La prépa A/L comporte deux voies principales : la branche classique et la branche moderne (Lettres et Sciences Humaines – LSH). La première prépare à l’entrée de l’École normale supérieure (ENS) de la rue d’Ulm à Paris et la seconde à celle de Lyon. La principale différence notable est la présence obligatoire pour le concours de l’ENS Ulm d’une langue ancienne, à savoir le latin ou le grec.

Cet article a donc pour but de proposer quelques conseils pour réussir à prendre le latin par le bon bout dès le début de la prépa. Si les méthodes en latin et en grec peuvent être proches, ces deux langues restent très différentes. Nous aborderons donc cette langue essentiellement du point de vue des étudiants d’hypokhâgne, pour lesquels une langue ancienne au moins est obligatoire, et pour les khâgneux classiques, pour lesquels cette langue est obligatoire et donc incontournable.

Les débuts

Que tu sois débutant en latin ou non, tu risques de commencer la prépa par des notes bien en deçà de tes espérances. Cela ne doit en aucun cas te décourager, il s’agit d’un travail sur le long terme, et le but ultime est d’être prêt le jour du concours.

De plus, tu verras progressivement que le latin peut te resservir dans toutes les autres matières. Le plus évident est sans doute dans l’emploi et les jeux sur les étymologies, mais même la civilisation pourra te servir en philosophie ou en littérature française et étrangère.

Alors, garde bien en tête que le latin n’est pas une matière en plus, un fardeau que tu dois porter pendant toute la prépa. Vois-le plutôt comme un socle des humanités et une langue encore vivante, dont la traduction peut même devenir un jeu.

Le latin, une langue vivante

Comprendre la langue en en saisissant le fonctionnement et les particularités est une première étape. Tous les textes étudiés ont été écrits par des hommes qui parlaient cette langue. Souvent, il faudra que tu te mettes à la place de celui qui a écrit pour comprendre ce qu’il a voulu dire. Cela te permettra d’avoir un regard d’ensemble sur le texte à traduire. En outre, puisque la littérature latine est très riche, il n’est pas rare qu’un texte en éclaire un autre, d’un point de vue civilisationnel et linguistique. Relis régulièrement les textes que tu as traduits, tu pourras les retenir efficacement, voir les points sur lesquels tu butes encore et même déceler les similarités profondes qui relient certains auteurs.

Concentration et méthode

La traduction latine est une activité minutieuse et la moindre inattention entraîne le faux-sens, voire le contresens. Pour réaliser cet exercice au mieux, il faut être reposé et avoir l’esprit clair. La veille d’une version latine, rien ne sert de se coucher tard pour réviser quelques règles de grammaire ou pire, du vocabulaire… Arrive en forme à la version, concentre-toi bien avant de recevoir ton sujet et quand tu te retrouves face à lui, pas de panique. C’est maintenant que tout commence. Les premières minutes sont les plus cruciales et doivent être le fruit d’un certain automatisme.

Vocabulaire et grammaire, le duo sacré

Vocabulaire

Tout d’abord, il faut que tu saches une chose : ce n’est pas parce que l’oral d’Ulm se déroule sans dictionnaire qu’il faut apprendre celui-ci en entier ; c’est de toute façon impossible ! Même si tu ne vises pas l’oral d’Ulm mais celui de la BCE, dans lequel le dictionnaire est autorisé, il est nécessaire d’apprendre du vocabulaire car l’épreuve est courte. Ne la consacre pas à chercher tous les mots ! Mais plutôt que d’apprendre une somme de mots, mieux vaut les apprendre de manière stratégique.

Gaffiot, Lexiques et Mots Latins

Déjà, il faut les hiérarchiser. Certains mots reviennent à chaque ligne, d’autres ne se croisent que chez Stace (poète de la Rome antique). Le nombre de références que donne l’article du Gaffiot permet souvent de se faire une idée de la fréquence d’apparition de tel mot, mais le plus facile est sans doute de regarder dans un lexique pour collégien-lycéen si le mot apparaît. Il ne sert à rien de pratiquer un « snobisme khâgnal » désuet et de refuser de te plonger dans des lexiques niveau collège. Si tu en connais par cœur tous les mots, tu auras déjà fait une bonne partie du chemin.

