Dans cet article, Major-Prépa te propose une analyse du sujet de géopo ESCP 2022. Cette épreuve est cruciale pour tous les étudiants de la filière ECS. Elle est aussi  redoutée concernant la gestion du temps, puisque le candidat dispose de 4h pour produire une dissertation et une carte (sur laquelle il ne faut pas faire l’impasse, car celle-ci compte en théorie pour 25% de la note finale !). Toute la team de Major-Prépa est avec toi pour tes semaines de concours, courage !

Retrouve ici le sujet de géopo ESCP 2022.

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Analyse du sujet géopo ESCP 2022

Sujet : Vers un retour des frontières ?

Actualité et lien avec le sujet

Fragilisé par les accusations de passivité face aux refoulements de migrants, le Français Fabrice Leggeri a quitté Frontex le 18 avril 2022. Son départ pose des questions de fond sur le rôle précis de l’agence européenne Frontex.

Depuis octobre 2020, Frontex a régulièrement été accusée de fermer les yeux sur des refoulements illégaux de migrants aux frontières de l’Union européenne. Il était accusé par des ONG d’avoir couvert des opérations de refoulement (« pushbacks ») de boat people vers la Turquie par la Grèce entre 2019 et 2020.

Définitions et analyse des termes

Vers : traduit une direction, un sens, suppose l’existence d’un point de départ, une cause, vers un point d’arrivée, une finalité. Mais le terme peut aussi marquer une inflexion, c’est-à-dire un léger changement de stratégie de la part des acteurs concernés, comparée à l’ancienne.

Retour : au sens premier, c’est le contraire de l’aller, donc le retour marque une rupture dans la continuité des frontières, c’est donc la résurgence, la réapparition, et donc cela suppose l’existence préalable de frontières par le passé, puis son effacement, voire sa disparition, avant de refaire surface. Au sens second, le retour provient de « retourner » et donc pourrait annoncer un bouleversement de l’ordre jusqu’ici établi par les frontières. Ce terme pose l’aspect mouvant et instable des frontières.

Frontières : dans L’Obsession des frontières, le géographe Michel Foucher définit une frontière comme une « discontinuité géopolitique à fonction de marquage réel, symbolique ou imaginaire ». Il convient de faire une distinction entre le vocable français et anglais qui est plus riche pour cette notion géopolitique : la « frontier » désigne la frontière mouvante, le front pionnier, la « boundary » désigne la ligne arbitraire, contestable, tandis que la « border » est une limite fixe immuable et séparatrice pour Frederick Turner. Le fondement de la frontière est la « dyade » pour Michel Foucher : il s’agit de la frontière entre deux Etats. Le pluriel du terme suppose une pluralité de sens (cf les concepts sous-jacents ci-après).

Bornes historiques et géographiques

Historiquement : comme le sujet n’impose aucune borne historique précise, il peut être intéressant de reprendre la notion d’« horogénèse » de Michel Foucher, ou le processus de création de frontières qui s’est effectué en différentes étapes-clés. On pouvait citer notamment en 1494 : le Traité de Tordesillas qui divise le monde entre Portugais et Espagnols, en 1648 : les Traités de Westphalie qui soutiennent que les frontières sont au fondement de la notion d’Etat, en 1815 : le Congrès de Vienne et la définition des frontières européennes après la défaite de l’empire napoléonien, en 1885 : lors de la Conférence de Berlin qui partage le continent africain aux mains des colonisateurs européens, puis post 2nde guerre mondiale avec la Conférence de Postdam qui réorganise les territoires eurasiatiques et enfin en 1991 avec la chute de l’URSS.

Géographiquement : une fois de plus, le sujet reste évasif sur les délimitations géographiques, ce qui sous-entend que le candidat doit traiter le sujet de la façon la plus globale et exhaustive possible, en n’omettant pas d’adopter un raisonnement multiscalaire. Ce qui est arrangeant pour la construction de la carte dans un second temps.

Problématiques possibles

Assiste-t-on aujourd’hui à une résurgence des frontières ?

Peut-on envisager une barriérisation du monde mondialisé ? Si oui, jusqu’où ?

