Ah l’enquête Major-Prépa sur la hausse des frais de scolarité des écoles de commerce… Le sujet risque bien de devenir un marronnier tant les augmentations semblent s’installer dans la durée. Face au retentissement médiatique inédit de notre enquête 2015, nous avons décidé d’affiner notre méthode d’analyse des données collectées.

Notre méthodologie

Lire une étude sans en comprendre la méthodologie peut mener à de très nombreux raccourcis et mécompréhensions. Voici donc celle que nous avons concocté :

Pour la première fois, nous avons réussi à retrouver l’intégralité des frais de scolarité des écoles pour les années 2009, 2011, 2015 et 2016; de quoi prendre un peu de recul sur les frais de scolarité que nous payons aujourd’hui. Les données 2009 sont issues d’une édition papier de L’Etudiant (N°313) retrouvée par hasard, celles de 2011 sont issues du site internet de L’Etudiant, tandis que celles de 2015 et 2016 sont issues de nos propres recherches. Nous avons dans la mesure du possible comparé ces données à celles figurant sur les sites Internet des écoles grâce au site archive.org qui sauvegarde chaque site web à intervalles réguliers afin de reconstituer l’histoire d’Internet.

Nous avons également amélioré notre méthodologie : pour calculer les frais de scolarité payés en moyenne chaque année par les étudiants intégrés, nous avons décidé de ne plus faire la moyenne des frais de chaque école mais de le pondérer par le nombre d’étudiants intégrant l’école. L’objectif est clair : déterminer les frais de scolarité moyens payés par un prépa intégrant une école. Si nous faisions la moyenne de chacun des frais payés, alors les frais de scolarité de NEOMA et ses 770 intégrés compteraient autant que chacun des frais des 8 écoles les moins chères (TEM, ESC Dijon, Clermont, Troyes et Pau, Brest BS, EM Strasbourg et Normandie) et leurs 738 intégrés…

Nous avons donc mené ces calculs pour 2016 mais aussi repris les données de 2015, 2011 et 2009 afin de bénéficier de données comparables. Concernant les écoles issues de fusion (SKEMA, KEDGE et NEOMA), nous avons composé la moyenne des frais de scolarité des anciennes entités.

Les frais de scolarité :

Voici les résultats :

TableauFraisScolarité2

Que les temps ont changé en l’espace de 7 ans. Alors qu’il n’y a pas si longtemps, un étudiant intégrant une école après sa prépa payait en moyenne 23 327€, cette somme est montée à 35 062€. C’est la toute première fois que le cap des 35 000€ de frais de scolarité est franchi par les écoles de commerce françaises. L’EDHEC et emlyon se partagent la palme de la plus grande hausse en valeur absolue : + 20 000€ à l’EDHEC et +20 500€ à emlyon, qui affiche cette année une augmentation inédite de 17,3% de ses frais de scolarité.

La hausse des frais de scolarité

Pour saisir les hausses de ces frais de scolarité, nous avons mené une compilation de l’ensemble des hausses constatées entre 2009, 2011, 2015 et 2016 :

TableauHausseFrais

A l’exception notable de Telecom EM qui demeure encore la moins chère (de loin) grâce à son statut et qui se dote enfin des ressources qui lui manquent malgré son statut d’école publique, les hausses que l’on retrouve ailleurs sont de plus en plus difficilement supportables. Imaginez : étudier à emlyon en 2016 coûte désormais 87,2% de plus qu’étudier à EMLYON en 2009… Si le nom de l’école a perdu ses majuscules entretemps, les frais de scolarité eux, ne sont plus minuscules… Une stratégie payante pour l’école : alors que l’école ne récoltait que 8,8M€ de frais de scolarité de ses 375 étudiants intégrés en 2009, elle en récolte désormais 22,2M€, une multiplication de ses ressources par 2,5 destinée à réaliser sa stratégie de croissance par la volume, chère à Bernard Belletante.

Mais le cas est loin d’être isolé, les hausses sont presque partout sévères, en moyenne : +50% depuis 2009, +26% depuis 2011 et +4,3% depuis l’année dernière. Dans le même temps, d’après les données de l’INSEE, l’inflation s’élève à 7,6% depuis 2009, à 4,4% depuis 2011 et à 0,4% depuis septembre 2015… Hausses qui ne sont pas sans conséquences, loin de là.

Frais de scolarité / SIGEM : une corrélation à démontrer ?

Et si les frais de scolarité influençaient grandement les choix des prépas ? La question est légitime. Lorsqu’on fait son choix, qui plus est entre deux écoles équivalentes, les frais de scolarité servent bien souvent à trancher cela. Quelques exemples peuvent effectivement corroborer cette hypothèse.

