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En 2013, le politologue français Zaki Laïdi publiait un excellent ouvrage : Le Reflux de l’Europe. Même si cet ouvrage a désormais six ans, nous vous proposons un résumé de l’essentiel à retenir d’un livre dont nous ne pouvons que vous recommander la lecture.

Introduction

Aujourd’hui, l’Europe est en crise, ses fondements mis à mal, son poids démographique se réduit, sa croissance économique est l’une des plus faibles du monde, et ses opérations de défenses sont inefficaces lorsqu’il s’agit de dépasser les opérations humanitaires ou de police. Son modèle ne fait plus recette auprès des populations et le multilatéralisme à l’européenne s’efface au profit de l’affirmation des souverainetés nationales. Pour autant, l’Europe est-elle condamnée à demeurer inexistante ?

En fait, si la zone euro a mis 10 ans à réaliser ses faiblesses initiales, pourtant évidentes, il faudra le même délai pour tirer des leçons durables de cette crise, et en sortir.

Part de la richesse mondiale : 65% du PNB mondial auparavant, 20% aujourd’hui et 14% en 2030. Mais il faut le mettre en perspective, celui des USA connaît aujourd’hui une évolution comparable et l’UE restera devant les USA.

En fait, le reflux de l’Europe ne désigne pas un déclin inexorable mais une perte de confiance de l’Europe à ses yeux comme à ceux du monde, s’illustre par :

  • Répercussions internationales de la crise de l’euro qui fait apparaître l’Europe comme un risque aux yeux du monde alors qu’elle cherche à les contrecarrer.
  • Echec du multilatéralisme dans le commerce et dans le climat.

I. Le surgissement imprévu du risque européen

1. Le repli international de l’euro

Paradoxe de 2008 : ce sont les banques et non l’euro qui ont été touchées par la propagation de la crise des subprimes. Les gouvernements ont agi rapidement pour Fortis et Dexia. Puisque les Etats-Unis sont en première ligne, le dollar semble poser problème et l’euro se revalorise par contrecoup : l’euro passe de 25,9% à 27,5% des réserves de changes des banques centrales tandis que le dollar passe de 65% à 62,8%. En 2006 et 2007, par exemple, l’euro avait supplanté le dollar en tant que monnaie la plus utilisée sur les marchés obligataires mondiaux. En 2008, l’économiste américain Jeffrey Frankel affirme que l’euro supplantera le dollar en 2015 et non plus en 2025. En 2009, on déchante avec les comptes grecs et l’incapacité de l’Europe d’agir.

En fait, il apparaît une crise dans la crise. L’UEM se basait sur une politique monétaire fédéralisée mais des politiques budgétaires nationalisées. Le TFUE (Traité sur le Fonctionnement de l’UE) interdit à la BCE de racheter la dette grecque, les Etats membres ne peuvent se montrer solidaires (principe de non-renflouement) et l’éventualité d’un défaut souverain ne se fait pas. Mais les Européens n’étaient ni d’accord sur l’idée de recourir au FMI, ni sur la possibilité d’une aide européenne. En fait, ils sont tétanisés car une crise mineure (Grèce = 1/50ème de l’économie européenne) devient une crise systémique. Montre la fragilité de la gouvernance par les normes, que les Européens désirent conserver. Si ça marche en temps normal, ça ne marche pas pendant les crises, il faut être réactif !

Le surgissement du risque européen : l’Europe est perçue comme l’ « homme malade du monde multipolaire ». Elle est atteinte de quatre maux :

  1. Croissance plus faible que les émergents et les USA ;
  2. Incapacité plus institutionnelle qu’économique à régler ses propres problèmes ;
  3. Inévitable introversion la détournant de ses responsabilités mondiales ;
  4. Etat de risque systémique pour le reste du monde.

Ce dernier point est d’autant plus marquant que l’Europe a cherché à réduire les risques alimentaires, climatiques, militaires et financiers… et elle devient un risque pour le monde ! Ainsi l’Inde, pays fortement lié à la zone euro par le commerce, les prêts et les investissements, a contribué à hauteur de 10 milliards de dollars au fonds de sauvetage du FMI. Elle semble faible alors que prise comme un tout, tout va bien :

  • Balance courante et commerciale excédentaire (pas comme les USA) ;
  • Monnaie non dépréciée ;
  • Perpétuation de son rôle comme monnaie de réserve.

