Salut à toi, jeune étudiant de CPGE. Aujourd’hui, nous allons aborder un chapitre assez important en économie puisque celui-ci a un rapport avec l’actualité lié au Covid-19 et les nombreuses tensions commerciales qui règnent en ce moment dans le monde. Nous allons aborder différentes problématiques : faut-il privilégier le libre-échange au protectionnisme ? Quand faut-il décider d’utiliser l’un ou l’autre ? Que disent les théories ?

I. Les théories traditionnelles de l’échange international

Tout d’abord, ces théories traditionnelles expliquent l’intérêt des pays à échanger, par leurs différences de capacités de production et donc de coût.

A) La théorie des avantages absolus de A.Smith

D’après cette théorie, un pays dispose d’un avantage absolu dans la production d’un bien s’il a la capacité de produire ce bien à l’aide de moins de facteurs de production et donc à moindre coût que ses partenaires potentiels.

Deux pays ont donc intérêt à se spécialiser et à échanger entre eux si chacun possède un avantage absolu dans la production d’un bien spécifique. Du fait de leur spécialisation, chaque pays libérera alors des heures grâce au secteur abandonné, heures qui pourront être consacrées à la production la plus avantageuse. De ce fait, A.Smith posant l’hypothèse de rendements constants, la production mondiale pourra augmenter.

Un problème est toutefois soulevé par cette théorie : si un pays qui, du fait d’un moindre niveau de développement, aurait des coûts plus élevés que ses partenaires, donc n’aurait aucun avantage absolu.

B) La théorie des avantages comparatifs de Ricardo

La théorie des avantages comparatifs de Ricardo va s’appuyer sur les mêmes hypothèses que Smith : Ricardo fonde l’origine de l’échange international sur des différences relatives de productivité. Il est toutefois peu satisfait des limites inhérentes du modèle de Smith, c’est pour cela qu’il développe un autre principe explicatif : la loi des coûts comparatifs.

  • Loi des coûts comparatifs : tout pays a intérêt à participer au commerce international, en mettant l’accent sur la production du bien pour lequel il dispose du plus grand avantage relatif ou du plus petit désavantage relatif.
  • L’avantage comparatif d’un pays est le plus élevé, c’est-à-dire dont les coûts relatifs sont les plus bas, ce qui amène à échanger les biens qu’il ne produit pas.

Il y a toutefois certains problèmes soulevés par cette théorie : on ne peut pas expliquer l’existence d’une spécialisation internationale dans le cas où les deux pays seraient identiques en terme de productivité, rien n’est dit sur l’origine de l’avantage comparatif, la théorie n’explique pas le commerce intrabranche (produits similaires) et enfin, c’est un modèle statique qui ne peut rendre compte des évolutions dans la spécialisation d’un pays.

Pour conclure, qu’il s’agisse de Smith ou de Ricardo, le développement des échanges internationaux repose donc sur le principe d’une division internationale du travail (spécialisation) fondée sur les avantages comparatifs des nations (absolus ou relatifs) qui permet de satisfaire les besoins en utilisant moins de facteurs de production, tout en étant profitable à l’ensemble des pays participant aux échanges.

C) La théorie des dotations en facteur de production de F.Heksher, B.Ohlin et P.Samuelson

Cette théorie vise à approfondir l’analyse de Ricardo sur les avantages comparatifs en expliquant l’origine des différences de coûts de production entre les pays. En effet, les coûts de production, qui constituent le point de départ du modèle de Ricardo restent inexpliqués.

L’idée est que les différences de coûts de production reposent sur les différences de ressources productives à la disposition des nations, c’est-à-dire les différences de dotation en facteur de production d’un pays à un autre.

1. Théorème Heckscher – Ohlin

Ce premier théorème nous apprend qu’un pays a intérêt à se spécialiser et à exporter le bien dont la production est intensive dans le facteur abondant (= loi des proportions de facteurs). Comme il importe le bien dont la production est intensive dans le facteur le moins abondant pour lui, mais le plus abondant pour l’autre pays, tout le monde est gagnant à l’échange.