Pourquoi s’efforce-t-on de renforcer les frontières intérieures alors même que l’on demeure divisés quant à l’établissement de frontières extérieures ?

Proposition de plan

I – Historiquement, les frontières ont permis de “barriériser” les espaces nouvellement conquis par les Etats et d’instaurer ainsi une certaine stabilité dans les relations internationales

II – Cependant, la contestation croissante et la porosité des frontières ont conduit à opter pour une vision « sans-frontiériste » de ces dernières, laissant présager un point de non-retour des frontières

III – En fait, il semble que l’on assiste aujourd’hui davantage à un retournement des frontières, plutôt qu’à un simple retour de celles-ci

Concepts à mobiliser

  • Plus particulièrement, Donald Trump soutient qu’« une nation sans frontières n’est pas une nation » : la frontière est au fondement de la définition d’un Etat !
  • Discours de la Nouvelle frontière de Kennedy en 1960 qui rappelle l’esprit pionnier américain : stimuler l’économie, fournir une aide internationale aux pays dans le besoin, fournir plus de moyens à la défense nationale, développer la NASA et lutter contre la ségrégation des populations noires. Création de l’Alliance pour le Progrès, le traité d’interdiction partielle des essais nucléaires, le programme Apollo et l’Equal Pay Act, interdisant la discrimination entre hommes et femmes en matière de salaire. La politique de la Nouvelle Frontière s’inscrit dans le progressisme afin d’éviter au pays de se trouver dans une situation d’isolationnisme.
  • Bertrand Badie en vient même à déclarer que « la mondialisation est un état sans frontières »
  • D’où le concept de « sans-frontiérisme » de Régis Debray dans L’Eloge des frontières
  • Loi Helms-Burton : loi américaine renforcée par Trump dans ses relations avec Cuba : les USA peuvent refuser de donner le visa à des ressortissants américains qui auraient « trafiqué » avec Cuba, de plus, les tribunaux américains peuvent accepter les plaintes des ressortissants américains qui se sont vu confisquer leurs biens en raison de leur exil sous la dictature cubaine.
  • « Smart border » : nouvelles frontières high-tech européennes face aux flux migratoires : immigrants illégaux et terroristes (Eurosur).
  • « Frontières charnières » (divise, exclue, ligne) se révèlent être des « frontières barrières » (unit, inclue zone) pour Jean Gottman
  • Pour Yves Lacoste, les conflits n’ont pas lieu à la frontière des différentes aires de civilisation, mais au cœur ! Vision ethnoculturelle
  • Aujourd’hui : inégalités à grande échelle : sociales, spatiales très marquées : frontières urbaines, fragmentation (fracture numérique)
  • Notamment le « Triangle d’or » (Laos, Cambodge, Thaïlande) pour l’héroïne et le « Croissant d’or » suivant l’axe Turquie-Iran pour les opiacés, notamment le long de la ligne Durand, frontière pakistano-afghane.
  • « Il n’y a pas de vie sans eau, l’eau n’a pas de frontières » Charte européenne de l’eau
  • Entre 1845 et 1914 : 60 millions d’Européens migrent aux Amériques : mildiou ravage la pomme de terre, politiques d’incitation, mythe du self-made man, forte croissance démographique, pauvreté et famine, centre d’immigration d’Elis Island : frontière filtre : Irlandais aux USA ou Italiens en Argentine.
  • Guerre de l’information et des télécommunications : soft power : les satellites peuvent traverser les frontières sans restriction légale, contrairement aux avions : 50% USA, 15% Chine, 12% UE, 8% Russie
  • « La colonisation a été l’acte fondateur des Etats africains » pour Sylvie Brunel : Europe créatrice des frontières exogènes (« uti possidetis juris » ou intangibilité des frontières) et du modèle de l’Etat-nation.
  • « Frontières exogènes » ou frontières imposées par les colons (l’extérieur) pour Michel Foucher : « hétéronomie génétique » des frontières (Roland Pourtier).
  • The Unquiet Frontier de Jakub Grygiel et Wess Mitchell