L’euro a tout de même pâti de la crise : en 2007, 30% des obligations émises hors de la zone étaient en €, 25% en 2013. Le recul est relatif et si certains pensaient que l’euro remplacerait le dollar, cela se fera progressivement : guilde néerlandaise et livre sterling, livre sterling et dollar ont cohabité durant des demi-siècles et on a pensé qu’il en serait de même pour l’euro. Mais non, sa gouvernance inhibe tout progrès.

Mais si l’euro ne décline pas dans les réserves de change, c’est que les autres devises ne peuvent prendre le relais. Canada, Australie et Suisse sont trop petits. Chine et Inde ont un système financier trop peu efficient. Au niveau obligataire, le dollar est privilégié car son système bancaire a été réformé.  Pour le commerce international, le rôle de l’euro s’amenuise : moins de 50% des échanges des entreprises françaises hors zone euro sont facturées en euro ! L’euro ne s’est imposé que dans son pré-carré (reste de l’Europe –remplace le mark – et Afrique francophone – remplace le franc –).

L’euro est une grande monnaie internationale régionale. L’Allemagne est donc réticente à l’idée d’une puissance de l’euro car cela pourrait mener une poussée inflationniste.

2. L’euro est notre monnaie mais c’est aussi votre problème

Les Etats-Unis et la crise de l’euro : affaiblissement d’un concurrent au départ, la crise de la zone euro s’est rapidement révélée négative pour les Etats-Unis. C’est la première grande crise financière sur laquelle ils n’ont aucune prise. Ils ont critiqué la démarche punitive allemande (prôner l’équilibre budgétaire en contexte récessif) et peu agi : simple ouverture de lignes de crédit swap à la BCE pour accroître la liquidité. N’ont pas participé à l’accroissement des ressources du FMI. Obama soutenait la position française, celle de la relance plutôt que celle allemande. John Connaly, secrétaire au Trésor en 1960 : «  Le dollar est notre monnaie, mais c’est votre problème. »

La Chine et la crise de l’euro : vision purement interétatique de l’Europe, à travers les rapports entre Etats. Elle prend tout de même l’Europe au sérieux même si cela l’avantage un peu qu’un concurrent s’affaiblisse. Conditionne son soutien financier à l’Europe à deux objectifs : reconnaissance de son statut d’économie de marché et une plus grande discrétion sur les atteintes aux droits de l’homme… Elle voit l’euro comme ce qui empêche l’hégémonie du dollar, elle a donc augmenté la part de l’euro dans les réserves de change de 27 à 33%.

L’Europe est le 1er marché d’exportation chinois. Ainsi, la Chine a investi via un fonds souverain plus de 30 milliards en Europe pour y acquérir des actifs. Privilégiant le dialogue interétatique, le pays est très proche de l’Allemagne : soutien lors de l’affaire des panneaux solaires, non-volonté de réorienter leur croissance sur le marché intérieur, ne veulent pas du recours à la force (contre Kadhafi en 2011, les deux prônaient une solution politique à la crise). Le pays le moins souverainiste d’Europe et celui le plus souverainiste du monde ont donc trouvé un terrain d’entente.

Pendant que l’Europe était empêtrée dans ses problèmes, le monde, lui, continuait sur la lancée : la puissance se tourne vers l’Asie et les règles du jeu mondial sont redéfinies. Ceci affecte l’Europe négativement de deux manières : d’une part elle s’occupait de ses problèmes, et d’autre part, le climat et le commerce, deux domaines où le multilatéralisme européen semblait efficace, ont été réinvestis par des logiques souverainistes.

II. L’adieu au multilatéralisme

1. Comment l’Europe a perdu son leadership sur le climat ?

Entre 1990 et 2005 : 15 années du multilatéralisme avec le sommet de la Terre à Rio et l’interdiction des armes chimiques (1992), traité de Marrakech instituant l’OMC (1994), interdiction des essais nucléaires (1996), Kyoto (1997), Carthagène (2000). L’UE a donc exercé un leadership global.

Or les pays en développement ont désormais plus de poids qu’avant. En 1992 : 64% OCDE, 36% pour eux. Aujourd’hui : 50/50. En 2025 : 36% OCDE et 64% pour le reste, rapport inversé en 30 ans ! En 2030 : PIB USA + UE = 26% du PNB mondial, contre 51% en 2010 à reflux.

