On remarque depuis peu que la note attribuée par les agences de notation à la France se dégrade. Cette dégradation de cette notation depuis 2012 est essentiellement due à la crise de la dette de la zone euro, car jusqu’alors, la France a toujours eu la note maximale, à savoir AAA et Aaa. Mais le 13 janvier 2012, Standard & Poor’s dégrade cette note d’un cran, Moody’s le 19 novembre 2012 et Fitch en 2013.

Evolution de la note attribuée à la France.

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Dans un premier temps, définissons ce qu’est une agence de notation. Une agence de notation est une entreprise à but lucratif, qui vend un service d’évaluation du risque de défaut et de la santé économique d’un émetteur (entreprises, banques, pays …). Ainsi, son rôle (sur le papier) est de corriger les asymétries d’informations sur le marché, notamment sur le marché secondaire des obligations et actions (ce qu’on appelle « La bourse »). Ces agences opèrent contre une rémunération à la demande des entreprises désirant être notées. Leur indépendance a toutefois été remise en question depuis l’affaire Enron et depuis la crise de 2008.

Mais de nombreux problèmes émergent depuis désormais quelques années (et surtout depuis la crise de 2008 où les agences étaient pointées du doigt). Et le premier problème est le suivant, ce n’est pas l’investisseur utilisant ces notes qui paye les agences mais les émetteurs eux mêmes (entreprises, banques, Etats…)

I – Pourquoi les conflits d’intérêts au sein des agences de notation existent-ils ?

Notons dans un premier temps que la création des agences de notation financière remonte au début du XXè siècle et que le problème des conflits d’intérêt a prit de l’ampleur dans les années 1970’. Mais pourquoi le conflit d’intérêt est-il né? Tout simplement parce que le rôle d’une agence de notation a évolué en même temps que la mondialisation financière! Avant les années 1970’, l’investisseur payait pour avoir une notation sur une société ou un produit qui l’intéressait. Après les années 1970’, ce sont les entreprises elles mêmes qui payaient pour se faire noter et attirer les capitaux. On appelle ce nouveau système « émetteur-payeur ». Autrement dit, les émetteurs (banques, entreprises, Etats..), voulant être notés, ont commencé à demander aux agences de notation ce service en échange d’une rémunération. En gros, lorsque Goldman Sachs paye (une petite fortune) pour faire noter son produit financier, l’agence de notation rend un service à son client: ce serait bête de le décevoir, non?

De plus, avec la mondialisation financière, les agences de notation sont devenues de plus en plus rentables et avaient surtout de plus en plus de demande ! Cependant ce changement n’est pas uniquement lié à la mondialisation financière. C’est tout simplement parce que le rôle de ces agences dans la régulation des marchés financiers était de plus en plus important. Car de base, ces notes devaient permettre de gérer le marché et de réduire le risque pour les investisseurs. Ainsi la note devait se transformer en une information stable qui devait réguler les marchés et devait permettre l’allocation des capitaux vers des produits financiers sains et non risqués. Sauf que la demande en notation a explosé car les émetteurs ont eu un besoin croissant de notes élevées pour attirer des capitaux.

Ainsi, les agences de notation sont passées de fournisseurs d’informations financières à quasi-régulateurs de ces marchés, faisant ainsi la pluie et le beau temps ! Souvenez vous: quand la note souveraine Française a été dégradée de AAA à AA+ par Standard & Poor’s  en Janvier 2012 ! Comme la France reste attractive pour les investisseurs, cela n’a pas eu de grandes conséquences, car depuis la dégradation de la notre par les trois principales agences de notation, le taux d’emprunt en France a augmenté mais est resté à un niveau bas: une stabilité qui s’explique par le contexte global d’injection massive de liquidités par les banques centrales!

Nous pouvons cependant distinguer trois cas dans les conflits d’intérêts, le premier touchant à la notation des sociétés, le second touchant à la notation des dettes souveraines et le troisième (peut être le plus problématique), la notation des instruments financiers.

• Cas n°1 : Notation des sociétés : le conflit d’intérêt y est très important car il repose sur le modèle de l’émetteur qui règle financièrement les frais de sa propre notation.
• Cas n°2 : Notation des Etats : le conflit d’intérêt y est moins important, que ce soit l’Etat qui demande une notation ou que ce soit l’agence qui note la dette d’un Etat de son propre chef ne semble pas avoir de répercussions sur la qualité de la note attribuée.
• Cas n°3 : Notation des instruments financiers : conflit d’intérêt extrêmement important, c’est ce qu’on a pu voir à travers la crise de 2008 avec la notation excessive de certains produits extrêmement toxiques.

Annexe : tableau qui représente l’ensemble des notes des 4 leaders mondiaux de la notation financière :

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II – La situation commence un petit peu à changer : le Dodd-Frank Act de 2010

Après la crise de 2008 et le fait que les agences de notation continuent d’être très rentables malgré les critiques croissantes, le Dodd-Frank Act a apporté une petite réponse aux problèmes liés aux conflits d’intérêts dans le secteur de la notation financière. Cette réforme prévoit que les conflits d’intérêts doivent être soigneusement contrôlés et abordés de façon explicite et non plus implicite dans la législation. De plus, les agences de notation doivent faire une recherche pour déterminer si un conflit d’intérêt avec le client a influencé ou non la notation et réviser la notation si nécessaire. Pour finir, le Dodd-Frank Act prévoir que la Securities Exchange Comission (SEC) doit contrôler le plus régulièrement possible les codes d’éthique des agences de notation et leurs manières de régler ces conflits.

Cependant cette loi ne remet pas en cause le modèle de l’émetteur-payeur. Prenons un exemple, si la Barclays veut faire noter un produit financier complexe par une agence de notation, elle devra payer, elle est donc son client. Or il y a quatre agences qui dominent le marché: ainsi si Barclays n’est pas satisfait par le travail de S&P, il ira chez Moodys. S&P a donc tout intérêt a bien noter ce produit même s’il est toxique, de manière à garder son client. C’est exactement ce qui s’est passé en 2008 avec le produit financier ABACUS créé par Fabrice Toure, trader francais chez Goldman Sachs.

Finalement, le Dodd-Frank Act n’a pas instauré de réelles mesures visant directement l’élimination des conflits d’intérêts mais s’est contenté de prévoir des études visant à créer des solutions envisageables. Le seul changement concerne la manière dont les agences de notation vont gérer leurs conflits d’intérêts avec l’introduction de leur responsabilité civile en cas de dommages à autrui.

Conclusion

on peut dire qu’un grand nombre de conflits d’intérêts ont affecté le domaine de la notation des produits financiers. Les agences de notation ont obtenu des revenus de plus en plus importants, sans être très regardantes sur la réelle qualité de ces produits. Et ce problème existe toujours en 2016 faute de réelles mesures prises, bien que les principales agences de notations ont été accusées d’avoir amplifié le problème de la bulle de l’immobilier aux USA. Le problème de l’émetteur payeur n’a pas été réglé. Il faudra une réforme bien plus importante que le Dodd-Frank Act pour faire évoluer ce secteur touché par de nombreux conflits d’intérêts, mais pour le moment, les agences de notation continuent de faire la pluie et le beau temps sur l’économie mondiale. D’ailleurs, elles continuent de nourrir les excès d’une finance folle: dernier exemple en date, la notation de produit adossés aux prêts étudiants américains, produits qui ressemblent étrangement aux Credit Default Swap de 2008…

Pour finir, voici un petit reportage qui traite plus en profondeur ce que vous lisez dans cet article !

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