2. Théorème Stolper – Samuelson

Ce second théorème nous apprend qu’une hausse du prix d’un produit a pour effet d’augmenter la rémunération du facteur dont l’emploi est intensif dans cette production. Par exemple, l’ouverture d’un pays à l’échange permet de vendre des produits à un prix relativement plus élevé qu’en autarcie. Cela va donc accroître la demande du facteur abondant et conduire à une hausse de la rémunération.

3. Théorème Heckscher – Ohlin – Samuelson

Ce troisième théorème nous apprend que le développement du commerce international doit conduire à une égalisation, à terme, des prix des facteurs entre les pays. En effet, cette égalisation est réalisée par l’importation des produits incorporant le facteur rare, celui-ci devenant finalement plus abondant, et par l’exportation des produits incorporant le facteur abondant, ce dernier devenant alors plus rare.

4. Le théorème de Rybczynski

Lorsque la dotation factorielle d’un pays évolue (du fait d’un phénomène de croissance démographique, ou d’une politique d’accumulation de capital), la spécialisation du pays se déformera en direction du bien intensif dans le facteur qui augmente. Par exemple, un pays qui va accroître son stock de capital par rapport à son stock de travail va se mettre à produire plus de biens qui utilisent intensément du capital : il importera moins certains produits, au détriment d’une production domestique.

5. Conclusion sur ces théories :

  • Théories fondatrices du discours sur l’importance de l’ouverture des pays à la concurrence (tout le monde y gagne, concept de gain à l’échange)
  • Limite : ces théories ne permettent pas d’expliquer la forte densité des échanges au sein du monde industriel entre pays similaires et la faiblesse des échanges Nord-Sud entre pays différents par les dotations et la technologie. De plus, la théorie HOS (Heckscher – Ohlin – Samuelson) a fait l’objet de multiples tests empiriques tels que celui de Léontief en 1953. Alors qu’il voulait montrer que les États-Unis exportaient des biens plus intenses en capital, il arrive à un paradoxe célèbre, les exportations américaines se révèlent plus intenses en travail que les importations. Ce modèle contredit donc la théorie HOS. L’approche néofactorielle de Peter Kenen à tenté d’apporter des explications en montrant que le capital ne se limite pas au capital physique, mais inclut également le capital humain.

II. Les nouvelles théories de l’échange international

Ensuite, nous allons voir de nouvelles théories qui expliquent l’échange international à partir de la structure de marché.

A) La technologie

Lorsqu’un pays innove, les écarts technologiques qui existent alors avec les autres pays sont créateurs d’avantages à l’exportation pour les pays innovateurs.

1. Le modèle de l’écart technologique

Il s’agit d’un modèle développé par M.V.Posner en 1961.

Il repose sur le fait qu’une entreprise responsable d’inventions dispose d’un monopole provisoire qui lui permet de vendre son bien sur le marché domestique et le marché extérieur. Ce monopole et ce flux d’exportation durent tant que l’écart technologique existe toujours. Or, une fois que les firmes et les nations détentrices de connaissances avancées aurons exporté leur technologie, des concurrents émergeront de manière progressive.

Cependant, durant cet intervalle, les chercheurs et ingénieurs des économies dominantes auront pu restaurer l’écart technologique, par la mise au point de produits ou de moyens de les fabriquer avant-gardistes. C’est pour cela qu’il est très important d’investir en R&D afin de toujours rester à la pointe de la technologie !