Paradoxalement, le multilatéralisme a reculé avec l’avènement d’un monde multipolaire à cause d’un retour du souverainisme : chacun ne s’engage que s’il y a quelque chose à gagner, d’où le blocage du cycle de Doha.

La crise du multilatéralisme climatique : en 1992, à Rio, l’Europe émettait 23% des gaz à effet de serre, 27% pour les USA donc 50% avec les USA. Aujourd’hui, 30% des émissions sont chinoises, 17% états-uniennes et seulement 12% européennes. Ainsi, l’Europe n’est plus une « puissance climatique », comme on a pu le constater à Copenhague où USA et émergents ont signé un accord à minima. Les pays signataires du protocole de Kyoto ne couvre plus qu’un tiers des émissions de gaz à effet de serre.

De plus, les politiques climatiques divergent désormais. Si à Kyoto l’UE15 était soudée, elle l’est moins désormais. Les négociations étant plus politisées, France, Allemagne et Grande-Bretagne n’ont pas voulu être représenté par le représentant suédois de l’UE. Les négociations climatiques ont basculé dans la realpolitik. Copenhague, c’est l’échec de l’Europe face au reste du monde et face à elle-même. Certains Etats européens se sont même félicité de cet échec ! L’approche top-down était donc mise à l’échec.

En 2012, à Rio, nouvel échec car aucun accord a été dégagé. En fait, quand la Chine et les Etats-Unis n’ont pas intérêt à négocier, rien ne se fait. En revanche, dès lors qu’ils affichent des positions volontaristes, ça marche ! Exemple en 2013 lorsqu’ils se mettent d’accord sur l’utilisation des HFC (hydrofluorocarbures), ou encore plus récemment avec leur accord bilatéral de réduction du CO2, ceci ne figure pas dans le livre.

Certains recommandent à l’Europe d’utiliser une démarche davantage bottom-up et d’arrêter de considérer le réchauffement climatique comme une question morale ou scientifique, mais comme politique.

De plus, les positions ont tendance à diverger sur le fait que l’Europe ait une position commune. En fait, puisque l’Europe opère un ralentissement économique, elle va réussir à baisser de 20% ses émissions. Les pays ne partagent pas la même opinion quant à ce qui doit être envisagé par la suite.

2. L’Europe croit-elle encore à l’OMC ?

Contrairement aux idées reçues, l’Europe a une puissance commerciale exceptionnelle : elle ne fait que 25% du commerce mondial avec seulement 7% de la population mondiale. Le solde de ses paiements courants demeure positif.

L’effet de levier de la politique commerciale : malgré la montée en puissance des émergents, la part de l’Europe dans le commerce international reste stable alors que celle des USA a perdu 4% (à 13%) et que sa part dans l’économie mondiale va en diminuant. En fait, chaque Etat membre a un intérêt à mutualiser sa puissance économique : celle européenne est représente 5 fois celle de l’Allemagne, 6 fois celle de la France et 7 fois celle britannique. Collectivement, l’Europe restera première économie mondiale jusqu’en 2020.

La perte de cohésion des Etats membres : exemple avec les panneaux solaires où l’Allemagne n’a pas voulu remettre en cause son allié chinois. Les pays d’Europe centrale et orientale, plus intégrés à l’Allemagne gagnent du poids commercial avec elle, et suivent donc ses choix. En face, des perdants partisans du libre-échange (GB, Belgique, PB, Finlande, Suède) qui conservent leur vision commerciale et sont favorables au TTIP (et étaient pour les sanctions contre la Chine). Enfin, il existe aussi des perdants qui n’ont pas cette tradition (France, Italie, Portugal) : l’ouverture des marchés les menace, et veulent donc sanctionner la Chine. Cependant, ils ne sont pas forcément opposés au TTIP, ils y voient là un OTAN économique capable de contrer la Chine. En fin de compte, la Commission se montre plutôt hostile aux Chinois tout en défendant le TTIP.

