L’alignement des planètes : taux d’intérêt faible, taux de réserve négatif, taux de change avantageux etc… 

Un terme revient souvent ces derniers temps, celui d’« alignement des planètes ». C’est une expression que certains économistes utilisent pour parler de la situation actuelle, à savoir un taux d’intérêt, un taux directeur et un taux de réserve nul voir négatif ..

Autrement dit, nous avons absolument tout pour que notre économie reparte au galop, mais il n’en est rien. Il faut dire que si l’on raisonnait de manière aussi simple, cela voudrait dire que la croissance est quelque chose d’externe, quelque chose qui tombe du ciel, un peu comme le disait Solow et son modèle de croissance exogène. Sauf que ce dernier a avoué que son paradoxe était faux et que la croissance n’est pas « une manne tombée du ciel ».

Ainsi, comment expliquer le fait que notre croissance ne reparte pas ?

Clairement, l’alignement des planètes ne suffit pas, il permet de mettre en place un climat des affaires qui pourrait stimuler une reprise de l’activité, mais le problème est davantage structurel.

Si on veut que “l’alignement des planètes”  soit propice, il faut d’abord se doter d’un moteur économique important, ce que les économistes appellent le taux de croissance potentielle.

D’après la Banque de France et Patrick Artus (Natixis), notre taux de croissance potentielle serait de 1%, il est de 2,5% aux USA. Ainsi la vitesse de croisière Américaine est deux fois supérieure….

Pour soutenir ce taux de croissance potentielle, il ne faut pas appuyer sur le moteur à coup de stimulants budgétaires (comme le préconisait J.M Keynes en 1936 dans Théorie de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, et comme ce que la Fed faisait en 2008) ou d’ingénierie fiscale car cette croissance potentielle ne se relance pas, mais elle se construit, à l’aide d’une politique structurelle importante et efficace !

Comment construire cette croissance potentielle ? 

Pour construire cette croissance potentielle nous devons agir sur les facteurs suivants :

“La quantité de travail
Le stock de capital
La PGF”

Avec ce contexte favorable à la conjoncture, comment faire ?

Pour le facteur travail, pas de miracles, il faut travailler plus. D.Olivennes parlait de la « préférence française pour le chômage », il n’en est rien. Il est vrai qu’on remarque depuis 15 ans un taux de chômage constamment supérieur à 7,5%, ce qui est plus élevé qu’en Allemagne ou en Angleterre mais cela relève davantage d’un problème structurel que de la mauvaise volonté de la population française. Ainsi, il faudrait fluidifier le marché du travail, faciliter l’embauche (et également les licenciements tout en protégeant les salariés), c’est la réforme de la « flexisécurité » qui a bien fonctionné dans les pays nordiques et qui, aujourd’hui, fait tant polémique en France (et oui pendant que le Portugal nous volait notre coupe, la loi était toujours d’actualité, bref revenons à l’économie…)

Il faut également agir sur le temps de travail; non pas hebdomadaire ou annuel mais sur l’ensemble de la vie active. Le taux d’emploi est de 65% en France, 75% en Allemagne. Les jeunes ne représentent que 28% contre 47% en Allemagne. Les Français entrent tardivement et sortent trop tôt du marché par rapport à ce que l’on peut voir chez nos voisins allemands. L’une des solution serait par exemple de développer l’apprentissage, chose qui fonctionne parfaitement en Suisse!
Enfin, il faut agir sur la productivité du travail; la France connait un déclin des ses gains de productivité depuis 15 ans. Ce déclin se fait dans l’ensemble de nos secteurs. Cela est due à l’insuffisance de qualification, manque de robotisation de nos usines, déficit de la R&D etc.

Pour le facteur capital, il faut palier au manque de robotisation dans nos usines pour pallier une éventuelle hausse de la demande mais surtout pour booster ce taux de croissance potentielle. Le problème peut aussi être psychologique, la robotisation n’est pas forcément néfaste pour l’emploi et peut même l’encourager, encore une fois, cela fonctionne bien en Allemagne (notamment dans le secteur industriel).

Enfin, pour le facteur PGF, il faut constamment augmenter les dépenses de R&D qui sont encore trop faibles, il faut booster l’éducation et se doter d’un système productif important, cela passera donc par une réforme du système universitaire francais, nous n’arrivons plus à garder nos cerveaux qui, hormis ce brave Piketty… fuient tous aux Etats Unis ou les dépenses universitaires et en R&D explosent …

Il faudrait également créer des pôles pour favoriser l’excellence universitaire et technologique, un peu comme à Palo Alto entre Stanford et la Silicon Valley.

Aujourd’hui nous avons Paris Saclay qui se développe (et regroupe des écoles comme Telecom ParisTech, l’X, l’ENS Cachan, l’ENSTA, HEC Pairs et j’en passe….), ainsi que le pôle Sophia Antipolis qui réunit, Skema, la fac et les entreprises près de Nice! En vertu du modèle centre périphérie de Paul Krugman dans Geogaphy and trade (1991) cela permet de booster le progrès technique et son application sur les facteurs de production.

Conclusion


Les politiques menées aujourd’hui en Europe suivent des directions contradictoires : logique keynésienne d’une part, néoclassique de l’autre. Il semble nécessaire de relancer le débat autour d’une « Europe verte », levier de croissance et gisement d’emplois. Aghion, Cette et Cohen, dans Changer de modèle (2014) appellent ainsi de leur vœux la définition d’une nouvelle politique industrielle orientée « innovation verte » car les emplois dans ce secteur progressent 2,5 fois plus vite que dans les autres secteurs.

Enfin, il faut changer nos mentalités, mettre en place une politique structurelle d’ampleur et faire confiance à la jeunesse (à nous les gars un peu d’enthousiasme) qui a des idées et de l’envie, et si le futur moteur de la croissance était en réalité .. nous mêmes