la politique migratoire européenne envers les migrants du Sud semble donner raison à Viktor Orbán désormais auréolé d’une certaine popularité.

Toutes les tendances populistes européennes n’ont pas été évoquées dans cette synthèse, et parmi elles, on comptera le très sulfureux  Parti populaire danois, ou le Parti pour la liberté aux Pays-Bas.