commentaire

Le commentaire de texte est peut-être un des exercices les plus complets demandés en khâgne. Il requiert une connaissance sociale et historique du contexte de l’œuvre, une sensibilité aux références intertextuelles de littérature ou même de philosophie et un sens de l’analyse et de l’argumentation développé.

Tout l’enjeu est de savoir rester proche du texte, tout en poussant l’analyse assez loin pour qu’elle « révèle » l’intérêt de celui-ci. Indépendamment de la volonté propre de l’auteur, il importe de prouver en quoi le texte étudié est de l’art, en quoi il importe en lui-même, parfois même indépendamment de l’œuvre dont il est extrait.

Cet article a pour but de te donner quelques termes précis, pouvant s’adapter à tout type de texte. Cela te permettra d’enrichir ton commentaire, aussi bien à l’oral que dans ton analyse des œuvres au programme en dissertation. Bien entendu, les figures de style les plus utiles et les plus attendues restent les très classiques allitérations, assonances, oxymores, etc. Cet article tend à t’apporter des ressources un peu plus rares, les termes exacts de constructions qu’il est facile de remarquer et d’analyser.

Si tu veux avoir davantage de conseils sur l’épreuve de composition littéraire, tu peux en trouver juste ici !

Figures de style portant sur le son

Ces figures de style jouent sur les sonorités. Elles sont particulièrement utiles pour compléter l’utilisation des classiques allitérations et assonances, et expliquer un effet de rythme souvent à visée poétique chez un auteur.

La paronomase

Il s’agit d’un rapprochement syntaxique de mots qui possèdent une similitude phonique. L’effet se rapproche souvent d’une métaphore déguisée, en se concentrant sur un jeu de rythme.

Exemple : « Il pleure dans mon cœur/Comme il pleut sur la ville. » (Verlaine, « Il pleure dans mon cœur… », Romances sans paroles)

L’homéotéleute

Un peu plus connue, cette figure de style désigne tout simplement une répétition de mots finissant de la même façon. Il peut s’agir d’une homophonie de la syllabe finale, ou d’une syllabe tout autre. Cette figure sert à créer un rythme poétique, mais utilisée à répétition, elle symbolise principalement le comique ou l’insistance.

Exemple : « Tiens, Polognard, soûlard, bâtard, hussard… » (Ubu roi, Alfred Jarry)

La rime banale

Tu connais sans doute déjà les rimes riches, suffisantes et pauvres, les rimes embrassées, croisées, suivies, etc. Le concept ici est un peu moins répandu, mais très utile et souvent très facilement analysable. La rime banale a pour particularité de ne présenter aucune audace sémantique.

Par exemple, faire rimer « nuit » et « ennui », c’est-à-dire la mélancolie aux ténèbres. Cette figure peut se retrouver en prose comme en poésie, peut servir à créer un effet de décalage avec le texte, souvent ironique. Elle peut aussi être poétique dans un texte en prose.

Figures de style portant sur la syntaxe

Ces figures de style relèvent des constructions de phrases particulières qui tendent souvent à surprendre le lecteur et à donner un certain effet à la phrase, comique, rhétorique ou poétique.

L’hypozeuxe

Il s’agit de fait d’un terme plus compliqué pour désigner un parallélisme. L’hypozeuxe correspond à un parallélisme et à une reprise dans une phrase d’éléments grammaticalement identiques.

Exemple : « Jusqu’à l’épuisement, jusqu’à la mort. » (Maurice Maeterlinck)

La parembole

Cette figure correspond tout simplement à une parenthèse ayant un lien syntaxique avec ce qui précède. Elle peut être analysée comme une rupture syntaxique, une adresse directe au lecteur ou un effet comique.

Exemple : « Perdu en un endroit lointain (ou même pas), sans nom, sans identité. » (Michaux, Peintures)

L’anacoluthe

Là encore, la définition de cette figure est assez simple et peut être utilisée dans de nombreux contextes. Elle se définit comme une rupture de construction syntaxique. Son effet peut tout autant être comique que poétique.

Exemple : « Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, la face du monde en eût été changée. » (Blaise Pascal) Au lieu de : « Si le nez de Cléopâtre eût été plus court, la face du monde en eût été changée. »

L’asyndète

Cette figure correspond à l’absence d’un lien coordonnant attendu. L’effet est souvent rythmique, voire poétique.

Exemple : « Cette triste femme contemplait les enfants, les bébés. » On attendrait : « et les bébés »

La polysyndète

À l’inverse de la figure précédente, celle-ci correspond à une multiplication de liens de coordination quand une simple juxtaposition est attendue. Le but est souvent argumentatif ou bien cela sert comme figure d’insistance pouvant signifier jusqu’à la suffocation du lecteur.

Exemple : « Mais tout dort, et l’armée, et les vents, et Neptune. » (Iphigénie, Racine).

