On clôture notre bilan des neufs premiers mois de l’actuel président des Etats-Unis par un retour sur les mesures qui ont fait polémique et défrayé la chronique depuis janvier.

Conservateur assumé, Donald Trump s’est rapidement entouré de personnalités connues pour leur proximité avec l’extrême droite ou les mouvements conservateurs, à l’image de son ancien conseiller, Stephen Bannon, limogé à la mi-août. Ses combat contre l’avortement ou la “transidentity”, ses déclarations politiquement incorrectes et sa calamiteuse gestion du drame de Charlottesville ont porté le coup fatal à sa popularité, déjà historiquement basse. C’est donc sur ses principales décisions controversées que l’on se focalise pour ce dernier article de la série ! Bonne lecture.

Un président contre l’avortement

Souvenez-vous de cette fameuse photo : un Donald Trump à la mine déterminée, entouré de sept de ses collaborateurs, exclusivement masculins, signant fin janvier un décret qui interdit le financement d’ONG internationales soutenant l’avortement. Le comble, pour une mesure concernant un enjeu essentiellement féminin. Certes le nouveau Président a, au cours des derniers mois, eu le temps d’expérimenter l’avortement législatif, compte tenu du fait qu’un grand nombre de ses décrets ont été avortés par le vote Congrès. Mais de là à prétendre pouvoir décider de l’avenir des femmes en âge de procréer sans aucune concertation féminine… Cela paraît légèrement présomptueux. Bref, pour bien comprendre, revenons sur le mode de financement de l’avortement aux Etats-Unis.

L’avortement est légal aux Etats-Unis depuis le fameux arrêt « Roe vs. Wade » de 1973. Le « Hyde Amendment », voté en 1976, assure néanmoins qu’aucun financement fédéral ne peut être utilisé pour rembourser un avortement, sauf en cas de viols, d’incestes, ou de danger pour la vie de la mère. En gros, l’État fédéral n’est pas autorisé à financer l’accès à l’IVG. En réponse à cela, certains États fédérés, comme celui de New-York, ont pris la décision de financer eux-mêmes le remboursement. Dans la plupart des États cependant, les frais liés à l’avortement doivent être pris en charge par les assurances privées, et sont souvent très mal remboursés. Pour contrer ce triste constat, Barack Obama avait fait passer une directive destinée à protéger les financements publics des cliniques du planning familial, afin d’assigner aux structures pratiquant l’avortement des fonds supplémentaires.

Pour les démocrates, les républicains sont en guerre contre les femmes

Une fois de plus, Donald Trump n’a pas semblé convaincu par la directive de son prédécesseur. Comme promis, il a promulgué en avril une loi pour abroger cette mesure, coupant ainsi les vivres à tout hôpital et à toute clinique qui continueraient de pratiquer l’avortement. Pour l’opposition démocrate, il s’agit « d’un nouvel épisode de la guerre menée par les Républicains contre les femmes ». Si cette loi constitue une petite victoire politique pour Trump (une fois n’est pas coutume), l’avortement demeure bien évidemment (et heureusement) autorisé aux Etats-Unis, et cela ne risque pas de changer de sitôt. Convaincre les députés de revenir sur une telle avancée sociale alors même qu’ils refusent d’abroger l’Obamacare ou d’approuver les décrets migratoires semble compliqué.

Il faut tout de même souligner que le lobby « pro-life » (par opposition à « pro-choice ») est très puissant outre-Atlantique, et que Donald Trump n’est pas le premier président des Etats-Unis à remettre en cause le financement de l’avortement. Cette politique, qu’on appelle « global gag rule » ou « politique de Mexico » et qui vise à prohiber toutes les aides fédérales à destination des associations pro-IVG, est systématiquement rétablie par les présidents républicains et supprimée par leurs successeurs démocrates depuis Ronald Reagan.

Mais l’avortement n’est pas la seule question de société remise sur la table par le nouveau président américain. Contrairement à son prédécesseur qui avait lutté pour sensibiliser son peuple aux droits des LGBT, Donald Trump multiplie les hostilités envers cette communauté.

LGBT : « Make America Gay Again »

Le slogan de campagne de Donald Trump se prête décidément aux détournements. Après le « Make our Planet Great Again » d’Emmanuel Macron, ce sont les manifestants anti-homophobie et transphobie qui ont parodié la devise du candidat républicain, à l’occasion de plusieurs manifestations et Gay Prides en juin. L’objectif était clair : dénoncer les positions de l’équipe Trump et « Make America Gay Again ».