Le tournant bilatéral de l’Europe : sous la direction de P. Lamy, commissaire européen au commerce entre 2000 et 2004, point de bilatéralisme, Doha est prioritaire. L’Europe voulait que ce type de régulation soit la norme dans tous les domaines. Plus aujourd’hui. En fait, avec la démarche top-down de Doha, si on n’a pas d’accord sur tout, alors il n’y a d’accord sur rien ! Depuis 2005, Doha est donc gelée et l’UE se tourne vers le bilatéralisme, avec les émergents notamment (grand accord signé avec la Corée du Sud en 2007, dépassant les 31 autres signés auparavant avec de multiples partenaires). Avant, ils se faisaient avec les petits partenaires de la périphérie. Désormais, ils se font avec des « égaux » (USA, Inde, Canada, …). Font 30% du commerce européen aujourd’hui et 65% si les négociations avec Canada, Inde, Singapour, USA et Japon aboutissent. Etant donné les ressources exigées par ces négociations, il est impossible de prétendre faire du bilatéralisme et du multilatéralisme : on ne peut négocier Doha et le TTIP en même temps ! Par ailleurs, la mise en place de tribunaux indépendants menace l’ORD de l’OMC.

Le néobilatéralisme européen : face aux émergents, l’Europe déplore : la fermeture des marchés publics, le non respect de la propriété intellectuelle, restriction des investissements, subventions aux entreprises publiques.

Emergents : 75% de la demande mondiale, 13% aux USA, 6% en Europe. 37% des exportations allemandes en zone euro contre 46% en 2000.

Les 4 enjeux de l’accord de libre-échange euro-américain :

Enjeu géopolitique : l’idée d’un tel accord ressurgit toujours à certains moments politiques. En 1960,avec l’unification européenne, il était vu comme prioritaire par les USA, mais le cadre du GATT a suffi. Dans les 1990s, avec la fin de la GF, Allemands et Britanniques voulaient maintenir les USA sur le continent, mais ils négociaient l’ALENA… En 1998 : mise en place d’un Partenariat économique transatlantique destiné à s’accorder sur ce qui doit être fait à l’OMC.

Contenir la Chine : pour qu’elle se plie aux règles du commerce international, USA et UE ont privilégié l’OMC. Néanmoins, elle a su bénéficier des « angles morts » de la réglementation à son profit. Les USA veulent encercler la Chine avec le TTP : ou bien ils se plient à des règles plus drastiques, ou bien ils sont isolés. Europe et USA cherchent à créer des standards communs qui s’imposeront aux autres par la force des choses (47% du PNB mondial, 33% des flux commerciaux). Conséquence sur la France : +10% d’exportations. 70% des marchés publics américains sont encore fermés aux entreprises européennes. Pour les Européens, c’est un moyen d’attirer les USA vers l’Europe en contenant le « pivot asiatique », c’est vraiment un OTAN économique. L’Europe risque d’être stratégiquement prise au piège car le TTP avance et les USA sont concurrents des européens en Asie. L’Europe doit négocier avec le Japon, mais aussi avec la Chine à plus long terme.

Enjeu économique : élimination des derniers obstacles tarifaires, libéralisation des services, accès aux marchés publics, harmonisation des régulations, définition de nouveaux standards capables de s’imposer au monde. Taux de douane moyen : 4% en UE et 3,3% aux USA pour l’industrie, 13,9% en UE et 5% aux USA pour l’agriculture, l’UE est mieux protégée que les USA de ce point de vue là. La Commission voit cela comme un gigantesque plan de relance gratuit, ce n’est pas sûr, mais l’on ne peut nier l’avantage d’un tel accord pour l’UE et les USA !

Enjeu règlementaire : UE et USA n’ont fait qu’exporter leurs normes vers des partenaires faibles. Maintenant, ils doivent trouver un terrain d’entente car les deux se valent et aucun ne va imposer ses normes à l’autre.

Exemple de désaccord : le principe de précaution, n’existe pas aux USA ! Seules des preuves scientifiques peuvent être opposables à la commercialisation d’un produit. Mais les Européens ont du mal à être d’accord sur ce point. Exemple des OGM où les Etats sont en désaccord, ce point là n’aboutira certainement pas. à Montre la complexité des négociations. Ainsi, certains domaines peuvent être reportés à des négociations post-signature, comme l’audiovisuel (à la demande de la France) ou les services financiers (à la demande des USA).

A qui profitera le traité ? : Les estimations fournies sont par définition dépendantes des hypothèses de réussite des négociations. La mesure des gains n’est pas seulement celle des USA ou de l’UE mais celle relative à chaque Etat de l’UE. Cela pourrait redéfinir les relations commerciales entre Etats : si l’Allemagne commerce plus avec les USA, elle le fera peut-être moins avec l’Italie, la France ou la Grande-Bretagne, de même pour la GB vis-à-vis de la France…et de la Chine ! Effet de diversion pouvant pénaliser le Maghreb et la Russie. En mettant fin à la diversion des USA vers l’Asie, d’autres pays souffriront des effets de diversion.