2. La théorie du cycle de vie du produit de Vernon (1966)

Cette théorie montre que le commerce international s’explique par la dynamique du monopole d’innovation. À chaque phase du cycle de vie du produit correspond une phase de commerce international :

  • La première phase, intense en R&D, correspond à l’introduction du produit sur le marché par l’entreprise, qui est la seule à le produire. Ici, il n’y a pas d’échanges international => le monopole vend et teste son produit sur son marché national.
  • La deuxième phase, caractérisée par une croissance des ventes et une production intense en capital en grande série permet la baisse des prix, mais aussi l’apparition d’entreprises imitatrices. Le monopole produit donc à la fois pour son marché intérieur (domestique) et pour le marché extérieur.
  • La troisième phase, appelée phase de maturité provoque une inversion des flux commerciaux. En effet, le produit de l’entreprise se banalise, la production devient intense en facteur travail non qualifié, la concurrence se fait par les prix. Le pays innovateur, qui était auparavant exportateur de bien, l’importe à présent des pays développés, où des firmes imitatrices sont apparues, qui produisent à moindre coût.
  • La quatrième et dernière phase se caractérise par une délocalisation de la production dans des pays en voie de développement, afin de limiter les coûts de production. Au final, les pays innovateurs et les pays développés deviennent tous importateurs.

B) Échange international et économies d’échelle

Définition du terme d’économies d’échelle : diminution du coût moyen de production qui résulte d’une hausse des quantités produites. En effet, produire en quantité importante permet de réduire le coût unitaire de production (= coûts fixes répartis sur un plus grand volume de production).

  • L’hypothèse de rendements d’échelle croissants : l’augmentation du volume des facteurs utilisés engendre une augmentation plus élevée de la production. Par exemple, l’augmentation de 7% du travail et du capital entraîne une hausse de plus de 7% de la production.
  • L’hypothèse des rendements constants : si l’augmentation de 7% du travail et du capital entraîne une hausse de la production de 7%.
  • L’hypothèse des rendements décroissants : si l’augmentation de 7% du travail et du capital entraîne une hausse de la production inférieure à 7%.

La présence d’économies d’échelle dans le processus productif des branches et ou des firmes influence les conditions de spécialisation et peut être à l’origine de gains à l’échange.

On distingue 2 types d’économies d’échelles :

  • Économies d’échelles externes (à la firme) : c’est la taille du secteur d’activité dans son ensemble qui engendre une baisse du coût unitaire.
  • Économies d’échelle internes : c’est la taille d’une entreprise qui permet une diminution de son coût unitaire de production.

En conclusion, les économies d’échelle permettent d’expliquer le commerce entre pays parfaitement identique et le commerce intrabranche.

C) Les échanges de différenciation

D’après la théorie de la concurrence monopolistique (1933) de l’économiste Chamberlin, chaque consommateur a une préférence pour la variété et voit son utilité augmenter s’il consomme un grand nombre de variétés d’un bien (hausse de sa satisfaction).

Krugman en 1979 a appliqué cette théorie au commerce international et montre qu’en situation de libre-échange, le nombre total de variétés disponibles augmente. De plus, en raison des économies d’échelle, le prix des produits diminue. Ces deux effets (variété et baisse des prix) contribuent et accroissent le bien-être.

Enfin, selon Bernard Lassudrie Duchêne (1971), les consommateurs cherchent à se distinguer de leurs semblables, ce qui explique une demande de variété.

III. Le protectionnisme

A) Définition

Tout d’abord, le protectionnisme peut se définir comme l’ensemble des moyens à l’origine des pouvoirs Étatiques destinés à limiter l’accès au territoire national des biens et services étrangers, afin de protéger la production d’un pays.

Ensuite, il repose sur de nombreux moyens tels que :

  • Le quota : forme de protectionnisme par les quantités (donc non-tarifaire). Par exemple, limiter en volume ou en valeur le montant des importations.
  • Le tarif douanier : forme de protectionnisme par les prix (donc tarifaire). Par exemple, des taxes sur les importations.
  • Les restrictions volontaires d’exportations : accord bilatéral stipulant qu’un pays limite volontairement ses exportations à destination d’un pays en particulier, généralement, car le pays importateur menace d’imposer des mesures protectionnistes.
  • Le protectionnisme indirect : il s’agit d’obstacles de facto peu visibles. Par exemple, l’existence de marchés publics qui favorisent les entreprises nationales, les barrières administratives, les normes, les aides d’Etat ou encore la dévaluation.