Figures de style de construction oratoire

La période oratoire

En rhétorique, il s’agit d’une phrase construite très méthodiquement pour donner l’impression d’une certaine ampleur. Elle se construit comme un cycle, une phrase musicale conduisant logiquement vers sa fin. La période se construit en deux mouvements au sein d’une même phrase : un mouvement ascendant (appelé protase) et un mouvement descendant (appelé apodose).

Cette construction de période oratoire remonte à la rhétorique antique, mais se retrouve chez des auteurs bien plus récents comme Bossuet, Sainte-Beuve ou même Flaubert. La compréhension de cette figure peut paraître compliquée, mais elle est un vrai plus dans un commentaire de texte.

Cette figure de style se compose de fait de trois éléments

D’abord, la protase (suite d’éléments rapides qui accélèrent le rythme de la phrase). Puis, l’acmé, c’est-à-dire le point culminant. Et enfin, l’apodose (partie de la proposition principale qui, placée après une subordonnée conditionnelle, en indique la conséquence).

Dans la rhétorique antique et classique, les deux membres de la phrase doivent être équilibrés. Si la protase est plus longue que l’apodose, on parlera de cadence mineure. Inversement, on parlera de cadence majeure. Ce second cas est le plus rare et devra être analysé comme surprenant.

Cette figure est facilement remarquable et analysable dans des textes contemporains. Elle permet de souligner une volonté particulièrement rhétorique de l’auteur et un certain retour aux sources antiques.

Exemples

« Comme une colonne, dont la masse solide paraît le plus ferme appui d’un temple ruineux, / lorsque ce grand édifice qu’elle soutenait fond sur elle sans l’abattre, (protase) / ainsi la reine se montre le ferme soutien de l’État / lorsqu’après en avoir longtemps porté le faix, elle n’est pas même courbée sous sa chute. (apodose) » (Jacques Bénigne Bossuet, Oraison funèbre de Henriette-Marie de France)

Ici, la période oratoire dénote d’un style très antique, car équilibré.

« Ce n’étaient qu’amours, amants, amantes, dames persécutées s’évanouissant dans des pavillons solitaires, postillons qu’on tue à tous les relais, chevaux qu’on crève à toutes les pages, forêts sombres, troubles du cœur, serments, sanglots, larmes et baisers, nacelles au clair de lune, rossignols dans les bosquets, messieurs braves comme des lions, doux comme des agneaux, vertueux comme on ne l’est pas, toujours bien mis, (protase) et qui pleurent comme des urnes. (apodose) » (Gustave Flaubert, Madame Bovary)

Ici, on sent bien cette musicalité du souffle, cette rupture entre les deux mouvements de protase et d’apodose par la conjonction de coordination « et ». Il s’agit d’une période oratoire en cadence mineure.

La palinodie

Il s’agit de la partie d’un texte, qui se situe le plus souvent en conclusion, où l’auteur révoque l’ensemble de son précédent raisonnement. Cette figure peut être visible à l’échelle d’une phrase ou d’un texte entier. Elle a souvent une visée ironique ou argumentative.

La conglobation

Cette figure correspond tout simplement à une accumulation de preuves dans un discours. Le but est souvent d’impressionner l’interlocuteur à des fins persuasives.

Attention, en rhétorique, convaincre quelqu’un se fait par des arguments logiques, mais persuader fait appel aux sentiments.

L’adynaton

Toujours à des fins persuasives pour impressionner le lecteur ou l’interlocuteur, il s’agit d’une hyperbole impossible et extrême.

Exemple : « Deux milliards d’hommes devant moi. »

L’aposiopèse

Cette figure de style est une simple figure d’hésitation (« mais… »), une interruption soudaine de la phrase ou du discours qui témoigne d’une certaine émotion.

Exemple : « Tu vas ouïr le comble des horreurs. / J’aime… À ce nom fatal, je tremble, je frissonne. / J’aime… »

L’épanorthose

Il s’agit également d’une interruption du discours qui consiste cette fois en une figure de correction (« ou plutôt »).

Exemple : « C’est un roc ! … C’est un pic … C’est un cap ! Que dis-je, c’est un cap ? … C’est une péninsule ! » (Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand).

L’hypotypose

Cette figure relativement classique utilisée dans les descriptions tend à rendre particulièrement vivant un discours (ou une image) par des images marquantes. Elle est souvent visible par une énumération de détails concrets. Elle peut être descriptive, simple énumération de détails, ou rhétorique, en étant utilisée dans un texte pour impressionner le lecteur et servir à sa persuasion.

Exemple : « Il s’y rencontrait de tout, des filets de sang, des débris de peau, des croûtes, des morceaux de charpie et de bandage, un affreux consommé de tous les maux, de toutes les plaies, de toutes les pourritures. » (Carnets, Émile Zola)

L’hendiadyn

Ce terme désigne le fait de dissocier en deux éléments distincts ce qui devrait en toute logique être dit en un seul syntagme. Il sert à ralentir le raisonnement ou à mettre en valeur une caractéristique, par exemple d’un objet décrit.