Une autre méthode souvent plébiscitée consiste à utiliser Les Mots Latins, ouvrage de Fernand Martin. Si son apprentissage est parfois redondant, ce livre a le mérite de classer les mots par étymologie et donc de créer des liens entre ceux-ci que tu ne soupçonnerais pas. Tu créeras alors de grandes familles de mots et les retiendras plus facilement. Là encore, pas besoin de le connaître par cœur, mais n’hésite pas à l’ouvrir quand tu as un doute ou une interrogation sur la racine d’un mot.

Rigueur et organisation

Mais la clé pour apprendre au mieux du vocabulaire latin est double. Déjà, il faut que tu sois rigoureux dans l’apprentissage de celui-ci et donc que tu lui donnes une place dans ton emploi du temps. Même des tranches de cinq minutes ici et là peuvent te permettre de faire des pas de géant, pour peu que tu travailles quotidiennement. Tu peux par exemple employer le temps que tu passes dans les transports en commun afin d’apprendre une liste de vocabulaire ou revoir une version.

Par ailleurs, fabrique-toi un lexique personnel avec les mots que tu as rencontrés. Prends par exemple un répertoire que tu rempliras au cours de tes deux ou trois ans de prépa. Si tu as déjà étudié le latin au collège/lycée, n’hésite pas à reprendre le même afin de garder les mots de vocabulaire précédemment rencontrés à portée de main. Il deviendra vite ton compagnon d’infortune ! Dès que tu as quelques minutes, ouvre-le et relis quelques lignes. Tu peux aussi choisir une couleur par type de mot, par exemple le rouge pour les verbes, le bleu pour les adjectifs, le vert pour les noms et le noir pour le reste.

Grammaire

La grammaire est l’autre pan majeur de la version latine. Ici encore, pas de secret, il faut travailler et retravailler sa grammaire : ne pas hésiter à la raturer, la surligner, la souligner, bref, en faire ton amie. En fonction de ta sensibilité et du fonctionnement de ta mémoire (visuelle, auditive…), tu t’y prendras différemment. Certains te diront qu’un bon moyen d’apprendre les règles latines est de passer par la phrase d’exemple, dont certaines sont même célèbres : « Dicitur Homerus caecus fuisse » (« On dit qu’Homère était aveugle »), ou encore « Delenda Carthago est » (« Il faut détruire Carthage »). Mais là encore, tu dois t’imposer une discipline de fer pour progresser sereinement.

L’importance de la civilisation

La civilisation est nécessaire pour entrer dans la langue latine un peu profondément. Il est vrai qu’au premier abord, elle pourrait sembler superflue, un luxe qu’on ne peut pas se permettre en prépa. En effet, elle permet de comprendre le texte dans ses dimensions métatextuelle et paratextuelle, et donc d’éviter de gros contresens. Il est bon de savoir que César n’était pas empereur, que Virgile a écrit pour Auguste et que Lucrèce s’est inspiré d’Épicure…

De plus, à l’oral de la BCE comme de l’ENS, l’épreuve de latin se divise en deux parties, dont la seconde consiste en un commentaire du texte traduit. Là encore, des rudiments de culture latine s’imposent. Dis-toi toujours que tout est en tout et que travailler la civilisation sert aussi à la traduction. Par exemple, si tu sais ce qu’est la toge virile, tu n’auras aucun problème à comprendre une partie du texte qui l’évoque.

Surtout, n’oublie pas de repérer à chaque lecture d’article ou chaque cours de civilisation les éléments qui te resserviront peut-être, et ils sont nombreux !

En guise de conclusion

Le plus important est sans doute, comme partout, de réussir à prendre du plaisir devant la version latine. Pour réussir à travailler le latin efficacement, il faut rendre ce travail ludique et constructif. À propos du vocabulaire, tu peux te livrer à des petites enquêtes étymologiques. Un moyen intéressant peut être de rattacher les mots entre eux, et donc de les apprendre par paquets, notamment à l’aide du livre Les Mots Latins que nous avons évoqué plus haut.

De la même manière, la civilisation apporte des informations cruciales pour comprendre un texte et offre souvent un autre regard, plus concret et donc plus plaisant. Quel bonheur de mettre les descriptions truculentes du Satyricon de Pétrone en reflet avec les archives archéologiques de musées d’Antiquité !

Enfin, un peu de travail mathématique ne fait jamais de mal. Le latin, plus encore que le grec, observe, notamment en prose, une structure très logique. L’ordre des mots est ainsi rarement différent d’une phrase à l’autre. Découper chaque proposition en escalier permet de réduire même les phrases les plus conséquentes en petits morceaux souvent faciles à comprendre.