argent

À la fin du troisième trimestre 2021, la dette publique française s’élevait à environ 2 834 milliards d’euros, soit près de 116 % du PIB d’après l’Insee. Ce fort endettement public, aujourd’hui devenu indispensable pour pallier les effets de la crise sanitaire, inquiète de nombreux économistes. Les économistes libéraux considéraient dès le XVIIIᵉ siècle que l’endettement public était non nécessaire et pouvait représenter un frein pour la croissance de long terme d’un pays. Toutefois, dans une perspective keynésienne, une certaine forme d’endettement public est indispensable pour mener des politiques budgétaires ambitieuses et doper la croissance de court terme. Dès lors, faut-il souhaiter l’équilibre des finances publiques ?

Un endettement utile à court terme…

À court terme, l’équilibre des finances publiques n’est pas nécessairement souhaitable. À ce titre, Keynes dans sa Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1936) considère que le déficit public est un outil efficace pour mener des politiques budgétaires expansives et ainsi éviter d’entrer dans un « cercle vicieux » caractérisé par une faible demande globale et des anticipations pessimistes de la part des entrepreneurs.

Historiquement, le New Deal mis en place par Roosevelt après la crise de 1929 fut en partie financé par l’endettement public. Entre 1933 et 1936, le déficit budgétaire américain passe de 1 à 3,6 milliards de dollars. Mais cette politique budgétaire a permis de réduire le chômage américain qui avait atteint 25 % après la crise. En 1934, c’est près de quatre millions de chômeurs qui sont embauchés par la Civil Works Administration. Un déficit public peut ainsi être nécessaire à court terme pour soutenir la croissance et affronter une crise. Dans une telle vision, la croissance et les recettes qui résultent de ce déficit devraient permettre par la suite de le résorber.

… mais potentiellement dangereux à long terme

Cependant, à long terme, un trop fort endettement public peut devenir un frein à la croissance. L’endettement public provoque tout d’abord un effet d’éviction par les taux d’intérêt. Lorsque l’État emprunte des fonds, les taux d’intérêt augmentent, ce qui limite les fonds disponibles pour les entreprises privées et freine leur investissement. Plus encore, le théorème Ricardo-Barro stipule que lorsque l’État s’endette, les agents, dotés d’anticipations rationnelles, anticipent une hausse future des impôts et augmentent donc leur épargne. Ici, l’endettement public n’a donc pas eu d’effet vertueux sur l’activité puisqu’il n’a pas stimulé la consommation.

Par ailleurs, Reinhart et Rogoff (Cette fois, c’est différent : Huit siècles de folie financière, 2009), en se fondant sur un échantillon de 20 pays, affirment que la dette publique devient un frein à la croissance à partir d’un certain seuil qu’ils estiment à 90 % du PIB. Or, ce seuil apparaît largement atteint dans la plupart des pays développés. Un trop fort endettement étatique semble ainsi néfaste pour la stabilité économique de long terme. Comme le soulignait Emmanuel Combe en mai 2020 pour L’Opinion : « La dette est certes un très bon médicament pour stopper une crise ; ce ne doit pas devenir une drogue dure. »

Un trop fort endettement fait également peser un risque d’effet boule de neige de la dette, c’est-à-dire un processus autonome d’aggravation du déficit public. Un tel effet apparaît dès lors que le taux de croissance de l’économie devient inférieur au taux d’intérêt sur les titres d’État. Un endettement excessif fait également peser le risque de perte de crédibilité d’un pays et de fuite des investisseurs étrangers.

Conclusion

Si un déficit semble vertueux à court terme, un trop fort endettement semble pénaliser la croissance de long terme. Afin que les États européens puissent résorber leurs dettes, une harmonisation fiscale apparaît comme une première piste. À ce titre, l’économiste Bénassy-Quéré (2003) affirmait qu’une telle harmonisation permettrait aux États de lever l’impôt plus efficacement dans la zone euro et ainsi de réduire les déficits. La lutte contre les paradis fiscaux serait également une piste afin d’éviter toute perte de ressources fiscales pour les États.

Si tu souhaites approfondir le sujet de l’endettement public, tu peux consulter la première et la deuxième partie de cet article qui traite de la dette exorbitante des États.