Des manifestations pour protester contre les position de l’administration Trump

Tout juste un an après la tuerie du club gay Pulse à Orlando, où un islamiste avait assassiné 49 personnes, des défilés ont drainé des foules de manifestants décidés à protéger les droits de la communauté LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres) dans plus de soixante villes américaines, début juin. Commémoration et prières étaient évidemment à l’honneur… mais pas que. Ces marches pacifiques ont mobilisé bon nombre de citoyens outrés par l’action néfaste de l’administration Trump à l’encontre des LGBT. Il faut dire que le nouveau président a rapidement frappé : quelques minutes après son arrivée à la Maison-Blanche, les pages du site web de la présidence sur les droits LGBT disparaissaient déjà. De bonne augure pour la suite…

Contre les homophobes au pouvoir

Puis Trump a nommé à des postes clés des personnages aux propos souvent homophobes, comme le très conservateur Jeff Sessions au ministère de la Justice ou le vice-président Mike Pence, qui décrivait récemment l’homosexualité comme un « effondrement sociétal ». Mais c’est la fameuse « guerre des toilettes » qui a sans aucun doute mis le feu aux poudres. Fin février, les départements de la Justice et de l’Education publiaient un communiqué indiquant qu’ils n’appliqueraient plus le principe de non-discrimination dans l’enseignement prévu par la loi, afin de permettre aux personnes transgenres d’accéder aux toilettes du sexe de leur choix. Une décision vivement critiquée par les défenseurs des droits transsexuels et les progressistes.

La nomination à la Cour Suprême de Neil Gorsuch, connu pour ses positions homophobes, fait pencher l’encrage de la plus haute instance du pays du côté conservateur. Une mauvaise nouvelle pour la communauté LGBT quand on sait que ces magistrats sont nommés à vie.

D’où ce “Make America Gay Again” arboré en ligne et dans les défilés.

Dernier faux-pas majeur en date : la gestion du drame de Charlottesville

Rappelons les faits. Samedi 12 août, un rassemblement de mouvements d’extrême droite américains, regroupant néonazis, suprémacistes blancs, membres de Klu Klux Klan et membres de la droite alternative (alt-right), était prévu à Charlottesville. Contrairement à ce que prévoit la réglementation française, ces groupes, qui avaient activement soutenu Trump pendant sa campagne, sont tout à fait légaux aux Etats-Unis.

Mais une contre-manifestation antiraciste pacifique a malheureusement dégénéré. En fin de matinée, un sympathisant néonazi a intentionnellement percuté une foule d’individus mobilisés pour dénoncer ce rassemblement d’extrême droite, provoquant la mort d’une femme de 32 ans et une vingtaine de blessés.

Trump ménage l’extrême droite et provoque un tollé

Pour commencer, il a fallu 48 heures à Donald Trump pour prendre la parole et dénoncer les violences de Charlottesville. Et comme si cela ne suffisait pas, plutôt que de réprimander fermement l’acte volontaire de l’assassin, le président a renvoyé dos à dos les suprémacistes et les antiracistes, estimant que les torts étaient « des deux côtés » et qu’« il y avait des gens biens dans chaque camp ». Interrogé ensuite sur sa proximité avec l’alt-right, une partie de l’extrême droite américaine qui milite entre autre pour la défense des Blancs, le président s’est défendu en inventant le concept d’alt-let en guise de riposte : « Vous aviez un groupe de l’autre côté qui était aussi très violent. Personne ne veut le dire. Que dire de l’alt-left qui a attaqué l’alt-right ? ».

Chaleureusement remerciés sur Twitter par un ancien dirigeant du Klu Klux Klan, les propos présidentiels ont surtout suscité de nombreuse réactions d’indignation, parfois même de la part de son propre camp. « Vous faites honte à notre pays et aux millions d’Américains qui se sont battus et sont morts pour vaincre le nazisme » lui a répondu Bernie Sanders, candidat malheureux à la primaire de la gauche, pendant que le champion de basketball Lebron James s’indignait tout autant : « La haine raciale a toujours existé en Amérique. Nous le savons, mais Donald Trump vient de la remettre à la mode ! ».

Un tollé de plus qui vient entacher un bilan déjà peu reluisant.

Une popularité au plus bas

Tous ces épisodes ont sans aucun doute endommagé la côte de popularité de Trump. Jamais un président n’avait été si impopulaire en début de mandat. Avec un taux d’approbation qui stagne en 34% et 36% depuis l’été, Donald Trump semble compter davantage sur la consolidation de ses appuis parmi sa base électorale que sur l’expansion de celle-ci. Cette stratégie, qui fonctionne pour l’instant, lui vaut néanmoins la défiance de plus en plus de ses soutiens. C’est le cas des grands patrons qui avaient appuyé sa candidature et quittent les uns après les autres le navire, à l’image de celui de Merck, d’Intel, de Disney ou d’Uber, de certains républicains au Congrès qui ont fait défection, et enfin des Américains eux-mêmes, déçus ou outrés par les différentes polémiques. Et le plus dur reste à faire. L’automne s’annonce encore plus compliqué que l’été pour notre cher Trump . Il y aura d’abord la poursuite de l’enquête sur les liens de son entourage avec la Russie lors de la dernière campagne présidentielle. La Maison-Blanche devra aussi obtenir l’aval du Congrès pour toute une série de décisions politiques. Cela dit, Trump peut toujours compter sur son indéfectible base, insensible aux critiques et aux polémiques dont fait l’objet leur leader. Mais le suivra-t-elle indéfiniment ?