B) Les justifications du protectionnisme

1. Le protectionnisme peut s’expliquer par la nature des relations d’un pays avec le reste du monde

Il permet de tirer parti de l’imperfection des marchés internationaux (modèle de Brander et Spencer). En effet, le libre-échange n’est pas toujours optimal et l’Etat peut avoir intérêt à subventionner une entreprise nationale pour emporter un marché. C’est un modèle popularisé par Krugman en 1987 avec l’exemple des sociétés Boeing et Airbus.

2. Le protectionnisme peut être justifié par l’intérêt national

Le protectionnisme temporaire peu permettre de construire des avantages comparatifs. C’est ce que l’on appelle le protectionnisme éducateur qui justifie un protectionnisme sélectif et temporaire pour mettre les industries naissantes à l’abri de la concurrence internationale. L’économiste Kaldor prolongera l’argument pour les industries vieillissantes.

Le protectionnisme peut constituer un instrument de relance de l’activité intérieure (Keynes). En effet, dans une perspective keynésienne, l’ouverture d’un pays à l’importation est perçue à court terme comme une fuite de revenu.

Le protectionnisme génère des recettes fiscales dans le cas des tarifs douaniers.

Le protectionnisme permet de modifier la répartition du revenu à l’intérieur du pays, en faveur du facteur relativement rare (modèle HOS). L’ouverture à l’échange modifie la répartition des revenus en augmentant la rémunération du facteur de production du bien exporté en diminuant celle du facteur de production non-intensif. Une demande de protection peut donc se manifester de la part des détenteurs du facteur rare.

IV. Le libre-échange

Il permet de stimuler la concurrence, tirer parti des économies d’échelle, augmenter le bien-être, éviter les pertes de surplus, baisser les coûts de production, diffuser un produit et permet également à chaque État d’exploiter ses avantages comparatifs.

Aujourd’hui, la majorité des économistes s’accordent à défendre le libre-échange. Mais, pourquoi les États ne s’engagent pas spontanément dans le processus de libre-échange ?

  • Tout d’abord, il existe des obstacles internes
  • Ensuite, au regard du dilemme du prisonnier, si un pays s’engage dans le protectionnisme, la meilleure réponse de son partenaire sera de se protéger.

Il est alors difficile d’instaurer le libre-échange de manière unilatérale. D’où la nécessité de recourir à la négociation et de fixer un minimum de règles les incitant à respecter leurs engagements.

V. Tableau récapitulatif des critiques de chaque système

Critiques du libre-échange

Critiques du protectionnisme

–       La division internationale du travail se transforme en outil de désindustrialisation des pays développés et de destruction de leurs emplois.

–       Contraintes écologiques.

–       Effets dévastateurs, en terme d’emplois, de l’ouverture des frontières aux pays à bas salaires (c’est ce qui explique le retour du courant protectionniste depuis quelques années).

–       L’asymétrie des relations de pouvoir entre les pays du nord et du sud conduit le commerce international à devenir le support d’un échange inégal (les pays pauvres subissent une dégradation des termes de l’échange).

–       Effets néfastes pour l’économie nationale : développement d’une économie de la rente => modification de la répartition à l’intérieur d’un pays en défaveur des consommateurs et au profit des producteurs (apparition de lobbies qui vont alors faire pression sur les pouvoirs publics. De plus, il n’incite pas à l’innovation).

–       Efficacité altérée par les mouvements de facteurs de production.

–       Le protectionnisme temporaire se transforme bien souvent en protectionnisme durable.

–       Possibilités de représailles de la part des partenaires (dilemme du prisonnier).

–       Perte de bien-être (hausse des prix). Or, cette perte de bien-être diffère selon la taille des pays.

Voilà, tu disposes désormais de toutes les clés nécessaires afin de comprendre et de mieux réviser ce chapitre d’actualité.

Bon courage à toi et à très vite !