Évolution à venir : l’Allemagne ne sera plus dominante, la GB passera devant la France, elle-même devant l’Allemagne. Si la GB bénéficie de cet accord, alors se posera effectivement la question de son intérêt à rester dans l’UE. « L’absence de réflexion européenne globale sur l’articulation entre le multilatéralisme et le bilatéralisme ou sur l’évolution des dynamiques intra-européennes paraît préoccupante et renvoie à la difficulté structurelle de l’UE à se penser en tant qu’acteur du système international. »

Conclusion du Reflux de l’Europe : Des européens sans Europe ?

L’UE se trouve dans une situation de reflux que la crise de l’euro n’explique que partiellement. Les Européens ne constituent pas un seul et unique peuple du fait de l’hétérogénéité des stratégies, des divergences croissantes, de la perte de confiance en l’UE notamment.

Sur le plan sécuritaire, une Europe faible marque des Etats forts. Sur le plan commercial, une Europe forte cache des résultats nationaux très contrastés. Est remise en cause l’idée selon laquelle l’UE démultiplie  la puissance des Etats membres. Des Etats membres jugent plus judicieux de garder le contrôle de leur politique commerciale ou énergétique et ne désirent pas s’engager au niveau militaire à « glaciation stratégique de l’Europe » alors que le continent est confronté à la hausse d’équipement des émergents, à la menace russe, crises politiques au Sahel et dans les pays arabes, à sa perte d’influence sur le climat, révolution du gaz de schiste, échec des NCM, crise nucléaire en Iran et Corée, cybercriminalité, etc.

D’où viennent ces divergences ? D’une différence de perception des risques ! D’où inefficacité. Par exemple, la création du poste du Haut-Représentant pour la Sécurité et la politique étrangère et l’instauration d’un service d’action extérieure n’ont rien changé. Le Comité militaire de l’UE s’est montré inefficace. La GB ne veut pas d’un état-major européen permanent. Ce ne sont pas seulement des problèmes d’institution, mais aussi de volonté qui empêchent cela.

Hétérogénéité des cultures stratégiques nationales : géographiquement, la Russie n’est pas autant une menace pour l’Espagne/le Portugal que pour la Pologne, la Méditerranée et le Sahel ne menacent pas tant la Scandinavie que la France. La géographie n’explique pas tout ! En Allemagne et en Espagne, la force militaire est perçue comme menace pour la démocratie. Le Danemark, menacé par rien, soutient les positions offensives françaises et souhaite que ce soit davantage l’OTAN que les forces de pays européens qui interviennent. La Suède aussi.

En fait, les échecs militaires des USA ne poussent pas l’Europe à s’investir massivement. De plus, toute intervention au nom de l’UE aurait des implications politiques que des pays (GB) refusent. Autre problème de la mise en place d’une politique européenne de la défense : sur quels domaines porte-t-elle ? L’Allemagne n’y voit qu’une question de formation et de logistique, et non pas de capacité militaire commune…

France et GB : la fin du cycle de Suez : aucune opération européenne depuis 2008 mais France et GB ont un activisme militaire jamais vu depuis le traité de Rome ! Cycle de Suez initié en 1956 : pour exister, la GB suit les USA et la France devient plus indépendante.  Désormais, ils ne sont plus divisés par le facteur américain et revoient leur relation bilatérale. En fait, ce sont les membres et non l’Union qui agissent. Cas allemand : ce n’est pas la Constitution mais l’interprétation de la Cour constitutionnelle qui rend la possibilité de déployer des troupes ailleurs si difficile. Le parlement, souvent réticent, doit donner l’accord. Par exemple, au Mali, ils apportaient du soutien logistique au pays d’Afrique sans s’engager.

Les Etats membres sans l’Union : on peut affirmer que les divergences sont en fait des complémentarités, certains peuvent recourir à la force pendant que d’autres font de l’assistance humanitaire et du maintien de la paix, c’est exagérément optimiste. Changement par rapport aux USA : les positions américaines ne sont plus celles européennes ! « L’Europe est un acteur international en panne de créativité stratégique et de volonté politique, à l’inverse de ses Etats-membres qui font entendre leur voix et qui agissent. Des Européens sans Europe ? »