Exemple : « L’enfant en rentrant dut subir son père et ses réprimandes. » (Henri Morier)

L’épiphonème

Dans le langage rhétorique, il s’agit d’un commentaire autonome et amovible, comme l’est la moralité des fables.

L’épiphrase

Très liée à la figure précédente, il s’agit de l’ajout d’une conclusion ou d’un argument supplémentaire en fin d’un raisonnement ou d’une phrase. Il s’agit donc d’un commentaire ni amovible ni autonome, c’est-à-dire tout argument lié au développement dont il est entouré.

Exemple : « Je vous le pardonne. Mais que le pardon est vain ! » (La Reine morte, Henry de Montherlant)

Figures de style portant sur le rythme

L’épitrochasme

Peut-être la figure la plus pratique et utilisable de toute cette liste. L’épitrochasme ne désigne qu’une suite de mots brefs. Il peut être analysé d’une multitude de façons, souvent à des fins lyriques ou rhétoriques.

Exemple : « Je vais, je viens, je cours, je ne perds point le temps. » (Les Regrets, Joachim du Bellay)

La parataxe

Cette figure, particulièrement présente en littérature allemande, désigne un enchaînement de propositions juxtaposées dans une même ou plusieurs phrases, sans éléments de coordination. L’effet est souvent une ampleur persuasive tendant à noyer le lecteur dans l’accumulation. Le style de Marcel Proust en est le meilleur exemple.

L’hypotaxe

À l’inverse de la parataxe, il s’agit d’un enchaînement de propositions coordonnées au sein d’une même ou plusieurs phrases. La visée est rhétorique et tend à convaincre le lecteur par une logique implacable. On parle alors d’une construction hypotaxique à la différence d’une construction parataxique.

L’hyperbate

La figure de l’hyperbate rallonge ou poursuit une phrase qui semblait pourtant terminée.

Exemple : « Albe le veut, et Rome. » (Corneille)

L’expolition

Il s’agit d’une répétition ou amplification d’une même formulation sous des formes différentes. C’est une figure d’insistance.

Exemple : « Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage, / Et la mer est amère, et l’amour est amer. » (Marbeuf)

L’épiphore

Il s’agit d’une répétition d’un mot ou d’un groupe de mots en fin de phrase, de paragraphe ou de vers.

Exemple : « Musique de l’eau / Attirance de l’eau / Trahison de l’eau / Enchantement de l’eau. » (Anne Hébert)

L’énallage

Cette figure désigne l’usage d’un temps, d’un nombre ou d’une personne différent de ce que l’on attend.

Exemple : « Qu’est-ce qu’elle veut, la p’tite dame ? » (au lieu de : « que voulez-vous ? »)

Attention néanmoins avec les figures de style !

Tout le danger des figures de style est de donner l’impression au correcteur de complexifier volontairement son propos pour élever artificiellement le niveau de sa copie. Il importe ainsi de ne pas abuser de ces figures de style. Plus elles sont inconnues et rarement employées, plus elles seront remarquables et rapidement insupportables au correcteur si trop utilisées.

Le second risque est d’employer uniquement des figures de style rares qui peuvent être peu connues du correcteur, qui appréciera très peu d’être pris de haut par un élève. Il faut donc toujours s’assurer d’en employer un nombre limité. En avoir plus de quatre ou cinq par copie devient vite abusif, sauf si elles sont noyées dans une masse plus importante de figures de style plus basiques. Et il faut toujours expliquer en une rapide proposition ou phrase le concept de la figure utilisée.

Tu remarqueras peut-être que beaucoup de ces figures portent sur la construction d’une phrase ou bien sur son rythme. Pour la simple raison qu’elles sont plus facilement utilisables, plus passe-partout et surtout plus facilement exploitables. De fait, l’important d’une figure de style est de savoir l’exploiter. Citer un terme compliqué pour le citer ne fera qu’agacer le correcteur. Il faut donc toujours savoir analyser cette figure de style dans le contexte de l’extrait étudié.

Tu verras que la majorité de ces figures de style sont très simples à utiliser et donnent un poids important à ton argument. Mais elles n’ont de valeur que si elles sont exploitées.

Un dernier point sur les figures de style

Il importe ici de te rappeler qu’il est normal d’avoir peur d’en « faire trop » ou d’aller « trop loin » dans l’analyse. Mais tant que l’analyse donnée n’est pas en contradiction avec des logiques sociales et des courants que l’auteur a pu connaître, tout est entendable, tant que tout est justifié.

Le texte existe indépendamment de son auteur et peut-être compris d’une multitude de façons différentes. Ce qui en fait toute la richesse. Ne te brime donc pas dans ton analyse. Mieux vaut une réflexion jugée extravagante tant que justifiée que plate. L’important est de savoir se distinguer !

Si tu es à la recherche d’articles pour la prépa littéraire (A/L et B/L), rendez-vous juste ici !