Accroche : PSA d’Aulnay qui s’apprête à fermer, Arcelor-Mittal qui licencie des centaines de salariés, Heuliez qui dépose le bilan au sein d’une industrie française tourmentée : l’inexorable déclin industriel n’a guère cessé tout au long de l’année 2013. Mais si la France se désindustrialise, l’industrie française, elle, demeure ambivalente. En effet, Alstom affiche ainsi une croissance insolente poussant les GE et Siemens à se battre pour la racheter alors que d’un autre côté, Alcatel-Lucent, durement touché par la crise, multiplie les plans sociaux. Mais comment expliquer une telle désindustrialisation ? Pourquoi existe-t-il une telle ambivalence de l’industrie française ? Quels sont nos atouts à faire valoir afin de redynamiser le système productif industriel français ?

Patrick Artus et Marie-Paule Virard élucident ces problématiques dans La France sans ses usines.

Chapitre 1 : Désindustrialisation à la Française.

La part de l’industrie dans le PIB est passé de 24% à 14% entre 2000 et 2010 (aujourd’hui c’est 12%) alors qu’en Allemagne elle reste à 30%, ce qui permet ainsi à l’Allemagne d’avoir de colossaux excédents commerciaux : 200 milliards en 2013 ! Cette désindustrialisation se reflète dans les plans sociaux menés par PSA à Aulnay et par Arcelor-Mittal à Florange. Les auteurs exposent les facteurs exogènes (causes internes) de la désindustrialisation (coût de production les plus attractifs à l’étranger, marché émergents,…) et les raisons pour lesquelles il faut réindustrialiser (L’industrie permet les hauts salaires, la création d’emplois, le dopage des exportations et l’essor de la R&D).

Chapitre 2 : L’industrie c’est dépassé ça sent mauvais et c’est dangereux.

Les auteurs exposent ici les facteurs endogènes (causes internes) de la désindustrialisation à savoir tissu de PME qui manque de vitalité, une fiscalité bien trop élevé, des charges sociales trop importantes, un euro fort,… Ils insistent donc sur le fait qu’il ne s’agit non pas d’un problème de productivité (la France est plus productive que l’Allemagne) mais de compétitivité. Enfin ils montrent subrepticement que l’ambivalence du secteur industriel français tient à la divergence des stratégies et aux mauvais choix de spécialisation (les FTN qui vont mieux se placent sur des niches [=Haut de gamme, c’est le cas de LVMH par exemple], ont diversifié leur stratégie de croissance [88% du Chiffre d’Affaire de L’Oréal est réalisé à l’étranger] ou ont externalisé une partie de leur production [c’est le cas de Renault qui fabrique des Dacia en Roumanie et qui a ouvert une usine à Tanger-Med au Maroc]).

Chapitre 3 : Les indignés de la désindustrialisation

Les auteurs mettent en évidence les effets néfastes de la désindustrialisation (Chômage en hausse, baisse de la croissance, déficit commercial, précarité à l’embauche, hausse des inégalités,…). Cette désindustrialisation a surtout eu pour corollaire la percée du FN qui prône une réindustrialisation par le biais d’une démondialisation. Les auteurs dans la suite de l’ouvrage s’efforce de montrer que si la réindustrialisation est souhaitable, la méthode prônée par le FN (la démondialisation) est une ineptie.

Chapitre 4 : Démondialisation heureuse, la nouvelle illusion

Ils montrent que si le protectionnisme intelligent (pratiqué actuellement en Chine notamment dans le secteur pharmaceutique, le protectionnisme intelligent consiste avant tout en la mise en place de barrière protectionniste pour freiner l’offre extérieur et promouvoir l’offre intérieur, mais aussi l’exigence de transfert de technologie pour dynamiser le secteur intérieur ainsi que le patriotisme économique pour favoriser l’industrie intérieure) est souhaitable pour l’émergence d’un pays afin de mettre en place une industrie puissante et compétitive, il n’est pas envisageable en France. Car :

    • Les étapes de production sont largement externalisées, ainsi un Airbus A320 est produit à 50% hors de France, instaurer des barrières protectionnistes c’est augmenter le coût d’un Airbus car les 50% des composantes qui viennent de l’étranger verraient leur coût augmenter.

    • Par la même, vouloir relocaliser entièrement toute la production n’est pas non plus envisageable, l’histoire nous montre d’ailleurs que l’autarcie n’est économiquement pas viable (Grand Bond avant sous Mao,…).

    • Par ailleurs en prenant unilatéralement des mesures de protectionnisme économique ont s’expose à des guerres commerciales. Par exemple si Air-France KLM se met à préférer systématiquement Airbus, alors les USA s’empresseront de ne plus acheter d’Airbus et donc de favoriser Boeing, or le principal acheteur d’Airbus sont les USA, la firme française serait donc perdante. Les guerres commerciales ne sont donc pas souhaitable d’autant plus que la France et l’Union Européenne ne sont pas encore prêtes à y faire face (comme en témoigne l’épisode des panneaux solaires chinois qui met en exergue les divergences des États membres de l’U.E. qui n’arrivent pas à parler d’une même voie).

    • Enfin un protectionnisme anti-chinois impliquerait très certainement des mesures de rétorsions chinoises : plus d’I-phone, plus de téléviseurs et d’autres produits achetés en Chine. Par la même, les FTN françaises se priveraient d’un incroyable marché émergent (la Chine c’est 1,3 milliards d’habitants)

CEPENDANT ce n’est pas pour autant qu’il ne faut pas inciter à acheter français DANS UNE MOINDRE MESURE (ce que préconise P-N Giraud dans La Mondialisation, émergence et fragmentation), à protéger quelques secteurs clés (c’est dans ce sens que va le décret Montebourg) et à relocaliser une partie de la production (ce que fait Apple EN 2013 en créant 2000 emplois en Arizona, sur une demande du président Obama) tout cela afin de favoriser la réindustrialisation de la France.

Chapitre 5 : « L’idée d’une France sans ses usines et sans ses ouvriers est une idée folle » (Nicolas Sarkozy en 2009)

Il faut réindustrialiser car la France possède bon nombre d’avantages compétitifs (énergie bon marché grâce au nucléaire, infrastructures de transports performantes, niveau correct d’éducation de la population, effort d’innovation qui peut être amélioré. La réindustrialisation passe par 3 mesures essentielles :

    • Faire des réformes fiscales pour améliorer la compétitivité-coût de la main d’œuvre française et la compétitivité fiscale du territoire français.

    • L’État ne doit pas hésiter à mener une politique volontaire, en investissant massivement dans la R&D ou dans un secteur qu’il souhaite développé.

    • L’Union Européenne se doit d’être réformée, il s’agit de pallier à ses incohérences structurelles (voir Fiche Quand l’Europe s’éveillera), elle doit être unie et favoriser une politique de redéploiement industriel à l’échelle de toute l’Europe, pourquoi pas en baissant la valeur de l’euro.

Conclusion : Le rapport Gallois et les pactes de compétitivité et de responsabilité entrepris par le gouvernement actuel semblent aller dans cette direction . Le consensus, le développement durable, le lien inter-générationnel et le dialogue social sont également au menu de la réindustrialisation française précisément pour pas que la France ne devienne « La future Floride de l’Europe » (Chapitre 6) et qu’elle continue à « tenir son rang » dans la mondialisation contemporaine.

Ouvrage à conseiller pour : TOUT LE MONDE. Il est vraiment incontournable pour comprendre les difficultés chroniques de l’industrie française, son inexorable déclin et ce qui peut être fait pour inverser la tendance.

Ezékiel Sedaminou

Major-Prépa.