Le duel NEOMA vs Toulouse BS

L’ancien duel SIGEM NEOMA/TBS, deux écoles de niveau similaire, a longtemps tourné à l’avantage des écoles implantées à Reims et Rouen, leurs frais de scolarité y étant auparavant plus faibles. Mais la fusion a entraîné l’adoption d’une stratégie par le volume passant également par la hausse des frais de scolarité. Dans le même temps, l’école toulousaine a joué le jeu de la modération de la hausse des frais. Résultat : alors que Rouen BS (23 350€ de frais) battait à plate couture l’ESC Toulouse (alors 1350€ plus chère) par 70-30 en 2009, le match est désormais gagné par TBS à 81-19 et est devenue 1800€ moins chère.

Le duel Audencia vs Grenoble EM

De même du côté du duel entre Audencia et Grenoble EM, lui aussi très ancien. Les questionnements des double-admis entre les deux écoles ne datent pas d’hier, mais d’une dizaine d’années. Pourtant, l’école nantaise a toujours dominé son homologue grenobloise, ne lui ayant jamais laissé qu’une infime partie des doubles admis (record à 12% en 2007, entre 7 et 10% jusqu’en 2014). A l’époque, Audencia y était bien moins chère (3300€ de moins en 2009, 1290€ en 2011), de quoi forger la décision de nombreux double-admis d’intégrer l’école nantaise. Pourtant, en 2015 et surtout en 2016, les choix se sont bien plus rééquilibrés…et Audencia a rattrapé et nettement dépassé l’école grenobloise en termes de frais de scolarité. Et si l’écart des frais de scolarité reste similaire, on vous l’annonce dès à présent : Grenoble EM passera 6ème au SIGEM en 2017.

Pourtant, pour Audencia, la hausse de ces frais de scolarité est nécessaire : le groupe dispose de loin du plus faible budget des écoles du top 10 (39,8M€). Et si le développement futur de l’école passait par cette hausse des frais et donc une perte d’attractivité comparativement à GEM et donc indirectement par le sacrifice d’une place au SIGEM ?

Ailleurs aussi…

Telecom EM ne remplit pas, mais maintient sa 14ème place au SIGEM, grâce aux frais de scolarité offerts aux étudiants boursiers et au prix modéré pour les autres. Montpellier BS favorise l’apprentissage et le rend obligatoire pour les étudiants qui ne choisissent pas d’effectuer un  double-diplôme, d’où des frais réduits à 21 000€ pour plus de 90% de ses étudiants. Pour les duels très serrés, cela semble également jouer : l’ESC Dijon est passée devant ICN, plus chère et s’offre un rapproché inédit avec l’EM Strasbourg…tout comme leurs frais de scolarité. L’ISC Paris et l’INSEEC sont dépassées cette année par l’ESC La Rochelle, 4500€ et 3500€ (respectivement) moins chère. L’ESC Clermont s’offre la 21ème place pour son retour au SIGEM, belle performance quand on se remémore le fiasco de FBS. Sans surprise, l’école s’avère moins chère que les écoles qu’elle dépasse… Par ailleurs, les désistements des étudiants admis dans une école du top 5 SIGEM pour des écoles qui n’en font pas partie ont explosé cette année : on en dénombre 25 contre 7 en 2015, au moment où un véritable fossé apparaît entre ces cinq écoles et les 21 autres concernant les frais de scolarité.

Des hausses souvent bien fondées

Ne croyez cependant pas que les écoles sont dirigées par des êtres cupides et sadiques n’attendant qu’une nouvelle rentrée afin d’augmenter la facture pour vous faire encore plus de mal. Parfois, le pari est gagnant : l’ESC Rennes s’était donnée les moyens de décrocher l’accréditation EQUIS et donc la triple-accréditation en 2014. Pénalisée auparavant par des frais trop élevés par rapport à ses concurrents, l’école s’est hissée de la 17ème place SIGEM en 2013 à une solide 12ème place en 2015, confirmée en 2016.

L’ambition pour ces écoles est alors de montrer que ces hausses servent à financer des stratégies gagnantes sur le long terme… Mais pas trop long quand même, auquel cas nous les étudiants auront l’impression de payer plus pour un service qui, lui n’évolue pas. Au-delà de la communication des écoles sur leurs ambitions internationales, sur les nouvelles pédagogies, force est de constater que l’expérience des étudiants n’a souvent pas évolué depuis 2009, et leurs salaires de sortie non plus… Le défi pour ces écoles est alors de mettre leurs ressources non seulement pour nourrir des ambitions à venir mais aussi pour améliorer l’expérience des étudiants actuellement scolarisés. De trop nombreux étudiants nous confient leur impression de payer pour les générations à venir…

En parlant de ces générations futures, quel sera le prix à payer ? Les frais de scolarités monteront-ils à des niveaux aberrants ? Pour poursuivre la réflexion, nous vous invitons à lire cet article de Loick Roche, directeur de Grenoble EM : http://loickroche.blog.lemonde.fr/2015/09/07/frais-de-scolarite-en-ecoles-de-management-jusquou-peut-on-aller/

Nous invitons également tous les directeurs d’école à nous apporter leur vision à ce sujet, à l’image d’Isabelle Barth en 2015.

Mehdi Cornilliet (mise en forme, analyse et collecte des anciennes données)
&
Assia Hadj-Ahmed (collecte des données 2016)