  • Frontières naturelles : exemple des EU avec les Grands Lacs (frontière USA/Canada), Massifs Montagneux (Appalaches, montagnes Rocheuses et chaîne des Cascades) et les 3 grandes façades maritimes : Atlantique, golfe du Mexique/Caraïbes et Pacifique
  • Barda : surnom donné au mur installé sur la frontière Mexique/USA pour empêcher le passage des migrants. Indépendant depuis 1821, le Mexique est aujourd’hui confronté à une multiplication des milices privées : les « Minute Men ». En 2006, le Secure Fence Act de Bush fils a permis d’ériger une enceinte fortifiée le long de la frontière. Désormais, c’est la frontière la plus traversée au monde avec 350 millions de passages par an !
  • Conflits au sujet des frontières : Bolivie amputée de son accès à la mer par le Chili après la Guerre du Pacifique et contentieux ZEE entre Chili et Pérou. Frontière fermée entre Panamá et Colombie depuis sa sécession.
  • Tentatives d’aide humanitaire : Richard Branson organise le Venezuela Aid Live à Cucuta, frontière colombienne, et fuite de 5 millions de Vénézuéliens depuis 2015, mais entravée par Maduro.
  • 1953 : guerre de Corée achevée par le Traité de Panmunjom et la frontière du 38ème parallèle (DMZ)
  • Rohingyas en Birmanie persécutés par les bouddhistes : 750 000 expulsés vers le Bangladesh car privés de nationalité et l’Inde ferme ses frontières avec le Bangladesh.
  • Etude de cas sur le Cachemire : disputé entre l’Inde, la Chine et le Pakistan, depuis 70 ans, une crise sans fin et insoluble dans un territoire stratégique, révocation de la semi-autonomie de la partie indienne du Cachemire en 2019. Etat princier aux frontières imprécises. Pakistan l’envahit pour rattacher à son territoire, puis contrecoup de l’Inde : ligne de cessez-le-feu de l’ONU : Azad Cachemire et Gilgit Baltistan contre les restes pour l’Inde : Cachemire, Jammu, Ladakh et Aksai Chin. Frontières au niveau du glacier du Siachen et col du Karakoram problématiques.
  • 30% des frontières européennes sont le produit d’événements postérieurs à 1991
  • Crise migratoire européenne : abolition des frontières intérieures, mais pas de renforcement des frontières extérieures !
  • « Il aurait fallu, au lieu d’élargir sans cesse l’Union, fixer une frontière extérieure et clarifier le discours : voilà quels sont les pays qui ont vocation à entrer dans l’Europe et après on arrête » pour Hubert Védrine dans Sauver l’Europe.
  • On assiste aujourd’hui à la « barriérisation » du monde : cf Frontex en 2005 : disparition des frontières €, mais renforcement des frontières politiques, puis Eurosur (smart borders).
  • Ligne « Attila » : frontière démilitarisée qui sépare la République Turque de Chypre du Nord (RTCN) de Chypre, non reconnue par la communauté internationale.
  • « Eurorégion » : coopération transfrontalière entre 2 ou plusieurs Etats européens : ex Galice-Nord du Portugal, Aquitaine-Euskadi, Eurométropole Lille-Courtrai-Tournai ou Saar-Lor-Lux
  • PEV : Politique Européenne de Voisinage : politique de l’UE visant à améliorer ses relations avec les pays riverains à l’Est (Partenariat oriental) et au Sud (Union Pour la Méditerranée) de ses frontières
  • Russie et Chine : gazoduc Force de Sibérie, OCS créée originellement pour régler les tensions frontalières
  • « Guerre froide arabe » pour Malcolm Kerr dans The Arab Cold War: tensions entre Algérie et Maroc : guerre des sables en 1963 et soutien algérien au front Polisario (mouvement sahraoui occidental de contestation de la domination espagnole, opposé au Maroc pour la domination du Sahara occidental) et aujourd’hui frontière fermée entre les 2 états.
  • En Syrie : territorialisation de Daech qui entend vivre de son territoire et instaurer un « Sunnistan » : trafic d’œuvres d’art après le saccage de Palmyre, vente de pétrole moins cher : volonté de faire disparaître les frontières fixées depuis Sykes-Picot, car ressentiment contre les Occidentaux et nostalgie de l’âge d’or des Abbassides du MO.

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